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Ce lieu est empreint d’histoires syndicales et d’événements culturels : témoin des avancées sociales, de la solidarité, du partage et de l’ouverture à la culture. Il est le berceau des Trans Musicales, des combats syndicaux et politiques. Un lieu auxquels les Rennais sont fortement attachés. Jusqu’à fin 2013, l’édifice, rue Saint-Louis, est composé de plusieurs corps de bâtiments : un premier le long de la rue Saint-Louis et un second dans la cour, dont la façade postérieure donne sur la rue d'Échange. Textes : Danièle Guégan et Violaine Poubanne.
1863 - 1887
De la liberté de réunion à la première bourse du travail
En 1863, la chambre syndicale ouvrière - antérieure au syndicat - voit le jour. Les ouvriers d’une même profession peuvent désormais se regrouper librement, avant la création des unions locales en 1864 . Avec l'adoption en 1884 de la loi Waldek-Rousseau, légalisant la création des syndicats, les structures locales de défense des intérêts ouvriers se multiplient. En 1887, elles se regroupent dans un même lieu : la première bourse du travail est créée à Paris. Les autorités municipales soutiennent généralement les bourses du travail. Revers de la médaille, un contrôle est exercé sur elles, limitant leur autonomie.
1891
Vers l'ouverture d'une bourse du travail à Rennes
Après un premier refus, la municipalité rennaise accorde aux organisations ouvrières l’ouverture d’une bourse du travail, suite à une pétition à l’initiative des chambres syndicales et au soutien des conseillers municipaux ouvriers.
Troisième en Bretagne après Nantes et Saint-Nazaire en 1892, la bourse du travail de Rennes est créée en avril 1893, six ans après celle de Paris. En plus de ses missions syndicales, elle crée un bureau de placement des ouvriers. Deux mille personnes sont placées par an. Puis, elle devient un foyer culturel très actif.
1893
Un local pour la bourse de Rennes
4 février 1893. Archives de Rennes, 2 Fi 6324.|200x200px]] Après une étude de restauration de l’hôtel de Guerry, conçu par l’architecte Jean-Baptiste Martenot, le projet, jugé trop coûteux, est abandonné. La bourse s’installe alors dans l’ancien café central, Place du Champ-Jacquet, ce qui n'empêche pas les patrons de pétitionner pour sa fermeture.
1895
Création de la CGT
La Confédération générale du travail est officiellement créée au congrès
de Limoges, le 23 septembre 1895. Elle participe amplement au développement des bourses du travail, avec lesquelles elle fusionne en 1902.
1906
Soutien aux Fougerais en grève
À Fougères, le 13 novembre 1906, une grève générale des chaussoniers déclenche un conflit qui va durer trois mois. En solidarité, la bourse du travail de Rennes décide de soutenir les grévistes fougerais. Elle lance un appel aux familles pour accueillir les enfants des grévistes, le temps de la grève. Le 9 décembre, un premier convoi de 160 enfants
arrive à Rennes au milieu d’une foule enthousiaste.
1907
Création d’une clinique
Le 23 novembre 1907, le conseil municipal entreprend des travaux d’aménagements pour installer une clinique à la bourse du travail de Rennes. Elle est la première à ouvrir des consultations médicales gratuites au sein d’une clinique syndicale. Une organisation de lutte contre l’alcoolisme y est créée. Son slogan : « Prolétariat debout contre l’alcool ».
1909
Déménagement de la Bourse
Les locaux deviennent trop étroits et inadaptés. La bourse est alors transférée de manière « absolument provisoire » dans l’ancien couvent des Carmes, rue Hoche – qui abrite l’actuelle école européenne supérieure d’art de Bretagne. Du provisoire qui dure neuf ans.
1911
Les syndicats s'organisent pour la création d'une Maison du peuple
Les
syndicats forment une société civile (SCI) et fondent la Maison du peuple. Objectif : devenir propriétaire et s’affranchir du pouvoir municipal. La SCI rachète à la Ville des terrains et un bâtiment, rue Saint-Louis, pour accueillir la bourse du travail dont les membres ne cessent de croître : 31 syndicats et 5 000 syndiqués.
1918
Installation provisoire rue Saint-Louis
En 1918, un hangar, pour la Maison du peuple, est enfin édifié dans l’attente d’un projet de construction. Il abrite une salle de réunion provisoire d’une capacité d’accueil de 500 personnes et permet aux syndiqués d'avoir un endroit bien à eux.
