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Rennes a été occupée par les Prussiens en 1815, pendant un mois : de début septembre à début | Rennes a été occupée par les Prussiens en 1815, pendant un mois : de début septembre à début octobre, une occupation qui fut, dans l'ensemble, supportable. | ||
===Le contexte historique=== | ===Le contexte historique=== | ||
Après les Cent-jours et l'abdication de l'empereur Napoléon Ier, Louis XVIII revient en France mais l' | Après les Cent-jours et l'abdication de l'empereur Napoléon Ier, Louis XVIII revient en France mais l'avancée des Alliés se poursuit et ils vont occuper 58 départements, se répartissant les zones d'occupation. Les Prussiens vont prendre place dans la zone ouest du bassin parisien, la basse Normandie jusqu'à la Seine, le Maine, l'Anjou et la Haute Bretagne. Le traité de Paris mettra fin à cette occupation pesante en novembre 1815. | ||
[[Fichier:Uhlans_en_1815.jpg|300px|right|thumb|Uhlans prussiens en 1815]] | [[Fichier:Uhlans_en_1815.jpg|300px|right|thumb|Uhlans prussiens en 1815]] | ||
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[[Fichier:Garnison_d%C3%A9but_19e_si%C3%A8cle.png|250px|left|thumb|Les établissements militaires à Rennes au début du 19e siècle. (de ''Rennes au XIXe siècle, ville « parasitaire | Abattus les aigles d'Empire, | ||
Bientôt arrive le pire, | |||
Au logis parmi les siens | |||
Voir s'installer un Prussien. <ref>[[Hymne à Rennes ]] quatrain 23 </ref> | |||
[[Fichier:Garnison_d%C3%A9but_19e_si%C3%A8cle.png|250px|left|thumb|Les établissements militaires à Rennes au début du 19e siècle. (de ''Rennes au XIXe siècle, ville « parasitaire"? ''par | |||
Michel Denis. Annales de Bretagne Année 1973 Volume 80 Numéro 2 pp. 403-439]] | Michel Denis. Annales de Bretagne Année 1973 Volume 80 Numéro 2 pp. 403-439]] | ||
===Une importante arrivée de troupes=== | ===Une importante arrivée de troupes=== | ||
Le passage, en première quinzaine d'août, d'un détachement de 60 lanciers prussiens, laissait présager la suite, d'ailleurs, dès le 8 août le conseil municipal met en place une commission en vue de préparer les mesures nécessaires et le 14 un emprunt forcé est levé sur les citoyens de Rennes dont les loyers dépassent 39 F. : le 2 septembre, les Rennais lisent une proclamation du préfet affichée, annonçant le cantonnement de troupes prussiennes à Rennes et demandant à la population de leur réserver bon accueil, louant en outre "le noble caractère de MM.les Généraux prussiens" ! C'est la 22e brigade commandée par le général Von Lobenthal qui est prévue pour Rennes et ses environs : 8500 hommes et 1800 chevaux ! Auxquels s'ajouteront, le 9 septembre, le commandant en chef du 6e corps de l'armée prussienne, le général Von Tauentzien et son état-major. | Le passage, en première quinzaine d'août, d'un détachement de 60 lanciers prussiens, laissait présager la suite, d'ailleurs, dès le 8 août le conseil municipal met en place une commission en vue de préparer les mesures nécessaires et le 14 un emprunt forcé est levé sur les citoyens de Rennes dont les loyers dépassent 39 F. : le 2 septembre, les Rennais lisent une proclamation du préfet affichée, annonçant le cantonnement de troupes prussiennes à Rennes et demandant à la population de leur réserver bon accueil, louant en outre "le noble caractère de MM.les Généraux prussiens" ! C'est la 22e brigade commandée par le général Von Lobenthal qui est prévue pour Rennes et ses environs : 8500 hommes et 1800 chevaux ! Auxquels s'ajouteront, le 9 septembre, le commandant en chef du 6e corps de l'armée prussienne, le général Von Tauentzien et son état-major. | ||
