« Camp Victor Rault - n° 23 » : différence entre les versions

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C’est un médecin militaire de [[l’hôpital Saint-Louis]] de Rennes qui me suit médicalement. Je me rends plusieurs fois en visite pour des prises de sang ou des radioscopies. C’est une ambulance militaire, un dodge, qui me conduit, ma sœur aînée m’accompagne. Lorsque le véhicule militaire de couleur kaki avec une grande croix rouge vient me prendre au camp, il ne passe pas inaperçu. Je n’en tire pas gloire auprès de mes copains, je sais que ce véhicule ne vient pas pour m’emmener faire une promenade d’agrément.
C’est un médecin militaire de [[l’hôpital Saint-Louis]] de Rennes qui me suit médicalement. Je me rends plusieurs fois en visite pour des prises de sang ou des radioscopies. C’est une ambulance militaire, un dodge, qui me conduit, ma sœur aînée m’accompagne. Lorsque le véhicule militaire de couleur kaki avec une grande croix rouge vient me prendre au camp, il ne passe pas inaperçu. Je n’en tire pas gloire auprès de mes copains, je sais que ce véhicule ne vient pas pour m’emmener faire une promenade d’agrément.


Pour guérir de ma maladie le remède est simple : bonne alimentation, suppositoires pendant des mois et des mois et beaucoup de repos. Mon père refuse de m’envoyer dans un préventorium. Mon frère et ma sœur Jeanine partent en colonie de vacances organisée par l’armée au bord de la mer, moi je n’y ai pas droit. L’air de la mer ne me vaut rien, paraît-il. Je suis frustré, je n’ai encore jamais vu la mer.
Pour guérir de ma maladie le remède est simple : bonne alimentation, suppositoires pendant des mois et des mois et beaucoup de repos. Mon père refuse de m’envoyer dans un préventorium. Mon frère et ma sœur Jeanine partiront en colonie de vacances organisée par l’armée au bord de la mer, moi je n’y ai pas droit. L’air de la mer ne me vaut rien, paraît-il. Je suis frustré, je n’ai encore jamais vu la mer.


Merci au médecin et infirmières de l’hôpital Saint-Louis dont les soins ont largement contribué à ma guérison.
Merci au médecin et infirmières de l’hôpital Saint-Louis dont les soins ont largement contribué à ma guérison.
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L’année suivante en pleine année scolaire monsieur Bauer est muté dans une école spécialisée. C’est pour moi un profond chagrin, il me faudra longtemps pour accepter ma nouvelle classe.
L’année suivante en pleine année scolaire monsieur Bauer est muté dans une école spécialisée. C’est pour moi un profond chagrin, il me faudra longtemps pour accepter ma nouvelle classe.


Les élèves de notre cours sont répartis dans différentes divisions des autres classes, suivant leur niveau. Les maîtres ou les maîtresses ne rechignent pas pour accepter plus de trente élèves. Celle que j’intègre est d’un niveau trop supérieur par rapport à mon âge. J’essaie de suivre mais j’ai des difficultés. Par contre j’assimile en même temps des éléments de l’enseignement donné à la division de fin d’études. Les fleuves d’Asie, les capitales, les récitations, des règles '' « devant M B P on met toujours un M sauf exception Néanmoins, embonpoint. »''. L’instituteur est monsieur Ricard que ma sœur Jeanine aime beaucoup. Bonne élève, ma sœur est aussi bien appréciée par son maître d’école. L’épouse de monsieur Ricard est également institutrice à Victor Rault.
Les élèves de notre cours sont répartis dans différentes divisions des autres classes, suivant leur niveau. Les maîtres ou les maîtresses ne rechignent pas pour accepter plus de trente élèves. Celle que j’intègre est d’un niveau trop supérieur par rapport à mon âge. J’essaie de suivre mais j’ai des difficultés. Par contre j’assimile en même temps des éléments de l’enseignement donné à la division de fin d’études. Les fleuves d’Asie, les capitales, les récitations, des règles '' « devant M B P on met toujours un M sauf exception Néanmoins, embonpoint. »''. L’instituteur est monsieur Ricard que ma sœur Janine aime beaucoup. Bonne élève, ma sœur est aussi bien appréciée par son maître d’école. L’épouse de monsieur Ricard est également institutrice à Victor Rault.


