« La chaîne des forçats passe à Rennes ! » : différence entre les versions
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[[File:Sortie du Bagne.jpg|right| 400px|thumb|Sortie des forçats du bagne de Brest le matin pour aller au travail. (''de Wikimedia Commons'')]] | [[File:Sortie du Bagne.jpg|right| 400px|thumb|Sortie des forçats du bagne de Brest le matin pour aller au travail. (''de Wikimedia Commons'')]] | ||
Enfin, vers 15 heures, l’attente de tous ces Rennais et Rennaises, des classes bourgeoises et populaires, prend fin car ils entendent des chants qui approchent. Ce sont ceux de deux cents hommes qui, ferrés au cou à Bicêtre à Paris, poursuivent leur long trajet. via Dreux, depuis près de deux semaines. Attachés par un collier de fer et groupés en cordons de 24 ou 26 hommes, ils ont fait le trajet à pied, certains en charrette, accompagnés d’un officier de santé et escortés par une vingtaine de gardes, les « argousins », recrutés par un entrepreneur privé chargé par l’administration du ministère de l’Intérieur de toute l’organisation, de la logistique et de la surveillance des prisonniers. | Enfin, vers 15 heures, l’attente de tous ces Rennais et Rennaises, des classes bourgeoises et populaires, prend fin car ils entendent des chants qui approchent. Ce sont ceux de deux cents hommes qui, ferrés au cou à Bicêtre à Paris, poursuivent leur long trajet. via Dreux, depuis près de deux semaines. Attachés par un collier de fer et liés deux par deux, groupés en cordons de 24 ou 26 hommes, ils ont fait le trajet à pied, certains en charrette, accompagnés d’un officier de santé et escortés par une vingtaine de gardes, les « argousins », recrutés par un entrepreneur privé chargé par l’administration du ministère de l’Intérieur de toute l’organisation, de la logistique et de la surveillance des prisonniers. | ||
Les voici qui passent et on leur trouve des figures sinistres. De plus, le comportement étrange de ces misérables, avec leurs chants de colère et d’espoir, est perçu comme traduisant une insensibilité corrélatives à leurs méfaits et crimes et comme un mépris scandaleux des honnêtes citoyens qui respectent les lois et dont les regards réprobateurs se repaissent de ces rebuts de la société. La présence de spectatrices excite certains forçats qui lancent des quolibets salaces. Les invectives, les blasphèmes lancés entre les chants les démarquent du bon peuple. Le convoi a d’ailleurs une valeur symbolique et, en quelque sorte pédagogique, car il met en scène les conséquences redoutables du crime érigées par la société. <ref> Sylvain Rappaport,la Chaîne des forçats, 1782-1836, Paris, Aubier, 2006 </ref> | Les voici qui passent et on leur trouve des figures sinistres. De plus, le comportement étrange de ces misérables, avec leurs chants de colère et d’espoir, est perçu comme traduisant une insensibilité corrélatives à leurs méfaits et crimes et comme un mépris scandaleux des honnêtes citoyens qui respectent les lois et dont les regards réprobateurs se repaissent de ces rebuts de la société. La présence de spectatrices excite certains forçats qui lancent des quolibets salaces. Les invectives, les blasphèmes lancés entre les chants les démarquent du bon peuple. Le convoi a d’ailleurs une valeur symbolique et, en quelque sorte pédagogique, car il met en scène les conséquences redoutables du crime érigées par la société. <ref> Sylvain Rappaport,la Chaîne des forçats, 1782-1836, Paris, Aubier, 2006 </ref> |
Version du 12 juillet 2016 à 14:41
Le vendredi 29 juillet 1836, voici plus de deux heures qu’une foule compacte se presse à Rennes des rues du faubourg de Paris jusqu’au Mail, pour assister à l’arrivée de la chaîne qu’on annonce enfin car elle a passé Cesson. C’est un spectacle à ne pas manquer et un événement accroît la curiosité : voir l’horrible François, le complice de Lacénaire, l’homme le plus dangereux du convoi, objet d’une surveillance spéciale.
Enfin, vers 15 heures, l’attente de tous ces Rennais et Rennaises, des classes bourgeoises et populaires, prend fin car ils entendent des chants qui approchent. Ce sont ceux de deux cents hommes qui, ferrés au cou à Bicêtre à Paris, poursuivent leur long trajet. via Dreux, depuis près de deux semaines. Attachés par un collier de fer et liés deux par deux, groupés en cordons de 24 ou 26 hommes, ils ont fait le trajet à pied, certains en charrette, accompagnés d’un officier de santé et escortés par une vingtaine de gardes, les « argousins », recrutés par un entrepreneur privé chargé par l’administration du ministère de l’Intérieur de toute l’organisation, de la logistique et de la surveillance des prisonniers.
Les voici qui passent et on leur trouve des figures sinistres. De plus, le comportement étrange de ces misérables, avec leurs chants de colère et d’espoir, est perçu comme traduisant une insensibilité corrélatives à leurs méfaits et crimes et comme un mépris scandaleux des honnêtes citoyens qui respectent les lois et dont les regards réprobateurs se repaissent de ces rebuts de la société. La présence de spectatrices excite certains forçats qui lancent des quolibets salaces. Les invectives, les blasphèmes lancés entre les chants les démarquent du bon peuple. Le convoi a d’ailleurs une valeur symbolique et, en quelque sorte pédagogique, car il met en scène les conséquences redoutables du crime érigées par la société. [1]
Les forçats traversent ainsi toute la ville car ils vont être logés au Manège de l’école d’équitation, tenu par un sieur Duchesne, près du Mail. [2] Son épouse et d’autres dames charitables ont récupéré de vieux chapeaux de feutre et en ont découpé les fonds, les cercles de feutres pourront ainsi protéger les cous et les épaules des forçats meurtris par les chaînes.
Pendant toute la journée du samedi il y a foule autour du manège pour contempler les forçats. Le dimanche, à 15 heures, la chaîne est reconstituée et les bagnards sortent du manège pour prendre la route de Brest, mais beaucoup de Rennais, attardés à déjeuner, arrivent, fort désappointés, trop tard pour assister au défilé.
Les condamnés, remontant le faubourg de Brest, ne chantaient plus comme à leur arrivée en ville mais injuriaient et apostrophaient grossièrement les badauds qui les accompagnaient sur les côtés en sortie de la ville. [3]
references
- ↑ Sylvain Rappaport,la Chaîne des forçats, 1782-1836, Paris, Aubier, 2006
- ↑ rue du Manège
- ↑ Adolphe ORAIN,« Le passage de la chaîne des forçats à Rennes en 1836 », Revue de Bretagne, année 1909, p.81-82.