M. de la Villebrune, adjoint, fait placarder en l'absence du maire, le 5 septembre, un avis recommandant aux citoyens "tous les égards que méritent les troupes alliées"(!) et annonçant que l'administration municipale est en permanence pour recevoir des plaintes. Deux membres du conseil municipal siègeront en permanence à cet effet à l'hôtel-de-ville. On lit aussi, le 9 septembre, une proclamation du général Von Tauentzien aux Bretons ( en fait, seules sont occupées l'Ille-et-Vilaine et une partie des Côtes-du-Nord, jusqu'à Saint-Brieuc. Il annonce que " ce n'est pas comme ennemis que nous entrons chez vous [...] vos familles, vos biens seront respectés; vous n'aurez à pourvoir qu'à la subsistance des troupes..." C'est déjà beaucoup... | |||
===Une cohabitation correcte=== | |||
Il s'agit quand même pour les 26 000 Rennais de procurer la subsistance d'environ 3500 hommes en viande, pain, riz, légumes, beurre, sans oublier la bière, l'eau de vie et le tabac ainsi que l'avoine pour les chevaux. Un journal local note :" Nous avons ici 3000 à 4000 hommes de garnison. Toutes ces troupes sont logées chez le bourgeois, parce que nous n'avons que des casernes trop petites et trop incommodes".<ref>''Journal d'Ille-et-Vilaine'' -13 septembre 1815</ref> L'occupation s'écoula sans incidents graves notables. Deux militaires prussiens sauvèrent même la vie d'un garde de voitures au [[Puits-Maugé]], tombé dans la [[Vilaine]] et le préfet exprima ses vifs remerciements au général Von Lobenthal.<ref>''Bretagne et Germanie'', par Camille Le Mercier d'Erm - Stur n°36 janvier-avril 1935</ref> | |||
''Chaque soir, vers huit heures, avant la retraite, le poste de grand'garde, qui se tenait à l'Hôtel de Ville, sortait sur la place, et un pasteur protestant, qui remplissait les fonctions d'aumônier, récitait la prière. Après cela, la retraite s'effectuait par les rues, et l'on voyait une compagnie, la bayonnette croisée, précédant les tambours, et, derrière ceux-ci, des uhlans portant la lance, la pointe tournée en arrière.'' <ref>Souvenirs de vieux Rennais. ''La Dépêche Bretonne'', 27 avril 1893</ref> | |||
On se venge comme on peut. Le père Poganne, galettier au coin de la [[rue de la Visitation]] et de la [[rue Motte-Fablet]], refusa de servir des Prussiens au motif qu'ils n'étaient ni bretons, ni français et, pour échapper à leurs menaces sur sa vie, il dut s'exécuter mais étala sur la tuile, du méchant suif au lieu de beurre. <ref> ''Cuisine traditionnelle de Bretagne'', par [[Simone Morand]]. Ed. Jean-Paul Gisserot - 1998 </ref> | On se venge comme on peut. Le père Poganne, galettier au coin de la [[rue de la Visitation]] et de la [[rue Motte-Fablet]], refusa de servir des Prussiens au motif qu'ils n'étaient ni bretons, ni français et, pour échapper à leurs menaces sur sa vie, il dut s'exécuter mais étala sur la tuile, du méchant suif au lieu de beurre. <ref>''Cuisine traditionnelle de Bretagne'', par [[Simone Morand]]. Ed. Jean-Paul Gisserot - 1998 </ref> | ||
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Un ancien soldat de 1815, de retour dans sa ville natale, décrivit Rennes "'' comme un camp dont les soldats s'attendaient à être délogés d'un moment à l'autre; je remarquai avec un secret plaisir un certain air d'inquiétude empreint sur les visages de nos amis les ennemis. Le moindre bruit dans la rue leur faisait croire à l'explosion de quelque complot; leur imagination effrayée ne rêvait que Vêpres siciliennes. Aussi redoublaient-ils de surveillance et de sévérité envers les habitants''" <ref>''Histoire de Rennes'', par E. Ducrest de Villeneuve -1845</ref> | |||
Cependant un incident aurait pu tourner mal : quelques coups de feu furent tirés près de certains cantonnements prussiens par des bonapartistes impénitents et le général Von Lobenthal prit, le 21 septembre, un "ordre de désarmement" des Rennais, sur grand placard imprimé, ordonnant | |||