Une heure par semaine est consacrée à la musique et aux chants. Le professeur intervient dans les écoles primaires de Rennes. Il nous enseigne les rudiments du solfège et les chants prévus pour l’examen du ''certif'' que tous apprennent. '''La Marseillaise''' bien sûr, trois couplets, '''Allons enfants''', aussi '''Nous entrerons dans la carrière''', enfin '''Amour sacré de la patrie'''.
Une heure par semaine est consacrée à la musique et aux chants. Le professeur intervient dans les écoles primaires de Rennes. Il nous enseigne les rudiments du solfège et les chants prévus pour l’examen du ''certif'' que tous apprennent. '''La Marseillaise''' bien sûr, trois couplets, '''Allons enfants''', aussi '''Nous entrerons dans la carrière''', enfin '''Amour sacré de la patrie'''.
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Albert René Gilmet
Albert René Gilmet
Autre information Blog Aldebert:[http://www.39-45.org/blog.php?u=5328&b=565]


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Travaux d'aménagement de notre intérieur dans la baraque 5

Le chef de famille est résolu à rendre notre vie la moins inconfortable possible dans ce camp ouvert, ouvert même à tous les vents.

Une petite cuisinière en fonte fonctionnant au charbon est installée. Elle servira à faire cuire les aliments et constituera notre unique moyen de chauffage. Le grand espace qui nous est dévolu sera séparé en deux. Une partie deviendra tout à la fois cuisine, salle à manger, salon, salle de bain symbolisée par un tub et cellier où sera rangé le vélo. C’est en quelque sorte un loft. L’autre partie sera destinée au coin repos où seront installés les trois lits.

La troisième région militaire des transmissions, caserne Margueritte à Rennes, reçoit du matériel américain emballé dans des caisses aux bien belles planches. Une partie de ces caisses vides se retrouveront chez nous. Les planches déclouées serviront à monter une cloison sans porte, un simple rideau la remplacera. Pour que cette cloison paraisse plus présentable, comment cacher à la vue cette surface de planches ? Nous n’avons pas le papier qui convient. Qu’à cela ne tienne, mon père possède des ressources.

Cartes US region Nantes.JPG

Il a repéré, dans un entrepôt de la caserne, d’autres caisses qui, elles, sont encore inviolées et remplies de cartes d’état-major US. Chacune en contient environ un millier, d’un format de dimensions 56,5X76 cm. Elles sont toutes identiques et représentent la région de Saint-Nazaire. Cette ville étant enfin libérée et la guerre terminée, elles ne serviront plus aux militaires, il est donc bon de les reconvertir pour une action plus pacifique. Chaque carte présente une face d’un blanc immaculé, le papier est suffisamment épais pour recevoir la colle sans se dégrader. Toutes ces feuilles mises côte à côte feront une excellente tapisserie. Ce qui fut fait. La pièce s’en trouve maintenant plus claire.

Le sol en béton de l’ensemble de l’habitation a un aspect brut de construction. Il est abîmé par le temps et les mauvais traitements que les précédents locataires lui ont infligés. Pour cacher et se protéger de tels inconvénients, le sol de la chambre sera entièrement revêtu d’épais et grands tapis brosses coco utilisés par l’armée américaine pour rendre plus confortable le séjour des soldats sous la toile de tente. Le contact des pieds nus sur ces tapis brosses est assez rude, en compensation ils nous font bénéficier d’une bonne isolation thermique. La seconde guerre mondiale terminée laisse aux civils quelques restes utiles.

La question de l’approvisionnement en eau reste posée. Pour en disposer il faut se déplacer, au plus près, en bout de baraque. C’est seulement en courant qu’on aura l’eau courante transportée dans des brocs ou des seaux qui sont des réserves entreposées dans le logis. Mon père décide alors d’installer une vraie eau courante qui se véhiculera elle-même. Avec l’aide d’un camarade, probablement du métier, il branche sur le réseau, à partir de la salle, lavabos douches en bout de baraque, des tuyaux qui amènent le précieux liquide à un évier près de la cuisinière. Le rejet des eaux usées se fait dans le fossé en bordure de la baraque sous nos fenêtres. Pour faciliter la mise en place de l’installation, la tuyauterie passe à travers l’habitation du premier locataire. Lequel acceptant la servitude, bénéficiera en contrepartie de ses avantages. C’est une innovation, je pense que nous sommes en 1946, les seuls locataires de la baraque 5 à jouir d’un tel confort.

