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« Beurre de la Prévalaye » : différence entre les versions

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===et d'un beurre travaillé===  
===et d'un beurre travaillé===  


Au sortir de la baratte, il est d'usage de laver le beurre pour le dépouiller de son petit lait; mais à la Prévalaye, on l'en débarrasse en le coupant en lames très-minces avec une espèce de cuiller plate qu'on trempe sans cesse dans l'eau, afin que le beurre ne s'y attache pas; on le manie et remanie sur des vaisseaux de bois mouillés qu'on peut comparer aux cônes écrasés de fer-blanc dont on couvre les casseroles qui sont sur le feu; les femmes les tiennent dans la main gauche et laminent, battent, tournent en tout sens le beurre de la droite, le durcissent, le salent faiblement, le pèsent, et lui donnent la forme d'une espèce de borne qu'elles appellent ''coin''. Il se vend peu de ce beurre à Rennes pour la consommation de la ville; la plus grande partie est transportée à Paris par les courriers, les diligence, les voyageurs et même par les roulliers; cette traite se prolonge quelquefois, mais en petite quantité, jusqu'à la fin de mai. La même finesse n'existe plus lorsque l'herbe a pris du corps et le beurre, quoique très-bon, est alors privé de cette fleur qui le rendait si attrayant à sa naissance. On l'achète des beurrières de Rennes en petits pots d'argile noire, couvert de sel blanc de Guerande. le meilleur et le plus cher est emballé dans de petits paniers carrés, rezvêtus en dedans de toile fine ou de mousseline, également couverts de sel de Guerande.Lorsque ces petites mottes manquent de la couleur agréable qu'on demande au beurre de la Prévalaye, les beurrières le dorent en passant et repassant sur sa surface la cuiller plate qu'à cet effet elles mettent tremper dans l'eau bouillante; le beurre y gagne un glacé tel qu'elles le désirent; mais cette opération nuit à sa solidité et à sa conservation; il devient gras sous peu de jours, par la fonte insensible qu'il a éprouvée, et se ternit au grand air".<ref> ''Mémoires sur l'agriculture, les instruments aratoires et d'économie rurale'', par L. P. de Valcourt, chez L. Bouchard-Hasard - 1841</ref>  
Au sortir de la baratte, il est d'usage de laver le beurre pour le dépouiller de son petit lait; mais à la Prévalaye, on l'en débarrasse en le coupant en lames très-minces avec une espèce de cuiller plate qu'on trempe sans cesse dans l'eau, afin que le beurre ne s'y attache pas; on le manie et remanie sur des vaisseaux de bois mouillés qu'on peut comparer aux cônes écrasés de fer-blanc dont on couvre les casseroles qui sont sur le feu; les femmes les tiennent dans la main gauche et laminent, battent, tournent en tout sens le beurre de la droite, le durcissent, le salent faiblement, le pèsent, et lui donnent la forme d'une espèce de borne qu'elles appellent ''coin''. Il se vend peu de ce beurre à Rennes pour la consommation de la ville; la plus grande partie est transportée à Paris par les courriers, les diligence, les voyageurs et même par les roulliers; cette traite se prolonge quelquefois, mais en petite quantité, jusqu'à la fin de mai. La même finesse n'existe plus lorsque l'herbe a pris du corps et le beurre, quoique très-bon, est alors privé de cette fleur qui le rendait si attrayant à sa naissance. On l'achète des beurrières de Rennes en petits pots d'argile noire, couverts de sel blanc de Guerande. Le meilleur et le plus cher est emballé dans de petits paniers carrés, revêtus en dedans de toile fine ou de mousseline, également couverts de sel de Guerande. Lorsque ces petites mottes manquent de la couleur agréable qu'on demande au beurre de la Prévalaye, ces beurrières en second, comme celles qui le fabriquent, le dorent en passant et repassant sur sa surface la cuiller plate qu'à cet effet elles mettent tremper dans l'eau bouillante; le beurre y gagne un glacé tel qu'elles le désirent; mais cette opération nuit à sa solidité et à sa conservation; il devient gras sous peu de jours, par la fonte insensible qu'il a éprouvée, et se ternit au grand air. Les soins de ces femmes secondaires sont payés par un tiercement, et quand elles le peuvent, par un doublement du prix qu'elles l'ont acheté".<ref> ''Mémoires sur l'agriculture, les instruments aratoires et d'économie rurale'', par L. P. de Valcourt, chez L. Bouchard-Hasard - 1841</ref>


===toujours apprécié au 19e siècle===
===toujours apprécié au 19e siècle===

Version du 6 février 2012 à 20:03

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C'était une spécialité rennaise qui fut appréciée pendant trois siècles mais a disparu.