à la population de remettre au maire les armes de guerre qu'elle détient, tout homme chez lequel sera trouvé des armes étant jugé selon la rigueur des lois militaires et il annonça qu'il devrait se porter à "des extrémités très fâcheuses" en cas de récidive. Mais rien de tel ne se produit et, quatre jours plus tard, le maire écrivit : ''Depuis que nous avons l'honneur de vous posséder '''(!)''' dans nos murs, vous avez toujours donné à cette ville des preuves de votre bienveillance. Lors même que Votre Excellence, usant du pouvoir dont elle est investie, a cru devoir prendre des mesures énergiques, elle a toujours tempéré la force par la modération...'' <ref>''Bretagne et Germanie'',p. 25. Camille Le Mercier d'Erm - Stur n°36 janvier-avril 1935 </ref> | |||
Le 25 septembre aussi, le Major Von Unruh, commandant un bataillon du 2e régiment d'infanterie de ligne, commandant de la place de Rennes, se dit content de l'accueil de la ville et le maire,[[ Morel-Desvallons]] écrit des remerciements au général Lobenthal pour l'excellente discipline de ses troupes et évoque même "une heureuse harmonie".<ref>''Des uhlans sur le Mail à l'été 1815'', par Yann Lagadec dans ''Place Publique'' Rennes et Saint-Malo, n° 36- juillet-août 2015 </ref> | |||
Le 2 octobre, le 6e corps d'armée prussien a quitté la Bretagne pour la Normandie, au grand soulagement des Rennais délivrés de cette présence "alliée" coûteuse et pesante. | Le 2 octobre, le 6e corps d'armée prussien a quitté la Bretagne pour la Normandie, au grand soulagement des Rennais délivrés de cette présence "alliée" coûteuse et pesante. | ||
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Rennes a été occupée par les Prussiens en 1815, pendant un mois : de début septembre à début octobre, une occupation qui fut, dans l'ensemble, supportable.
Le contexte historique
Après les Cent-jours et l'abdication de l'empereur Napoléon Ier, Louis XVIII revient en France mais l'avancée des Alliés se poursuit et ils vont occuper 58 départements, se répartissant les zones d'occupation. Les Prussiens vont prendre place dans la zone ouest du bassin parisien, la basse Normandie jusqu'à la Seine, le Maine, l'Anjou et la Haute Bretagne. Le traité de Paris mettra fin à cette occupation pesante en novembre 1815.
Abattus les aigles d'Empire,
Bientôt arrive le pire,
Au logis parmi les siens
Voir s'installer un Prussien. [2]
Une importante arrivée de troupes
Le passage, en première quinzaine d'août, d'un détachement de 60 lanciers prussiens, laissait présager la suite, d'ailleurs, dès le 8 août le conseil municipal met en place une commission en vue de préparer les mesures nécessaires et le 14 un emprunt forcé est levé sur les citoyens de Rennes dont les loyers dépassent 39 F. : le 2 septembre, les Rennais lisent une proclamation du préfet affichée, annonçant le cantonnement de troupes prussiennes à Rennes et demandant à la population de leur réserver bon accueil, louant en outre "le noble caractère de MM.les Généraux prussiens" ! C'est la 22e brigade commandée par le général Von Lobenthal qui est prévue pour Rennes et ses environs : 8500 hommes et 1800 chevaux ! Auxquels s'ajouteront, le 9 septembre, le commandant en chef du 6e corps de l'armée prussienne, le général Von Tauentzien et son état-major. M. de la Villebrune, adjoint, fait placarder en l'absence du maire, le 5 septembre, un avis recommandant aux citoyens "tous les égards que méritent les troupes alliées"(!) et annonçant que l'administration municipale est en permanence pour recevoir des plaintes. Deux membres du conseil municipal siègeront en permanence à cet effet à l'hôtel-de-ville. On lit aussi, le 9 septembre, une proclamation du général Von Tauentzien aux Bretons ( en fait, seules sont occupées l'Ille-et-Vilaine et une partie des Côtes-du-Nord, jusqu'à Saint-Brieuc. Il annonce que " ce n'est pas comme ennemis que nous entrons chez vous [...] vos familles, vos biens seront respectés; vous n'aurez à pourvoir qu'à la subsistance des troupes..." C'est déjà beaucoup...
