« La chaîne des forçats passe à Rennes ! » : différence entre les versions

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[[Fichier:For%C3%A7ats.jpg|left|350px|thumb|la chaîne des forçats en route]]
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Le vendredi 29 juillet [[1836]], voici  plus de deux heures  qu’une foule compacte se presse à Rennes des rues du faubourg de Paris  jusqu’au Mail,  pour assister à l’arrivée de la chaîne qu’on annonce enfin car elle a passé Cesson. C’est  un spectacle à ne pas manquer et un événement accroît la curiosité : voir l’horrible François, le complice de Lacénaire, l’homme le plus dangereux du convoi, objet d’une surveillance spéciale.
Le vendredi 29 juillet [[1836]], voici  plus de deux heures  qu’une foule compacte se presse à Rennes des rues du faubourg de Paris, la rue Louis Philippe (actuelle [[rue Victor Hugo]]) jusqu’au Mail,  pour assister à l’arrivée de la chaîne qu’on annonce enfin car elle a passé Cesson. C’est  un spectacle à ne pas manquer et un événement accroît la curiosité : voir l’horrible François, le complice de Lacénaire, l’homme le plus dangereux du convoi, objet d’une surveillance spéciale.


[[File:Sortie du Bagne.jpg|right| 400px|thumb|Sortie des forçats du bagne de Brest le matin pour aller au travail. (''de Wikimedia Commons'')]]
[[File:Sortie du Bagne.jpg|right| 400px|thumb|Sortie des forçats du bagne de Brest le matin pour aller au travail. (''de Wikimedia Commons'')]]
Enfin, vers 15 heures, l’attente de tous ces Rennais et  Rennaisesdes classes bourgeoises  et populaires, prend fin car ils entendent des chants  qui approchent. Ce sont ceux de deux cents  hommes qui, ferrés  au cou à Bicêtre à Paris,  poursuivent leur long trajet. via Dreux, depuis près de deux semaines. Attachés par un collier de fer et liés deux par deux, groupés en cordons de 24 ou 26 hommes, ils ont fait le trajet à pied, certains en  charrette, accompagnés d’un officier de santé et escortés par une vingtaine de gardes, les « argousins », recrutés par  un entrepreneur privé chargé par l’administration du ministère de l’Intérieur de toute l’organisation, de la logistique  et de la surveillance des prisonniers.
Enfin, vers 15 heures, l’attente de tous ces Rennais et  Rennaises des classes bourgeoises  et populaires  prend fin car ils entendent des chants  qui approchent. Ce sont ceux de deux cents  hommes qui, ferrés  au cou à la prison de Bicêtre à Paris, lieu de départ des chaînes vers Toulon, Rochefort et Brest,  poursuivent leur long trajet. Ils sont passés par Dreux, Alençon, Laval, Vitré, Châteaubourg et sont en route depuis près de deux semaines, avec des ajouts de forçats au passage des grandes villes. Attachés par un collier de fer et liés deux par deux, groupés en cordons de 24 ou 26 hommes, ils ont fait le trajet à pied, certains en  charrette, accompagnés d’un officier de santé et escortés par une vingtaine de gardes, les « argousins » ou garde-chiourmes, recrutés par  un entrepreneur privé chargé par l’administration du ministère de toute l’organisation, de la logistique  et de la surveillance des prisonniers. C'est, avec les charrettes transportant des vivres, fournies sur recrutement local, une vraie caravane.


