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[[Catégorie:Seconde Guerre mondiale]]
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[[Fichier:Execution_de_collabo_21novembre1944-1.jpg|200px|right|thumb|Photo par un reporter américain USIS (United States Information Service) "photo prise à l'instant où les balles d'un peloton d'exécution français atteignent un Français qui a collaboré avec les Allemands - Hines"]]
 


===Chasse aux "collabos" et exécutions===
===Chasse aux "collabos" et exécutions===
[[Fichier:Ordre_republicain.jpeg|200px|left|thumb|Appel du commissaire régional Le Gorgeu à "l'ordre républicain"<ref> ''Défense de la France'' du 13 août 1944</ref>]]
[[Fichier:Chasse_aux_collaborateurs.jpeg|200px|left|thumb|Après plus de 4 ans d'occupation, la chasse aux "collabos"]]
[[Fichier:Arrestation_a_rennes_aout_1944.jpg|250px|right|thumb|"Soudain à Rennes ce matin-là, j'entendis une agitation : une jeune femme était emmenée violemment au poste de police tandis que des personnes présentes la conspuaient et crachaient sur elle" - John G. Morris]]
[[Fichier:Collaboratrice041.jpg|250px|left|thumb|Femme tondue, exténuée, récupérée avec sa bicyclette par des GI]]
[[Fichier:Arrestation_d_un_collaborateur_place_de_la_mairie.jpeg|200px|center|thumb|Place de la Mairie, deux F.F.I. amènent un "collabo" - photo U.S.I.S ( United States Information Service)]]
Passés les premiers jours après la libération, jours de liesse mais aussi de vindicte contre les « collabos » dont certains sont malmenés, des femmes tondues ou marquées de goudron, la prise en main par le Comité départemental de libération va avoir pour résultat de mettre de l’ordre dans la rue et à l’abri les citoyens accusés à raison, parfois à tort, de collaboration avec l’occupant, allant de la collaboration économique, « horizontale » pour des femmes, <ref>[[ Après la libération, les internées administratives au camp Margueritte]]</ref> à la dénonciation de résistants ou à la collaboration armée aux côtés de la police ou de l’armée allemande, mais pour ce dernier type de collaboration, les principaux responsables ont fui dans les fourgons de leurs maîtres. Le comité de libération instruit des cas en liaison avec le préfet et agit comme un groupe de pression, limitant ses ambitions à l'épuration.<ref> ''L'Ille-et-Vilaine'' dans Buton P. et Guillon J-M, par M.-H. Butler et J. Sainclivier</ref>
Le tribunal militaire provisoire, installé le 19 août, juge, dès le 23 , Claude Geslin, 23 ans, accusé d'intelligence avec l'ennemi et d'actes de torture et de barbarie sur des patriotes, au vu d'archives de la Gestapo trouvées dans les caves du Sipo-SD, [[avenue Jules Ferry]] où figure son immatriculation sous le numéro SR 923. <ref>[[Claude Geslin, pour l'exemple, une condamnation précoce]]</ref> Le 5 novembre, jugés et leur recours en grâce rejeté, trois collaborateurs, Baudrou, Ben Arab et Prochaska, sont fusillés à l'aube dans l'"Enfer" du [[jardin du Thabor]]. La justice varie et est moins sévère à mesure du temps qui passe. Ainsi le tribunal militaire permanent  de la XIe région, installé le 28 août, condamna à mort, le 19 octobre 1944, Mlle Haudouin pour quatre dénonciations à la police allemande et à la milice, alors que le 11 février 1945 la cour de Justice de Rennes condamna Léonardos Koster, défendu par le même avocat, à vingt ans d'emprisonnement pour avoir pillé, tué, et dénoncé dix personnes qui seront déportées. <ref> ''Le Barreau rennais dans la tourmente'' par François-Xavier Gosselin. Revue juridique de l'ouest, vol. 1, n° 4 - 1988</ref>
[[Fichier:Execution_de_collabo_21novembre1944-1.jpg|200px|right|thumb|Photo par un reporter américain USIS (United States Information Service) prise dans l'''Enfer'' du Thabor " à l'instant où les balles d'un peloton d'exécution français atteignent un Français qui a collaboré avec les Allemands - Hines"]]
Une douzaine d’exécutions auront lieu, telle celle d’un collaborateur,  Edouard Germonprez, 22 ans, illettré, charpentier, condamné à mort, le 4 octobre 1944, pour intelligence avec l'ennemi : il avait été informateur du RNP, dénonçant les auditeurs de la radio anglaise et les patriotes qu'il écoutait dans les cafés, et condamné à un an de prison pour vol à main armée, il s'engagea aux côté des Allemands comme ''pompier au camp d'aviation de Saint-Jacques, botté, casqué et portant sans honte l'uniforme gris-vert''. <ref> Ouest-France, 5 octobre 1944</ref> Il  fut exécuté par un peloton de gendarmes, photographié à Rennes, dans "l'enfer" du [[parc du Thabor]], par un reporter, Hines, du service d’information des Etats-Unis (U.S.I.S), le 21 novembre 1944, neuf jours avant la mise en place de la Cour de justice à Renne,  car à Rennes, l'installation de la Cour de justice aura été tardive: plus d'un mois en moyenne après les installations des mêmes cours. Aussi le commissaire de la République exhorte-t-il les organisations de Résistance à empêcher les excès.


