« Chronique vezinoise sous l'occupation/libération/Paix n° 20 » : différence entre les versions

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Un automne, puis un hiver et enfin un demi printemps s’écoulent, la guerre s’étant éloignée de chez nous se termine enfin, la paix est signée. Pour marquer l’évènement, des festivités sont organisées à Rennes comme probablement dans toutes les villes et aussi dans beaucoup de villages de France. La famille se rend dans la capitale bretonne pour assister aux cérémonies et manifestations qui s’y déroulent.  
Un automne, puis un hiver et enfin un demi printemps s’écoulent, la guerre s’étant éloignée de chez nous se termine enfin, la paix est signée. Pour marquer l’évènement, des festivités sont organisées à Rennes comme probablement dans toutes les villes et aussi dans beaucoup de villages de France. La famille se rend dans la capitale bretonne pour assister aux cérémonies et manifestations qui s’y déroulent.  


Après le [[Mail François Mitterrand|Mail]] et sa fête foraine, nous nous rendons ''place de la Mission'' où une immense ronde faite de jeunes gens s’est formée. Elle tourne, tourne. Il y a de la gaieté dans l'air, des cris et des chants. Une grande animation joyeuse agite la ville. Nous nous dirigeons ensuite vers le [[Champ de Mars]]. En bordure du [[boulevard de la Liberté]], un détachement de soldats américains est aligné, l'arme au pied. La foule est nombreuse, elle attend et espère assister à un défilé. Les GIs patientent aussi, ''ils chewingomisent'', ils fument… ils fument abondamment et rejettent des mégots longs comme le bras. Des yeux d'adultes guettent les projections nicotianes. Quand elles sont jugées intéressantes des jambes agiles de spectateurs se précipitent pour la récupération de la clope. La fierté n'est pas de mise. Vu la longueur des mégots jetés aux vilains, on pourrait penser qu'il s’agit là de provocation pour distraire les militaires ?! ... la dignité alors ?!... Celle-ci n’est aussi pour l’instant pas de mise. Quatre années de restrictions, de privations, l’affligent beaucoup et la remisent au placard.
Après le [[Mail François Mitterrand|Mail]] et sa fête foraine, nous nous rendons ''place de la Mission'' où une immense ronde faite de jeunes gens s’est formée. Elle tourne, tourne. Il y a de la gaieté dans l'air, des cris et des chants. Une grande animation joyeuse agite la ville. <ref> [[ Le jour de la victoire, rue de Corbin]] </ref> Nous nous dirigeons ensuite vers le [[Champ de Mars]]. En bordure du [[boulevard de la Liberté]], un détachement de soldats américains est aligné, l'arme au pied. La foule est nombreuse, elle attend et espère assister à un défilé. Les GI patientent aussi, ''ils chewingomisent'', ils fument… ils fument abondamment et rejettent des mégots longs comme le bras. Des yeux d'adultes guettent les projections nicotianes. Quand elles sont jugées intéressantes des jambes agiles de spectateurs se précipitent pour la récupération de la clope. La fierté n'est pas de mise. Vu la longueur des mégots jetés aux vilains, on pourrait penser qu'il s’agit là de provocation pour distraire les militaires ?! ... la dignité alors ?!... Celle-ci n’est aussi pour l’instant pas de mise. Quatre années de restrictions, de privations, l’affligent beaucoup et la remisent au placard.


Tout a commencé pour notre famille par un exode devant l'invasion allemande en juin 1940, du Nord vers le sud. Il se poursuivra maintenant dans le sens inverse. Ce sera le retour au pays.
Tout a commencé pour notre famille par un exode devant l'invasion allemande en juin 1940, du Nord vers le sud. Il se poursuivra maintenant dans le sens inverse. Ce sera le retour au pays.
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Sur le chemin de la [[gare de Rennes|gare]] nous effectuons une halte dans un café du Mail, à Rennes, pour téléphoner à Vezin afin d’informer que tout allait bien. J'envoie de gros bisous téléphoniques à Madame Letort et à la bonne, des personnes que j'aime beaucoup. Malgré tout, pour moi, les adieux se déroulent sans état d'âme. C’est une autre aventure qui s’annonce. Je ne suis pas du tout conscient que je tourne la dernière page'' de la grande, petite histoire de ma prime jeunesse.'' Je referme, sans me rendre compte, le couvercle sur la boîte dans laquelle demeureront rangés à jamais les instants les plus merveilleux et heureux de mon existence.
Sur le chemin de la [[gare de Rennes|gare]] nous effectuons une halte dans un café du Mail, à Rennes, pour téléphoner à Vezin afin d’informer que tout allait bien. J'envoie de gros bisous téléphoniques à Madame Letort et à la bonne, des personnes que j'aime beaucoup. Malgré tout, pour moi, les adieux se déroulent sans état d'âme. C’est une autre aventure qui s’annonce. Je ne suis pas du tout conscient que je tourne la dernière page'' de la grande, petite histoire de ma prime jeunesse.'' Je referme, sans me rendre compte, le couvercle sur la boîte dans laquelle demeureront rangés à jamais les instants les plus merveilleux et heureux de mon existence.


