« 17 juin 1941 : manifestation rennaise » : différence entre les versions

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===Déjà le 11 mai...===
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[[Fichier:Appel_du_pr%C3%A9fet.jpg|490px|left|thumb|Le préfet incite la population au calme]]
[[Fichier:Appel_du_pr%C3%A9fet.jpg|490px|left|thumb|Le préfet incite la population au calme]]
Si le drapeau français n'a cessé de flotter sur un mât au centre du se cteur militaire du [[cimetière de l'Est]] à Rennes, la magnanimité allemande n'allait pas au-delà. Les occupants n'avaient pas apprécié une première manifestation, sur mot d'ordre de de Gaulle, le  dimanche 11 mai 1941.<ref>[[Fête de Jeanne d'Arc du 11 mai 1941 : des Rennais manifestent]]</ref> Le mardi 17 juin 1941 est la date anniversaire du bombardement allemand des trains dans la [[plaine de Baud]], l'année précédente,<ref>[[bombardement du 17 juin 1940]]</ref> qui occasionna près d'un millier de morts militaires français et britanniques et civils. Des Rennais entendent bien commémorer ce triste anniversaire en fleurissant leurs tombes et, pour certains , manifester ainsi leur hostilité aux occupants.
Si le drapeau français n'a cessé de flotter sur un mât au centre du secteur militaire du [[cimetière de l'Est]] à Rennes, la magnanimité allemande n'allait pas au-delà. Les occupants n'avaient pas apprécié une première manifestation, sur mot d'ordre de de Gaulle, le  dimanche 11 mai 1941.<ref>[[Fête de Jeanne d'Arc du 11 mai 1941 : des Rennais manifestent]]</ref> Le mardi 17 juin 1941 est la date anniversaire du bombardement allemand des trains dans la [[plaine de Baud]], l'année précédente,<ref>[[bombardement du 17 juin 1940]]</ref> qui occasionna près d'un millier de morts militaires français et britanniques et civils. Des Rennais entendent bien commémorer ce triste anniversaire en fleurissant leurs tombes et, pour certains , manifester ainsi leur hostilité aux occupants.
[[Fichier:18_juin_1941.jpg|right|450px|thumb|La cérémonie officielle du 17 juin 1941 au cimetière de l'EST(''Ouest-Eclair'' du 18/06/1941)]]
[[Fichier:18_juin_1941.jpg|right|450px|thumb|La cérémonie officielle du 17 juin 1941 au cimetière de l'EST(''Ouest-Eclair'' du 18/06/1941)]]
===Un appel du préfet à la population===
===Un appel du préfet à la population===
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Il interdit donc tout rassemblement ou défilé qui seront dispersés. "Le cimetière de l'est où une manifestation collective de protestation a été organisée, à la suite d'un mot d'ordre venu de l'étranger" sera fermé et ses abords interdits '''le dimanche 15 juin et le mardi 17''' et tout contrevenant "s'exposera aux peines les plus graves".  
Il interdit donc tout rassemblement ou défilé qui seront dispersés. "Le cimetière de l'est où une manifestation collective de protestation a été organisée, à la suite d'un mot d'ordre venu de l'étranger" sera fermé et ses abords interdits '''le dimanche 15 juin et le mardi 17''' et tout contrevenant "s'exposera aux peines les plus graves".  
[[Fichier:RNP_et_17_juin.png|left|250px|thumb|Le RNP dénonce le projet de manifestation du 17 juin, anniversaire du [[bombardement du 17 juin 1940]] <ref>''Ouest-Eclair''13 juin 1941 </ref>]]
[[Fichier:RNP_et_17_juin.png|left|250px|thumb|Le RNP dénonce le projet de manifestation du 17 juin, anniversaire du [[bombardement du 17 juin 1940]] <ref>''Ouest-Eclair''13 juin 1941 </ref>]]
En fin il annonce '''qu'un hommage officiel sera rendu aux victimes du bombardement du 17 juin''' par les notabilités civiles et religieuses au nom de toute la population. <ref> ''L'Ouest-Eclair'' du 14 juin 1941</ref>  De son côté, la division d'Ille-et-Vilaine du Rassemblement national populaire indique que des tracts anonymes ont été déposés nuitamment dans les boîtes aux lettres des Rennais, les invitant à manifester en faveur de l'Angleterre.
En fin il annonce '''qu'un hommage officiel sera rendu aux victimes du bombardement du 17 juin''' par les notabilités civiles et religieuses au nom de toute la population. <ref>''L'Ouest-Eclair'' du 14 juin 1941</ref>  De son côté, la division d'Ille-et-Vilaine du Rassemblement national populaire indique que des tracts anonymes ont été déposés nuitamment dans les boîtes aux lettres des Rennais, les invitant à manifester en faveur de l'Angleterre.
   