Passés les premiers jours après la libération, jours de liesse mais aussi de vindicte contre les « collabos » dont certains sont malmenés, des femmes tondues ou marquées de goudron, la prise en main par le Comité départemental de libération va avoir pour résultat de mettre de l’ordre dans la rue et à l’abri les citoyens accusés à raison, parfois à tort, de collaboration avec l’occupant, allant de la collaboration économique, « horizontale » pour des femmes, à la dénonciation de résistants ou à la collaboration armée aux côtés de la police ou de l’armée allemande, mais pour ce dernier type de collaboration, les principaux responsables ont fui dans les fourgons de leurs maîtres. Le comité de libération instruit des cas en liaison avec le préfet et agit comme un groupe de pression, limitant ses ambitions à l'épuration.<ref> ''L'Ille-et-Vilaine'' dans Buton P. et Guillon J-M, par M.-H. Butler et J. Sainclivier</ref>


Une douzaine d’exécutions auront lieu, telle celle d’un collaborateur, par une peloton de gendarmes, photographiée à Rennes par un reporter, Himes, du service d’information des Etats-Unis ( U.S.I.S), le 21 novembre 1944, neuf jours avant la mise en place de la Cour de  justice à Rennes. Le lendemain Edouard Germonprez, condamné à mort pour trahison, informateur du SD, est exécuté.


===Décembre 1944 : Cour de justice et chambre civique===
===Décembre 1944 : Cour de justice et chambre civique===
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====pour les complices armés de l'occupant====
====pour les complices armés de l'occupant====