Il faut maintenant penser à l’école et à notre inscription. L’année scolaire se termine bientôt. Je ne suis pas allé à l’école depuis un trimestre. Il faudra rattraper le temps perdu, ce ne sera pas facile, d’autant qu’une récente visite médicale avec cuti réaction puis un passage à la radioscopie détecte un début de maladie pulmonaire. Je suis positif à la cuti, un magnifique bobo purulent qui fleurit sur le haut de mon bras gauche le confirme. L’hiver 45/46 dans le Nord n’a pas été tendre pour nous, une alimentation insuffisante en vitamines et le bouleversement de ma vie suite au décès de notre maman, m’ont rendu vulnérable. Je ne suis plus le grand mangeur qui faisait ma réputation et qui avait amené frère et sœurs à me surnommer « gros lard ».

Ambulance militaire : un dodge


Soins à l’hôpital militaire Saint Louis à Rennes

C’est un médecin militaire de l’hôpital Saint-Louis de Rennes qui me suit médicalement. Je me rends plusieurs fois en visite pour des prises de sang ou des radioscopies. C’est une ambulance militaire, un dodge, qui me conduit, ma sœur aînée m’accompagne. Lorsque le véhicule militaire de couleur kaki avec une grande croix rouge vient me prendre au camp, il ne passe pas inaperçu. Je n’en tire pas gloire auprès de mes copains, je sais que ce véhicule ne vient pas pour m’emmener faire une promenade d’agrément.

Pour guérir de ma maladie le remède est simple : bonne alimentation, suppositoires pendant des mois et des mois et beaucoup de repos. Mon père refuse de m’envoyer dans un préventorium. Mon frère et ma sœur Jeanine partiront en colonie de vacances organisée par l’armée au bord de la mer, moi je n’y ai pas droit. L’air de la mer ne me vaut rien, paraît-il. Je suis frustré, je n’ai encore jamais vu la mer.

Merci au médecin et infirmières de l’hôpital Saint-Louis dont les soins ont largement contribué à ma guérison. Je soupçonne d’ailleurs l’armée, clairvoyante, d’avoir eu quelques vues à long terme en rendant la santé à un petit jeune qui se rendra volontairement sous les drapeaux à l’âge de 18 ans !!! …guéri.


Les enfants du camp Victor Rault

Mon frère et moi faisons vite connaissance avec les enfants du camp. Nous rejoignons une petite bande de galopins qui habitent pour certains notre baraque et dans le voisinage. Beaucoup d’Espagnols, Luis, Floréal, Jojo et d’autres, les frères Nédelec, Marc Busnel, Nono et son grand frère. Le frère de Nono avait décoré le logement de sa famille en peignant sur les murs de nombreux personnages de Walt Disney, très bien exécutés .

Les vrais liens se tissent surtout à l’école. Nous jouons bien naturellement à la guerre. Nous avons pour ce faire une grande expérience et tout un arsenal à notre disposition d’armes véritables. Revolvers sans barillet, carcasse rouillée de fusil mitrailleur, couteau de guerre, fusils rouillés, des casques américains et des casques allemands. Luis Matas fabrique des silhouettes de fusils, taillées dans une planche. A l’extrémité du canon il fixe les élastiques d’un lance pierres. Les élastiques sont maintenus tendus grâce à une épingle à linge fixée près de la crosse. La pince est renforcée par un autre élastique pour assurer une meilleure prise. En réalité je préfère le lance pierres, que j’estime plus performant pour atteindre les isolateurs des poteaux électriques et téléphoniques.


L'école Victor Rault

En 1946 c’est madame Ory qui est la directrice de l’école de la rue Victor Rault. Son mari est instituteur dans cette même école. Il est handicapé et se déplace pour les longues marches, en fauteuil roulant que pousse matin et soir son fils Jean François. Quand il fait classe, monsieur Ory a toujours près de lui un très long bâton. Certains méchants élèves profitent de son handicap pour faire une démonstration de leur indiscipline. Il descend alors de l’estrade où est disposé son bureau et les poursuit avec difficulté mais avec beaucoup de volonté. Il réussit presque toujours à les coincer avec son très long bâton, entre deux rangées de pupitres d’élèves et la punition tombe.