Les voici qui passent et on leur trouve des figures sinistres. De plus, le comportement étrange de  ces misérables, avec leurs chants de colère et d’espoir, est perçu comme  traduisant une insensibilité corrélatives à leurs méfaits et crimes  et comme un mépris scandaleux des honnêtes citoyens qui respectent les lois et dont les regards réprobateurs se repaissent de ces rebuts de la société. La présence de spectatrices excite  certains forçats qui lancent des quolibets salaces.  Les invectives, les blasphèmes  lancés entre les chants les démarquent du bon peuple. Le convoi a d’ailleurs une valeur symbolique et, en quelque sorte pédagogique, car il met en scène les conséquences redoutables du crime érigées par la société. <ref> Sylvain Rappaport,la Chaîne  des forçats, 1782-1836, Paris, Aubier, 2006 </ref>
Voici que passent les forçats et on leur trouve en général des figures sinistres. De plus, le comportement étrange de  ces misérables, avec leurs chants de colère et d’espoir, est perçu comme  traduisant une insensibilité corrélatives à leurs méfaits et crimes  et comme un mépris scandaleux des honnêtes citoyens qui respectent les lois et dont les regards réprobateurs se repaissent de ces rebuts de la société. La présence de femmes et jeunes filles spectatrices excite  certains forçats qui lancent des quolibets salaces.  Les invectives, les blasphèmes  criés entre les chants les démarquent encore plus du bon peuple. Le convoi a d’ailleurs une valeur symbolique et, en quelque sorte pédagogique, car il met en scène les conséquences redoutables du crime érigées par la société. <ref> Sylvain Rappaport,la Chaîne  des forçats, 1782-1836, Paris, Aubier, 2006 </ref>


Les forçats traversent ainsi toute la ville car ils vont être logés au Manège de l’école d’équitation,  tenu par un sieur Duchesne, près du Mail.  <ref> [[rue du Manège]]</ref> Son épouse et d’autres dames  charitables ont récupéré de vieux chapeaux de feutre et en ont découpé les fonds,  les cercles de feutres pourront ainsi  protéger les cous et les épaules des forçats meurtris par les chaînes.
Les forçats traversent ainsi toute la ville de Rennes car ils vont être logés au Manège de l’école d’équitation,  tenu par un sieur Duchesne, près du Mail.  <ref> [[rue du Manège]]</ref> Son épouse et d’autres dames  charitables ont récupéré de vieux chapeaux de feutre et en ont découpé les fonds,  les cercles de feutres restants pourront ainsi  protéger les cous et les épaules des forçats meurtris par les lourdes chaînes.


Pendant toute la journée du samedi il y a foule autour du manège pour contempler les forçats. Le dimanche, à 15 heures,  la chaîne est reconstituée et  les bagnards sortent du manège pour prendre la route de Brest, mais beaucoup de Rennais, attardés à déjeuner, arrivent, fort désappointés, trop tard pour assister au défilé.
Pendant toute la journée du samedi il y a foule autour du manège pour contempler les forçats. Le dimanche, à 15 heures,  la chaîne est reconstituée et  les bagnards sortent du manège pour prendre la route de Brest avec comme prochaine étape, Montauban,, mais beaucoup de Rennais, attardés à déjeuner, arrivent, fort désappointés, trop tard pour assister au défilé.


Les condamnés, remontant le faubourg de Brest, ne chantaient plus comme à leur arrivée en ville mais injuriaient et apostrophaient grossièrement les badauds qui les accompagnaient sur les côtés en sortie de la ville. <ref> Adolphe ORAIN,« Le passage de la chaîne des forçats à Rennes en 1836 », Revue de Bretagne, année 1909, p.81-82.</ref>
Les condamnés, remontant le faubourg de Brest, ne chantaient plus comme à leur arrivée en ville mais injuriaient et apostrophaient grossièrement les badauds qui les accompagnaient sur les côtés en sortie de la ville. <ref> Adolphe ORAIN,« Le passage de la chaîne des forçats à Rennes en 1836 », Revue de Bretagne, année 1909, p.81-82.</ref>
Les Rennais n'auront plus l'occasion de revoir passer la chaîne : 1836 est la dernière année de ce système pénitentiaire car le mode de transport sera désormais le fourgon cellulaire.