Ce beurre provenait de l'exploitation laitière du château de la Prévalaye, sis à quelques kilomètres à l'ouest de Rennes, créée par le marquis éponyme.

une gourmandise réputée dès le 17e siècle

Madame de Sévigné en raffolait et était une consommatrice assidue du beurre apprécié jusqu'à la cour royale, car pendant tout le 18e siècle, les intendants de Bretagne expédièrent des colis de beurre au roi et l'on dit même qu'une laitière du pays de Rennes fut installée avec ses vaches au hameau de Trianon[1] Madame de Sévigné écrit à sa fille, en 1690 :

" J'aime le beurre charmant de la Prévalaie dont il nous vient toutes les semaines ; je l'aime et le mange comme si j'étais bretonne : nous faisons des beurrées infinies, quelquefois sur de la miche; nous pensons toujours à vous en les mangeant; mon fils y marque toujours ses dents et ce qui me fait plaisir, c'est que j'y marque encore toutes les miennes : nous y mettrons bientôt de petites herbes fines et des violette; le soir, un potage avec un peu de beurre, à la mode du pays, de bons pruneaux, de bons épinards. Elle a alors 64 ans. Et à son fils Charles qui lui demandait comment elle passait ses jours d'abstinence, elle répondit : "Mon fils, je prends une beurrée et je chante".[2]

Le Guide du voyageur en France, de Reichard, publié en allemand en 1784 et traduit en français en 1810, considéré comme le premier guide moderne, remarque "le beurre de la Prévalaye qui n'a de comparable que celui de la vallée de Campan, sur l'Adour."

La réputation du beurre de la Prévalaye semble en fait s'être étendue aux productions du bassin rennais, au point qu'en 1814, un arrêté de police expose que : " le maire de Rennes a été prévenu que plusieurs habitants de la ville font des envois considérables de beurre dans toute la France. Pour s'en procurer plus facilement et de meilleur qualité, ils empêchent les habitants des campagnes d'apporter leur beurre au marché; ils vont au devant d'eux dans les faubourgs; ils achètent à un prix élevé et, par ces moyens, privent leurs concitoyens de l'avantage de se procurer du beurre à un prix raisonnable."[3]

En 1822, dans Région de l'ouest, route de Paris à Rennes, Régis Jean Vaysse de Villiers, inspecteur des relais de poste et rédacteur du guide, ne manque pas, lors de sa description de Rennes, d'écrire :

"Son commerce consiste dans les fils et les toiles de toute espèce, surtout les toiles à voiles. Le beurre est aussi pour elle un grand objet d'exportation à l'intérieur, surtout à Paris. Le plus fameux est celui qui se fait à la Prévalais, ferme située à une lieue de Rennes. Il est fort recherché des Parisiens, auxquels on l'expédie dans des petits pots de grès".

A Rennes, "on appelle moche de beurre un petit pain de beurre ordinairement de la Prévalais, du poids d'un quart de livre"[4]

les secrets d'une fabrication très élaborée

On peut lire en 1835 : "Le beurre de certains cantons des environs de Rennes, connu sous le nom de beurre de la Prévalaye, jouit, dans toute la France et à l'étranger même, d'une réputation méritée. Un grain très fin, un arôme et une saveur agréable qui lui sont particuliers, et que connaissent seulement ceux qui le mangent frais, le placent au premier rang parmi les produits de même espèce, et en font un aliment délicat. La fabrication de ce beurre est un produit fort avantageux. Une vache ordinaire donne par jour, terme moyen, 5 à 6 kilogrammes de lait qui produisent de 300 à 360 grammes de beurre. Il y a beaucoup de vaches qui en donnent une quantité bien plus considérable, (double même ) surtout lorsqu'elle commence à avancer un peu en âge. Le lait passé dans un petit tamis de crin, pour enlever les poils qu'il pourrait contenir, est versé dans de grands pots de grès à large ouverture. Ces pots sont mis dans un coffre en bois à parois très épaisses et à pieds, que l'on nomme met et qui est placé dans la maison d'habitation du cultivateur".[5]

En 1841, un spécialiste précise : "C'est avec le lait, que M. Villeneuve dit qu'est fait le beurre de la Prévalaye, à deux lieues de Rennes, qui passe pour le meilleur beurre de France. On met dans la baratte (à pompe) tout le lait du soir de la veille et le lait chaud du matin; on les laisse ensemble quelques heures avant de les battre; on ne sépare jamais la crème du lait; on prétend que, employé tout entier, il y a plus de beurre et il est plus fin; d'ailleurs, le lait du beurre, quoique acide, se vend bien à Rennes.