L’''Ouest-France'' de ce même 21 novembre donne la liste des 20 jurés de la section d'Ille-et-Vilaine de la Cour de justice de Rennes, choisis par un magistrat et deux délégués du Comité départemental de Libération, appelés à siéger pendant le mois de décembre à la Cour de justice, 13 sont rennais, dont une femme, comme pour les 20 jurés de la chambre civique, et la date de la première audience de la Cour de justice est fixée au vendredi Ier décembre, salle de la Cour d’assises avec un magistrat qui préside et 4 jurés tirés au sort. Il s’avérera que la ville de Rennes totalisa 52% des 1520 personnes domiciliées dans le département qui furent traduites devant la Cour de justice ou la chambre civique.<ref>''Les Bretons au lendemain de l'Occupation, Imaginaire et comportement d'une sortie de guerre'' 1944-1945, par Luc Capdevila; PUR -1999</ref>
L’''Ouest-France'' de ce même 21 novembre donne la liste des 20 jurés de la section d'Ille-et-Vilaine de la Cour de justice de Rennes, choisis par un magistrat et deux délégués du Comité départemental de Libération, appelés à siéger pendant le mois de décembre à la cour de justice, 13 sont rennais, dont une femme, comme pour les 20 jurés de la chambre civique, et la date de la première audience de la cour de justice est fixée au vendredi 1er décembre, salle de la cour d’assises avec un magistrat qui préside et 4 jurés tirés au sort. Il s’avérera que la ville de Rennes totalisa 52% des 1520 personnes domiciliées dans le département qui furent traduites devant la Cour de justice ou la chambre civique.<ref>''Les Bretons au lendemain de l'Occupation, Imaginaire et comportement d'une sortie de guerre'' 1944-1945, par Luc Capdevila; PUR -1999</ref>


Au total, sur 86 condamnations à mort prononcées par la cour de justice de Rennes, 19 ont été exécutées, sanctionnant parfois dans les premiers temps des hommes dont les chefs s'étaient mis à l’abri. En fait, sur les 19 condamnés à mort par la section départementale d'Ille-et-Vilaine de la Cour de justice de Rennes et effectivement exécutés, 7 étaient membres du GAJS (groupe d'action pour la justice sociale) spécialistes de la lutte contre le maquis, et 2 des miliciens de la Selbstschutspolizei arrivés à Rennes en mai 1944. Seront ainsi exécutés des collaborateurs, des membres du groupe d’action du PPF, Guy Vissault de Coëtlogon, le 24 avril 1945, assistant armé du SD allemand, Claude Garavel (P.P.F.), le milicien Roger Le Neuf, bourreaux de maquisards de Broualan, le  sinistre milicien Emile Schwaller, Léon Jasson de la Bezen Perrot en juillet 1946. <ref> [[La Bezen Perrot quitte Rennes]]</ref>
Au total, sur 86 condamnations à mort prononcées par la cour de justice de Rennes, 19 ont été exécutées, sanctionnant parfois dans les premiers temps des hommes dont les chefs s'étaient mis à l’abri. En fait, sur les 19 condamnés à mort par la section départementale d'Ille-et-Vilaine de la cour de justice de Rennes et effectivement exécutés, 7 étaient membres du GAJS (groupe d'action pour la justice sociale) spécialistes de la lutte contre le maquis, et 2 des miliciens de la Selbstschutspolizei arrivés à Rennes en mai 1944. Seront ainsi exécutés des collaborateurs, des membres du groupe d’action du PPF, Guy Vissault de Coëtlogon jugé par la cour de justice de la Seine, fusillé le 24 avril 1945, assistant armé du SD allemand,<ref> [[Un Rennais, agent actif de la Gestapo, Guy Vissault]]</ref>  Claude Garavel (P.P.F.), le milicien Roger Le Neuf, bourreaux de maquisards de Broualan, Léon Jasson et André Geffroy de la Bezen Perrot en juillet 1946. <ref> [[La Bezen Perrot quitte Rennes]]</ref>