==references==
==references==

Version du 12 juillet 2016 à 15:59


la chaîne des forçats en route

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Le vendredi 29 juillet 1836, voici plus de deux heures qu’une foule compacte se presse à Rennes des rues du faubourg de Paris, la rue Louis Philippe (actuelle rue Victor Hugo) jusqu’au Mail, pour assister à l’arrivée de la chaîne qu’on annonce enfin car elle a passé Cesson. C’est un spectacle à ne pas manquer et un événement accroît la curiosité : voir l’horrible François, le complice de Lacénaire, l’homme le plus dangereux du convoi, objet d’une surveillance spéciale.

Sortie des forçats du bagne de Brest le matin pour aller au travail. (de Wikimedia Commons)

Enfin, vers 15 heures, l’attente de tous ces Rennais et Rennaises des classes bourgeoises et populaires prend fin car ils entendent des chants qui approchent. Ce sont ceux de deux cents hommes qui, ferrés au cou à la prison de Bicêtre à Paris, lieu de départ des chaînes vers Toulon, Rochefort et Brest, poursuivent leur long trajet. Ils sont passés par Dreux, Alençon, Laval, Vitré, Châteaubourg et sont en route depuis près de deux semaines, avec des ajouts de forçats au passage des grandes villes. Attachés par un collier de fer et liés deux par deux, groupés en cordons de 24 ou 26 hommes, ils ont fait le trajet à pied, certains en charrette, accompagnés d’un officier de santé et escortés par une vingtaine de gardes, les « argousins » ou garde-chiourmes, recrutés par un entrepreneur privé chargé par l’administration du ministère de toute l’organisation, de la logistique et de la surveillance des prisonniers. C'est, avec les charrettes transportant des vivres, fournies sur recrutement local, une vraie caravane.

Voici que passent les forçats et on leur trouve en général des figures sinistres. De plus, le comportement étrange de ces misérables, avec leurs chants de colère et d’espoir, est perçu comme traduisant une insensibilité corrélatives à leurs méfaits et crimes et comme un mépris scandaleux des honnêtes citoyens qui respectent les lois et dont les regards réprobateurs se repaissent de ces rebuts de la société. La présence de femmes et jeunes filles spectatrices excite certains forçats qui lancent des quolibets salaces. Les invectives, les blasphèmes criés entre les chants les démarquent encore plus du bon peuple. Le convoi a d’ailleurs une valeur symbolique et, en quelque sorte pédagogique, car il met en scène les conséquences redoutables du crime érigées par la société. [1]

Les forçats traversent ainsi toute la ville de Rennes car ils vont être logés au Manège de l’école d’équitation, tenu par un sieur Duchesne, près du Mail. [2] Son épouse et d’autres dames charitables ont récupéré de vieux chapeaux de feutre et en ont découpé les fonds, les cercles de feutres restants pourront ainsi protéger les cous et les épaules des forçats meurtris par les lourdes chaînes.

Pendant toute la journée du samedi il y a foule autour du manège pour contempler les forçats. Le dimanche, à 15 heures, la chaîne est reconstituée et les bagnards sortent du manège pour prendre la route de Brest avec comme prochaine étape, Montauban,, mais beaucoup de Rennais, attardés à déjeuner, arrivent, fort désappointés, trop tard pour assister au défilé.

Les condamnés, remontant le faubourg de Brest, ne chantaient plus comme à leur arrivée en ville mais injuriaient et apostrophaient grossièrement les badauds qui les accompagnaient sur les côtés en sortie de la ville. [3]

Les Rennais n'auront plus l'occasion de revoir passer la chaîne : 1836 est la dernière année de ce système pénitentiaire car le mode de transport sera désormais le fourgon cellulaire.

references

  1. Sylvain Rappaport,la Chaîne des forçats, 1782-1836, Paris, Aubier, 2006
  2. rue du Manège
  3. Adolphe ORAIN,« Le passage de la chaîne des forçats à Rennes en 1836 », Revue de Bretagne, année 1909, p.81-82.