Une cohabitation correcte
Il s'agit quand même pour les 26 000 Rennais de procurer la subsistance d'environ 3500 hommes en viande, pain, riz, légumes, beurre, sans oublier la bière, l'eau de vie et le tabac ainsi que l'avoine pour les chevaux. Un journal local note :" Nous avons ici 3000 à 4000 hommes de garnison. Toutes ces troupes sont logées chez le bourgeois, parce que nous n'avons que des casernes trop petites et trop incommodes".[3] L'occupation s'écoula sans incidents graves notables. Deux militaires prussiens sauvèrent même la vie d'un garde de voitures au Puits-Maugé, tombé dans la Vilaine et le préfet exprima ses vifs remerciements au général Von Lobenthal.[4]
Chaque soir, vers huit heures, avant la retraite, le poste de grand'garde, qui se tenait à l'Hôtel de Ville, sortait sur la place, et un pasteur protestant, qui remplissait les fonctions d'aumônier, récitait la prière. Après cela, la retraite s'effectuait par les rues, et l'on voyait une compagnie, la bayonnette croisée, précédant les tambours, et, derrière ceux-ci, des uhlans portant la lance, la pointe tournée en arrière. [5]
On se venge comme on peut. Le père Poganne, galettier au coin de la rue de la Visitation et de la rue Motte-Fablet, refusa de servir des Prussiens au motif qu'ils n'étaient ni bretons, ni français et, pour échapper à leurs menaces sur sa vie, il dut s'exécuter mais étala sur la tuile, du méchant suif au lieu de beurre. [6]
Un ancien soldat de 1815, de retour dans sa ville natale, décrivit Rennes " comme un camp dont les soldats s'attendaient à être délogés d'un moment à l'autre; je remarquai avec un secret plaisir un certain air d'inquiétude empreint sur les visages de nos amis les ennemis. Le moindre bruit dans la rue leur faisait croire à l'explosion de quelque complot; leur imagination effrayée ne rêvait que Vêpres siciliennes. Aussi redoublaient-ils de surveillance et de sévérité envers les habitants" [7] Cependant un incident aurait pu tourner mal : quelques coups de feu furent tirés près de certains cantonnements prussiens par des bonapartistes impénitents et le général Von Lobenthal prit, le 21 septembre, un "ordre de désarmement" des Rennais, sur grand placard imprimé, ordonnant à la population de remettre au maire les armes de guerre qu'elle détient, tout homme chez lequel sera trouvé des armes étant jugé selon la rigueur des lois militaires et il annonça qu'il devrait se porter à "des extrémités très fâcheuses" en cas de récidive. Mais rien de tel ne se produit et, quatre jours plus tard, le maire écrivit : Depuis que nous avons l'honneur de vous posséder (!) dans nos murs, vous avez toujours donné à cette ville des preuves de votre bienveillance. Lors même que Votre Excellence, usant du pouvoir dont elle est investie, a cru devoir prendre des mesures énergiques, elle a toujours tempéré la force par la modération... [8]
Le 25 septembre aussi, le Major Von Unruh, commandant un bataillon du 2e régiment d'infanterie de ligne, commandant de la place de Rennes, se dit content de l'accueil de la ville et le maire,Morel-Desvallons écrit des remerciements au général Lobenthal pour l'excellente discipline de ses troupes et évoque même "une heureuse harmonie".[9]
Le 2 octobre, le 6e corps d'armée prussien a quitté la Bretagne pour la Normandie, au grand soulagement des Rennais délivrés de cette présence "alliée" coûteuse et pesante.
références
- ↑ histoire de rennes - bretagneweb.com bretagneweb.com
- ↑ Hymne à Rennes quatrain 23
- ↑ Journal d'Ille-et-Vilaine -13 septembre 1815
- ↑ Bretagne et Germanie, par Camille Le Mercier d'Erm - Stur n°36 janvier-avril 1935
- ↑ Souvenirs de vieux Rennais. La Dépêche Bretonne, 27 avril 1893
- ↑ Cuisine traditionnelle de Bretagne, par Simone Morand. Ed. Jean-Paul Gisserot - 1998
- ↑ Histoire de Rennes, par E. Ducrest de Villeneuve -1845
- ↑ Bretagne et Germanie,p. 25. Camille Le Mercier d'Erm - Stur n°36 janvier-avril 1935
- ↑ Des uhlans sur le Mail à l'été 1815, par Yann Lagadec dans Place Publique Rennes et Saint-Malo, n° 36- juillet-août 2015