   


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===Des manifestations populaires des 15 et 16 évoquées, celle du 17 passée sous silence===
===Des manifestations populaires des 15 et 16 évoquées, celle du 17 passée sous silence===
Le 17 juin, le journal publie les recommandations du maire concernant la cérémonie commémorative dans le cimetière de l'Est, à l'exclusion de tout autre manifestation.
Le 17 juin, le journal publie les recommandations du maire concernant la cérémonie commémorative dans le cimetière de l'Est, à l'exclusion de tout autre manifestation.
Le 17 paraît un arrêté de la Feldkommandantur instituant, à partir de ce jour, la fermeture des restaurants à 20 h 00 et un couvre-feu à 20h30 pendant 10 jours, à la suite de cortèges de manifestants qui ont eu lieu, malgré l'avertissement du préfet, '''en soirée du dimanche 15 à Rennes et le lundi 16''', en faveur de de Gaulle et avec un caractère anti-allemand.<ref> ''L'Ouest-Eclair'' du 17 juin 1941</ref> Des Rennais se sont donc manifestés non seulement le dimanche, jour férié, mais aussi le lundi, jour travaillé que le préfet n'avait donc pas visé. C'est le 15 ou le 16 qu'il faut situer la montée de nombreux Rennais vers la préfecture aux cris de  "Pétain au poteau ! Vive de Gaulle !" en face de gendarmes qui n'interviennent pas. Une source cite 3000 à 4000 Rennais<ref>''Le poids  de la ville en Bretagne et dans la France de l'Ouest'', colloque sur "La Résistance et les Français", Cachan - nov. 1995</ref> mais selon les Allemands, les manifestants n'étaient que 400.<ref>Rapport d'activité du XXVe corps d'armée allemand - juin 1941 Vincennes, service historique</ref>
Le 17 paraît un arrêté de la Feldkommandantur instituant, à partir de ce jour, la fermeture des restaurants à 20 h 00 et un couvre-feu à 20h30 pendant 10 jours, à la suite de cortèges de manifestants qui ont eu lieu, malgré l'avertissement du préfet, '''en soirée du dimanche 15 à Rennes et le lundi 16''', en faveur de de Gaulle et avec un caractère anti-allemand.<ref>''L'Ouest-Eclair'' du 17 juin 1941</ref> Des Rennais se sont donc manifestés non seulement le dimanche, jour férié, mais aussi le lundi, jour travaillé que le préfet n'avait donc pas visé. C'est le 15 ou le 16 qu'il faut situer la montée de nombreux Rennais vers la préfecture aux cris de  "Pétain au poteau ! Vive de Gaulle !" en face de gendarmes qui n'interviennent pas. Une source cite 3000 à 4000 Rennais<ref>''Le poids  de la ville en Bretagne et dans la France de l'Ouest'', colloque sur "La Résistance et les Français", Cachan - nov. 1995</ref> mais selon les Allemands, les manifestants n'étaient que 400.<ref>Rapport d'activité du XXVe corps d'armée allemand - juin 1941 Vincennes, service historique</ref>


Le mardi matin 17, un cordon de  police et de gendarmerie est en place. Les Rennais auraient été trois mille, <ref>''La Bretagne d'une guerre à l'autre 1914-1945'', par Christian Bougeard- Skol Vreiz -1994</ref> ces Rennais qui auraient voulu manifester et entrer, et sont  quelques centaines. Celle-ci rassembla finalement entre 300 et 400 personnes. Désireux de bien maîtriser cette journée jugée à haut risque, le recteur rédigea, dès le 8 juin 1941, une circulaire dans laquelle « chacun fut invité à contribuer au maintien du calme le plus absolu.»
Le mardi matin 17, un cordon de  police et de gendarmerie est en place. Les Rennais auraient été trois mille, <ref>''La Bretagne d'une guerre à l'autre 1914-1945'', par Christian Bougeard- Skol Vreiz -1994</ref> ces Rennais qui auraient voulu manifester et entrer, et sont  quelques centaines. Celle-ci rassembla finalement entre 300 et 400 personnes. Désireux de bien maîtriser cette journée jugée à haut risque, le recteur rédigea, dès le 8 juin 1941, une circulaire dans laquelle « chacun fut invité à contribuer au maintien du calme le plus absolu.»