1919
Fondation de la Maison du peuple
Pour Jean Janvier, maire de Rennes, dans une délibération du 15 décembre 1919, « la classe ouvrière s’est trop bien comportée pendant la guerre… pour qu’à son tour le conseil municipal ne lui témoigne… son très vif intérêt et j’ajouterais sa pleine confiance. » Le principe de construction d’une salle de réunion pouvant accueillir 1 600 personnes dont 500 assises est voté. Emmanuel Le Ray, architecte municipal, élabore les plans.
1924
Des sièges métalliques supplémentaires
Les 500 places assises sont déjà insuffisantes et une nouvelle commande est effectuée. « La salle de réunion est exempte de luxe ; néanmoins, elle présente de l’élégance et du confortable. Les sièges métalliques, outre qu’ils contribueraient à l’aspect agréable de cette salle, offriraient encore l’avantage de la solidité », argumente le maire, en réaction aux critiques de la piscine Saint-Georges, jugée trop coûteuse. Ernest Chéreau, secrétaire général de l'Union départementale, est nommé gérant de la Maison du peuple en 1924.
1925
La fresque de Camille Godet
Pour le décor de la salle, une fresque est commandée au peintre Camille Godet, [1] auteur de la fresque du Panthéon rennais et élève d'Emmanuel Le Ray. L’artiste réalise Le travail, une grande frise décorative qui évoque les différents corps de métiers du bâtiment. Il représente également le maire Jean Janvier, entrepreneur, sur un chantier. La fresque de Godet orne les côtés et les retours vers la scène et le promenoir de la salle.
avril 1925
Inauguration de la Maison du peuple
Le 19 avril 1925, la Maison du peuple est inaugurée en présence de Léon Jouhaux, secrétaire confédéral de la CGT.
1926
Création d'un dispensaire
En
1926 est créé un dispensaire : une salle d'attente, une salle de
pansements, un cabinet de consultations, un cabinet de déshabilloir sont
aménagés. « En effet, si les ouvriers trouvent déjà dans leur "Maison"
un certain confort, tant pour la tenue de leurs réunions qu'au pont de
vue des cours techniques qui leur sont donnés, de la lecture, des
spectacles et des récréations, il semble qu'en ce qui concerne
l'hygiène, l'absence du dispensaire soit une lacune que nous devons
combler » justifient les conseillers municipaux dans leur délibération
du 30 juillet. Plus de 2 000 consultations gratuites sont recensées par
an.
1930
Développement des activités socio-culturelles
Une
troupe de théâtre, une chorale, soutenue par le syndicat des musiciens
et un cinéma du peuple sont les activités culturelles fortes proposées
dans la Maison du peuple. Jusque dans les années trente, elle accueille
aussi des conférences, des débats, des spectacles scolaires, amateurs...
1933
Cinéma à l'affiche
Lors
de la construction de la Maison du peuple, Emmanuel Le Ray a porté une
attention particulière à réaliser une cabine de projection de cinéma
répondant aux normes de sécurité. Dès 1925, les syndicats organisent des
séances deux fois par semaine. Après 1933, sa gestion est confiée à des
exploitants successifs. Le Carillon prend alors toute sa place dans le
paysage cinématographique rennais. Il change de nom en 1942 pour Le
Celtic ; il est classé dans la catégorie art et essai, et cinéma militant.
1936
Le Front populaire
En 1936, le mouvement de revendications de la classe ouvrière a gagné Rennes : Prisunic, les chemiseries Strauss, le bâtiment, l’Economique, les Nouvelles Galeries… Même dans les entreprises habituellement peu touchées par le mouvement syndical, des grèves sont déclenchées. La Maison du peuple est au cœur du mouvement. Elle voit affluer les ouvriers. Les cahiers de revendications y sont rédigés et de grandes réunions syndicales s’y déroulent. Quand certains conflits se prolongent d’autres, sont rapidement réglés. Les avancées sociales sont spectaculaires comme la semaine de 40 heures et le droit à deux semaines
de congés payés pour tous les salariés.
1938
Agrandissement de la Maison du peuple
Un
bâtiment en prolongement de la salle des fêtes et un autre en bordure
de la rue Saint-Louis sont construits sur les plan de l'architecte Yves
Le Moine. Les nouveaux locaux, essentiellement à usage de bureaux, sont
inaugurés le 3 juillet, en présence de Léon Jouhaux, secrétaire général
de la CGT. Une grande fête populaire est organisée au parc du Thabor.