A notre arrivée, je suis placé pour quelques semaines, dans une des divisions de la classe de monsieur Ory. Je ne sais pas trop ce que je fais là. Je suis totalement perdu.

C’est la fin de l’année scolaire 1946, la fête de la jeunesse aura bientôt lieu. Je n’ai participé à aucun des exercices de préparation de la gymnastique. Je suis d’office intégré dans un groupe de petits alors que je suis un grand de 8 ans et demi, vous pensez !. « Quand tu seras sur le stade à Rennes, tu verras, ce ne sera pas compliqué, tu suivras les mouvements des autres. » me dit madame Ory. N’empêche que j’avais honte de faire des rondes à mon âge et des you …les petits cailloux avec des petiots de 6 et 7 ans! Il fallait vaille que vaille que l’école soit représentée en nombre. Il est vrai que, face à toutes les écoles de Rennes qui participent, celles du Boulevard de la Liberté, de la Rue d'Échange ... et bien d’autres, l’école Victor Rault avait plutôt une pauvre mine.

A la rentrée d’octobre, je suis dirigé avec une quinzaine d’enfants dans une classe spéciale de rattrapage créée spécialement pour l’école. L’instituteur qui la dirige est monsieur Bauer. Je n’ai jamais autant aimé aller à l’école depuis que je suis dans la classe de cet instituteur. Tout ce qu’il enseigne entre dans ma tête de chtibreton et demeure bien compris bien assimilé. Il explique chaque chose d’une manière très claire. Le niveau du savoir de chacun des élèves est différent, qu’à cela ne tienne, chacun aura l’enseignement adapté à sa compréhension sans pénaliser aucun des autres. Il ne donne jamais de punition car les enfants à qui il enseigne n’en méritent pas. L’arithmétique, le français, le dessin, la création, la composition de formes et d’engins futuristes, les poésies, tout me plait.

Après nous les avoir expliqués, il nous fait apprendre, une vingtaine de vers tirés de la tragédie de Corneille, Cinna ou la clémence d’Auguste. J’ai 9 ans alors et aujourd’hui encore, aucune rime n’est oubliée.

La clémence d'AUGUSTE

''En est-ce assez, ô ciel ! et le sort, pour me nuire.

A-t-il quelqu'un des miens qu'il veuille encor séduire ?

''Qu'il joigne à ses efforts le secours des enfers.

Je suis maître de moi comme de l'univers, etc.


L’année suivante en pleine année scolaire monsieur Bauer est muté dans une école spécialisée. C’est pour moi un profond chagrin, il me faudra longtemps pour accepter ma nouvelle classe.

Les élèves de notre cours sont répartis dans différentes divisions des autres classes, suivant leur niveau. Les maîtres ou les maîtresses ne rechignent pas pour accepter plus de trente élèves. Celle que j’intègre est d’un niveau trop supérieur par rapport à mon âge. J’essaie de suivre mais j’ai des difficultés. Par contre j’assimile en même temps des éléments de l’enseignement donné à la division de fin d’études. Les fleuves d’Asie, les capitales, les récitations, des règles « devant M B P on met toujours un M sauf exception Néanmoins, embonpoint. ». L’instituteur est monsieur Ricard que ma sœur Janine aime beaucoup. Bonne élève, ma sœur est aussi bien appréciée par son maître d’école. L’épouse de monsieur Ricard est également institutrice à Victor Rault.

Une heure par semaine est consacrée à la musique et aux chants. Le professeur intervient dans les écoles primaires de Rennes. Il nous enseigne les rudiments du solfège et les chants prévus pour l’examen du certif que tous apprennent. La Marseillaise bien sûr, trois couplets, Allons enfants, aussi Nous entrerons dans la carrière, enfin Amour sacré de la patrie. Les paroles ne m'ont jamais fait défaut à chaque fois que j'ai chanté ce bel hymne. Nous apprenons aussi des petites pièces de Rameau et d’autres chants folkloriques, surtout du 18e siècle. Il ne se sépare jamais de son violon. Il est très écouté quand il pose l'archet sur l'instrument pour interpréter la mélodie des nouveaux chants, afin que nous les mémorisions.


Le 8 juillet 2013

Albert René Gilmet

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