Comme la plupart des enfants de mon âge je vis et apprécie, au jour le jour, les évènements qui se présentent. Le voyage en chemin de fer me semble long. Le train se traîne, les ralentissements sont fréquents toujours accompagnés de crissements aigus provoqués par les roues qui frottent sur les rails. Je regarde le paysage, je suis heureux. Des dames de la Croix-Rouge française passent de wagon en wagon, elles nous offrent un goûter et des friandises.  
Comme la plupart des enfants de mon âge je vis et apprécie, au jour le jour, les événements qui se présentent. Le voyage en chemin de fer me semble long. Le train se traîne, les ralentissements sont fréquents toujours accompagnés de crissements aigus provoqués par les roues qui frottent sur les rails. Je regarde le paysage, je suis heureux. Des dames de la Croix-Rouge française passent de wagon en wagon, elles nous offrent un goûter et des friandises.  


À Paris nous prenons le métro. C'est pour moi une expérience assez déplaisante, pleine de mystère mais aussi d’angoisse. Quel drôle de transport empruntons-nous là ! Au début de notre voyage, dans le train qui nous a mené à Paris, je pouvais, quand il roulait, contempler le paysage défilant sous mes yeux, or dans celui-ci qu’on nomme métro, c'est la nuit qui apparaît dès que la rame se déplace. Il n’y a plus de paysage, c'est le noir extérieur complet. J’ai l’impression que nous n’avançons pas, bien que le frottement des roues sur les rails, soit fort bruyant. Lorsque enfin je peux distinguer des lumières et apercevoir une animation extérieure, je constate que nous ne sommes pas partis. J’ai la vision de la gare précédente. Je ne m’explique pas ce phénomène, je suis très inquiet et même oppressé. C'est tout à fait comme un cauchemar. À plusieurs reprises, quand nous quittons le wagon pour rejoindre une correspondance, je suis emporté à vive allure par cette foule dense, je manque à plusieurs reprises de perdre mes parents. Je pense tout à coup m'être égaré, seul parmi tous ces gens, entouré d’innombrables visages inconnus, j’imagine le pire, je panique et je hurle ! Mais soudain, miraculeusement, la main de ma mère se pose doucement sur mon épaule. Ouf !…
À Paris nous prenons le métro. C'est pour moi une expérience assez déplaisante, pleine de mystère mais aussi d’angoisse. Quel drôle de transport empruntons-nous là ! Au début de notre voyage, dans le train qui nous a mené à Paris, je pouvais, quand il roulait, contempler le paysage défilant sous mes yeux, or dans celui-ci qu’on nomme métro, c'est la nuit qui apparaît dès que la rame se déplace. Il n’y a plus de paysage, c'est le noir extérieur complet. J’ai l’impression que nous n’avançons pas, bien que le frottement des roues sur les rails, soit fort bruyant. Lorsque enfin je peux distinguer des lumières et apercevoir une animation extérieure, je constate que nous ne sommes pas partis. J’ai la vision de la gare précédente. Je ne m’explique pas ce phénomène, je suis très inquiet et même oppressé. C'est tout à fait comme un cauchemar. À plusieurs reprises, quand nous quittons le wagon pour rejoindre une correspondance, je suis emporté à vive allure par cette foule dense, je manque à plusieurs reprises de perdre mes parents. Je pense tout à coup m'être égaré, seul parmi tous ces gens, entouré d’innombrables visages inconnus, j’imagine le pire, je panique et je hurle ! Mais soudain, miraculeusement, la main de ma mère se pose doucement sur mon épaule. Ouf !…
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== Voir aussi==
== références==
*[[Chronique vezinoise sous l'occupation/Libération n°19]]
*[[Chronique vezinoise sous l'occupation/Libération n°19]]
'''*[[Chronique vezinoise sous l'occupation/libération/Paix n°21]]'''
'''*[[Chronique vezinoise sous l'occupation/libération/Paix n°21]]'''


[[Catégorie:Vezin-le-Coquet]]
[[Catégorie:Vezin-le-Coquet]]
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