1964
Des activités foisonnantes
A partir de 1964, la Ville récupère sa gestion et en fait une « maison commune servant à toutes les associations. » Les agendas de location des salles, de l’époque, attestent de son caractère polyvalent : club des
joyeux loisirs, Union des vieux de France, Témoins de Jéhovah…
1965
Du café théâtre à la Comédie de l'Ouest
En 1946, la salle de réunion est aménagée en café théâtre. Y sont programmées les fameuses tournées Barrett, le Théâtre populaire de Bretagne, et surtout, de 1965 à 1968, la Comédie de l’Ouest, actrice importante de l’activité théâtrale. La municipalité, souhaitant accroître le dynamisme culturel de la ville, met la salle à disposition de l’association la Maison de la culture, en attendant son installation dans le nouveau bâtiment rue Saint-Hélier. La Maison du peuple est en 1965 officiellement rebaptisée salle de la Cité. Voir la vidéo « Ouverture de la Maison de la Culture de Rennes »
1974
Les luttes sociales continuent
En plus d'être toujours le siège social de l'Union départementale de la CGT, la salle de la Cité est le théâtre d'évènements sociaux importants pour la ville de Rennes, à l'instar de la projection, illégale, du documentaire Histoires d'A, réalisé par Marielle Issartel et Charles Belmont le 17 avril 1974. Cette projection marque un moment symbolique dans les luttes féministes rennaises pour la libéralisation de l'avortement.
1974
De nouveaux usages culturels
Facilité
par le départ de la Comédie de l'Ouest, la salle de la Cité, devient un
lieu culturel où se croisent le spectacle vivant, la musique, les arts
plastiques… et qui entend toucher tous les publics. Elle est la première
du genre à Rennes.
L’émergence de la musique actuelle et
l’organisation de concerts engendrent parfois des débordements,
notamment lors de l'organisation de ce concert le mardi 5 mars 1974,
organisé par Opaline.
1979
Le berceau des Trans Musicales
Les 14 et 15 juin 1979 marquent la première édition des Trans Musicales,
organisée par l'association Terrapin, festival de musiques actuelles à
la renommée bientôt internationale. Voir la programmation 1979
1986
La salle de la Cité devient le lieu de la musique actuelle
L'association
Terrapin devient l'association des Trans Musicales en 1985. Le festival prend alors une envergure internationale et se produit dans divers
lieux à Rennes (UBU, salle omnisports,...). La salle de la Cité reste toujours au cœur de la programmation de ce festival et demeure un lieu incontournable pour les nouvelles formes d'expression musicale, pouvant accueillir 1 200 personnes lors des concerts. Voir la programmation 1986
1997
Une re-découverte
La réapparition de la fresque de Camille Godet s'est déroulée dans des circonstances mal éclaircies à ce jour. La version plus insolite relate un décollement des plaques qui recouvraient la fresque dans l'atmosphère humide et étouffante de la salle bondée d'un concert des Berruriers noirs en 1986. Restaurée et valorisée en 1994, elle est classée monument historique le 6 mai 1997. Voir la vidéo « Les fresques cachées de la salle de la Cité »
1998
Un avenir incertain
L’organisation de concerts décline progressivement : l’interdiction de vente d’alcool et la non-conformité de la salle y contribuent, ainsi qu'une cohabitation parfois difficile avec les activités syndicales de la CGT.
En 1998, l'association des Trans Musicales propose un projet de transformation du lieu en pôle de "Musique Actuelle" qui consacrerait la place emblématique de la Salle de la Cité dans la vie culturelle et musicale de Rennes.
Ce projet de restructuration un temps soutenu par la municipalité ne verra toutefois pas le jour.
2013
Destruction de la Maison du peuple
L'Union départementale de la CGT, dernier occupant, quitte la Maison du peuple en 2011.
Le bâtiment que l'Union occupait est démoli en janvier/février 2013 pour faire place à un projet de maison de quartier et d'une crèche.
Cette rénovation s'inscrit dans un contexte plus large qui verra la transformation de tout le quartier englobant la Place Sainte-Anne avec la transformation du couvent des Jacobins et l'arrivée de la seconde ligne de métro à l'horizon 2020.
2014
Réouverture de la salle de la Cité
L’activité culturelle et sociale reprend mais plus en soirée. Un projet de valorisation de la fresque de Camille Godet [2] est en cours.