Le commandant Guillaudot  <ref> [[rue du général Maurice Guillaudot]]</ref> avait refusé de charger la foule, dans laquelle il y avait des étudiants, des collégiens et des élèves de l'école d'industrie, qui déposa les gerbes aux pieds des hommes du cordon et entonna la Marseillaise. Elle se dispersa après avoir crié "Vive la France ! Vive de Gaulle !"<ref> rapports de l'armée d'occupation évoqués par Jacqueline Sainclivier. [[Ouest-France]], édition Rennes- 3 juin 2010</ref> Le commandant sera, deux jours après, muté à Vannes et entrera dans la Résistance <ref> ''Rennes pendant la guerre, chroniques de 1939 à 1945'', par Étienne Maignen, Éditions Ouest-France - 2013</ref> et le commissaire de police Dives est rétrogradé et muté.
Le commandant Guillaudot  <ref>[[rue du général Maurice Guillaudot]]</ref> avait refusé de charger la foule, dans laquelle il y avait des étudiants, des collégiens et des élèves de l'école d'industrie, qui déposa les gerbes aux pieds des hommes du cordon et entonna la Marseillaise. Elle se dispersa après avoir crié "Vive la France ! Vive de Gaulle !"<ref>rapports de l'armée d'occupation évoqués par Jacqueline Sainclivier. [[Ouest-France]], édition Rennes- 3 juin 2010</ref> Le commandant sera, deux jours après, muté à Vannes et entrera dans la Résistance <ref>''Rennes pendant la guerre, chroniques de 1939 à 1945'', par Étienne Maignen, Éditions Ouest-France - 2013</ref> et le commissaire de police Dives est rétrogradé et muté.


Le recteur félicita :« On pouvait craindre que les 15 et 17 juin, dates d’anniversaires du bombardement de Rennes et de l’entrée des troupes allemandes, des manifestations aient lieu et que, par contrecoup, si les écoles s’y trouvaient mêlées, des mesures de rigueur soient prises contre elles. L’effort accompli par vous et en accord avec vous pour tenir l’université en dehors de cette agitation a porté ses fruits. Ni l’université, ni les établissements du second degré n’ont été fermés, comme on l’avait craint. »
Le recteur félicita :« On pouvait craindre que les 15 et 17 juin, dates d’anniversaires du bombardement de Rennes et de l’entrée des troupes allemandes, des manifestations aient lieu et que, par contrecoup, si les écoles s’y trouvaient mêlées, des mesures de rigueur soient prises contre elles. L’effort accompli par vous et en accord avec vous pour tenir l’université en dehors de cette agitation a porté ses fruits. Ni l’université, ni les établissements du second degré n’ont été fermés, comme on l’avait craint. »
Le 18, le quotidien rend largement compte, avec deux photos, de la cérémonie officielle qui a rassemblé la veille, dans le cimetière de l'est, les nombreuses personnalités civiles et religieuses devant les 740 tombes des victimes de "l'explosion" de la plaine de Baud. Il ne comporte pas un mot sur la manifestation populaire tenue dans le même temps devant le cimetière.
Le 18, le quotidien rend largement compte, avec deux photos, de la cérémonie officielle qui a rassemblé la veille, dans le cimetière de l'est, les nombreuses personnalités civiles et religieuses devant les 740 tombes des victimes de "l'explosion" de la plaine de Baud. Il ne comporte pas un mot sur la manifestation populaire tenue dans le même temps devant le cimetière.