On exige dans le beurre de la Prévalaye un goût exquis de noisette, une grande fermeté, une couleur dorée et beaucoup de propreté. Il tire son goût de la nourriture des vaches, sa fermeté du procédé de le battre, sa couleur de la circonstance du printemps et de la nature des herbes, sa propreté de la beurrière qui le fait et y met des soins louables.

d'un lait de vaches dorlotées

Dans les prés hauts des environs de Rennes, il croît une herbe très fine, dont la couleur, au printemps est égale aux boulingrins d'Angleterre, du plus beau vert. Lorsqu'on les examine de près, on y observe tous les trèfles,les meilleures graminées, le sainfoin, la pimprenelle, le laitron à feuilles de laitue, la carotte, le gesse, le lotier, le polygala, le pied de lièvre, la vesce sauvage et autres excellentes herbes; on supprime avec soin les herbes nuisibles, et aussi celles qui sont acides et nuiraient à la délicatesse du beurre. On a, dans la même vue, très grand soin d'écarter les vaches des fleurs du châtaignier, dont le pays est rempli, qui tombent au printemps, que les vaches aiment beaucoup, et qui donne au beurre un goût détestable. On sert, le matin, aux vaches un repas de ces herbes naissantes, mêlées à des tiges de seigle qu'on a coupé en vert, et du bon foin de l'année précédente; ce déjeuner est précédé d'une ample boisson blanchie avec des recoupes, un peu salée et servie tièdes. Pendant la journée on leur abandonne des pacages, réservés et clos pour elles; le soir elles ont le même repas que le matin et c'est pendant qu'elles mangent qu'on les trait après avoir lavé leur pis.[6]

et d'un beurre travaillé

Au sortir de la baratte, il est d'usage de laver le beurre pour le dépouiller de son petit lait; mais à la Prévalaye, on l'en débarrasse en le coupant en lames très-minces avec une espèce de cuiller plate qu'on trempe sans cesse dans l'eau, afin que le beurre ne s'y attache pas; on le manie et remanie sur des vaisseaux de bois mouillés qu'on peut comparer aux cônes écrasés de fer-blanc dont on couvre les casseroles qui sont sur le feu; les femmes les tiennent dans la main gauche et laminent, battent, tournent en tout sens le beurre de la droite, le durcissent, le salent faiblement, le pèsent, et lui donnent la forme d'une espèce de borne qu'elles appellent coin. Il se vend peu de ce beurre à Rennes pour la consommation de la ville; la plus grande partie est transportée à Paris par les courriers, les diligence, les voyageurs et même par les roulliers; cette traite se prolonge quelquefois, mais en petite quantité, jusqu'à la fin de mai. La même finesse n'existe plus lorsque l'herbe a pris du corps et le beurre, quoique très-bon, est alors privé de cette fleur qui le rendait si attrayant à sa naissance. On l'achète des beurrières de Rennes en petits pots d'argile noire, couverts de sel blanc de Guerande. Le meilleur et le plus cher est emballé dans de petits paniers carrés, revêtus en dedans de toile fine ou de mousseline, également couverts de sel de Guerande. Lorsque ces petites mottes manquent de la couleur agréable qu'on demande au beurre de la Prévalaye, ces beurrières en second, comme celles qui le fabriquent, le dorent en passant et repassant sur sa surface la cuiller plate qu'à cet effet elles mettent tremper dans l'eau bouillante; le beurre y gagne un glacé tel qu'elles le désirent; mais cette opération nuit à sa solidité et à sa conservation; il devient gras sous peu de jours, par la fonte insensible qu'il a éprouvée, et se ternit au grand air. Les soins de ces femmes secondaires sont payés par un tiercement, et quand elles le peuvent, par un doublement du prix qu'elles l'ont acheté".[7]

toujours apprécié au 19e siècle

Et le guide Richard de 1851, "guide classique du voyageur en France & en Belgique", ne manque pas de citer, dans sa colonne et demie consacrée à Rennes, "l'excellent beurre qui se fait à Prévalaye, à 4 kil. de Rennes.

Dès lors, rares sont les guides de voyage, en voiture attelée puis en chemin de fer, qui ne vont pas mentionner le beurre de la Prévalaye au rang des spécificités rennaises à apprécier, tel le guide britannique Murray's pour la France de 1877, qui, dans sa page sur Rennes, indique :" Le beurre salé est excellent, spécialement celui de la Prévalaye, envoyé en grandes quantités dans d'autres régions de France".[8]

références

  1. En Haute-Bretagne, par Henri-François Buffet, Librairie celtique - 1954
  2. Par voies et chemins avec Madame de Sévigné, par Henri-François Buffet. Annales de Bretagne, vol. 79 -1972
  3. L'industrie laitière en Bretagne et les révolutions techniques du XIXe siècle, par J-B. Henry, Annales de Bretagne, vol 73 - 1966
  4. Liste alphabétique de quelques mots en usage à Rennes, par M.F.A. Le Mière de Corvey, chef de bataillon. Mémoire de la Société royale des Antiquaires de France. t.6 - 1824
  5. France Pittoresque - Ille-et-Vilaine, par A. Hugo, t. 2 - 1835
  6. Livre de l'économie et de l'administration rurale, par Mauny de Mornay, A.L. Paguerre et Cie, éditeurs - 1838
  7. Mémoires sur l'agriculture, les instruments aratoires et d'économie rurale, par L. P. de Valcourt, chez L. Bouchard-Hasard - 1841
  8. Rennes dans les guides de voyage du XIXe siècle, par Etienne Maignen, bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine, t. CXII - 2008