Mais sur la même feuille la préfecture communique, '''pour participation aux manifestations des 15 et 16 juin, des mesures d'internement administratif''' au camp de Châteaubriant infligées pour 3 semaines à Michel Ricaud et Louis Piron, étudiants et à Gaston Picard, agent d'administration, pour 15 jours à Pierre Le Damany, étudiant et pour une semaine à Théophile Le Jan, serrurier à la S.N.C.F.<ref> ''L'Ouest-Eclair'' du 18 juin 1941</ref> Le préfet se targua d'avoir obtenu des autorités allemandes que les manifestants arrêtés soient punis par l'autorité française d'une à trois semaines d'internement administratif alors que les Allemands envisageaient une année de détention. Curieusement, on ne trouve pas trace par la suite de mesures d'internement concernant des manifestants du mardi 17 juin prises par le préfet ou par la Feldkommandantur qui s'est contentée des mesures prises le 17 pour les dix jours suivants. Le préfet écrit :" J'ai pu faire admettre à la Feldkommandantur que la population française n'était pas habituée aux mesures d'internement administratif pour des motifs d'ordre politique et qu'il y avait lieu de retenir la valeur d'exemple des premières sanctions prises dsns le département."<ref> ''Les Manifestations de rues en France 1918-1968'', par Danielle Tartakowsky. Publications de la Sorbonne-1997</ref> et ces mesures n'ont été publiées que le 18, après la manifestation de la veille et le préfet fait donc valoir leur valeur dissuasive ultérieure.
Mais sur la même feuille la préfecture communique, '''pour participation aux manifestations des 15 et 16 juin, des mesures d'internement administratif''' au camp de Châteaubriant infligées pour 3 semaines à Michel Ricaud et Louis Piron, étudiants et à Gaston Picard, agent d'administration, pour 15 jours à Pierre Le Damany, étudiant et pour une semaine à Théophile Le Jan, serrurier à la S.N.C.F.<ref>''L'Ouest-Eclair'' du 18 juin 1941</ref> Le préfet se targua d'avoir obtenu des autorités allemandes que les manifestants arrêtés soient punis par l'autorité française d'une à trois semaines d'internement administratif alors que les Allemands envisageaient une année de détention. Curieusement, on ne trouve pas trace par la suite de mesures d'internement concernant des manifestants du mardi 17 juin prises par le préfet ou par la Feldkommandantur qui s'est contentée des mesures prises le 17 pour les dix jours suivants. Le préfet écrit :" J'ai pu faire admettre à la Feldkommandantur que la population française n'était pas habituée aux mesures d'internement administratif pour des motifs d'ordre politique et qu'il y avait lieu de retenir la valeur d'exemple des premières sanctions prises dsns le département."<ref>''Les Manifestations de rues en France 1918-1968'', par Danielle Tartakowsky. Publications de la Sorbonne-1997</ref> et ces mesures n'ont été publiées que le 18, après la manifestation de la veille et le préfet fait donc valoir leur valeur dissuasive ultérieure.


On peut penser que l'absence d'évocation de la manifestation populaire du 17 résultait d'une volonté d'en minimiser l'écho, voire d'en nier la réalité et telle est peut-être aussi la raison de l'absence de mesures officielles de rétorsion.
On peut penser que l'absence d'évocation de la manifestation populaire du 17 résultait d'une volonté d'en minimiser l'écho, voire d'en nier la réalité et telle est peut-être aussi la raison de l'absence de mesures officielles de rétorsion.


Les préfets reconnaîtront dans leurs rapports du 20 juin, que la propagande gaulliste continue à "faire sentir très sérieusement son influence et se trouve même en recrudescence dans certaines régions, en particulier dans le Nord, la Bretagne et certains départements ruraux de l'Ouest..."<ref> analyse des rapports des préfets parvenus à la délégation générale au 20 juin 1941 au sujet de la situation en zone occupée.</ref>
Les préfets reconnaîtront dans leurs rapports du 20 juin, que la propagande gaulliste continue à "faire sentir très sérieusement son influence et se trouve même en recrudescence dans certaines régions, en particulier dans le Nord, la Bretagne et certains départements ruraux de l'Ouest..."<ref>analyse des rapports des préfets parvenus à la délégation générale au 20 juin 1941 au sujet de la situation en zone occupée.</ref>


===Références===
===Références===


<references/>
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===Témoignages===
===Témoignages===