Un G.M.R Bretagne, groupe mobile de réserve, installé à Rennes en avril 1943 par le gouvernement de Vichy, joua un rôle contrasté. Des unités furent employées contre des maquis et même envoyées aux côtés de la Milice contre le maquis du plateau des Glières en février 1944. Mais à Rennes, la moitié de leur armement fut transféré fin mai à la Milice, avec l’approbation du Kommandeur du SD et le préfet utilisa les GMR à des missions d’aide à la population, telles que des travaux de déblaiement après les bombardements de Fougères et de Montfort. A la Libération, à laquelle certains des GMR trouvèrent opportun de participer, 65% des membres furent maintenus en poste, mais 35 sur 188 furent révoqués ou radiés et 10 suspendus ou internés, soit un quart de l’effectif, le pourcentage le plus important après ceux des GMR d’Orléans et de Montpellier, et le Comité de libération fut résolu à procéder lui-même à l’épuration de cette unité qui deviendra la Compagnie de réserve de Bretagne avec une unité basée à Rennes, la CRS 111. Le commandant du GMR Bretagne, devant la Cour de justice le 31 août 1945, fut acquitté compte tenu de son attitude pendant les derniers mois du régime et même félicité alors qu’il était accusé d’avoir participé à des opérations d’envergure avec arrestations de maquisards, et d’avoir incité ses hommes contre les maquisards des Glières dont 60 furent arrêtés. <ref>''Une police de Vichy, les groupes mobiles de réserve'' (1941-1944), par Alain Pinel, éd. L'Harmattan - 2004</ref>
Un G.M.R Bretagne, groupe mobile de réserve, installé à Rennes, à l'école nationale d'instituteurs, route de Saint-Malo, en avril 1943 par le gouvernement de Vichy, joua un rôle contrasté. Des unités furent employées contre des maquis et même envoyées aux côtés de la Milice contre le maquis du plateau des Glières en février 1944. Mais à Rennes, la moitié de leur armement fut transféré fin mai à la Milice, avec l’approbation du Kommandeur du SD et le préfet utilisa les GMR à des missions d’aide à la population, telles que des travaux de déblaiement après les bombardements de Fougères et de Montfort. A la Libération, à laquelle certains des GMR trouvèrent opportun de participer, 65% des membres furent maintenus en poste, mais 35 sur 188 furent révoqués ou radiés et 10 suspendus ou internés, soit un quart de l’effectif, le pourcentage le plus important après ceux des GMR d’Orléans et de Montpellier, et le Comité de libération fut résolu à procéder lui-même à l’épuration de cette unité qui deviendra la compagnie de réserve de Bretagne avec une unité basée à Rennes, la CRS 111. Le commandant du GMR "Bretagne", Pezeau, devant la cour de justice le 31 août 1945, fut acquitté compte tenu de son attitude pendant les derniers mois du régime et même félicité alors qu’il était accusé d’avoir participé à des opérations d’envergure avec arrestations de maquisards, et d’avoir incité ses hommes contre les maquisards des Glières dont 60 furent arrêtés. <ref>''Une police de Vichy, les groupes mobiles de réserve'' (1941-1944), par Alain Pinel, éd. L'Harmattan - 2004</ref> Le sinistre milicien Émile Schwaller, coupable de pillage, tortures, arrestations et actes de guerre contre les maquis de Broualan et de Vieux-Vy-sur-Couesnon fut jugé et condamné à mort en juillet 1946.


==== pour les responsables, notamment de la presse sous l'Occupation====
==== pour les responsables, notamment de la presse sous l'Occupation====


Le dernier numéro de l'Ouest-Eclair avait paru le Ier août, trois jours avant la [[libération de Rennes ]] par les Américains. Son directeur Pierre Artur et son rédacteur en chef Henry Jan furent arrêtés le 28 septembre 1944. En février 1946 Henry Jan bénéficia d'un non-lieu de la Cour de justice de Rennes.. Pierre Artur, Jean des Cognets, directeur politique, et André Cochinal, auteur de nombreux articles collaborationnistes sous le pseudonyme de Jacques Favières, furent jugés par la Cour de justice de Rennes, sous le chef d'inculpation de participation à « une entreprise de nature à favoriser les menées de l'ennemi et de sa propagande contre la France et ses alliés ». Pierre Artur fut acquitté du chef d'inculpation d'atteinte à la sûreté de l'État, mais condamné pour le reste à dix ans d'indignité nationale. Jean des Cognets et André Cochinal furent condamnés à deux ans de prison et à l'indignité nationale à vie. De même furent cités à comparaître devant la Cour de justice, le 19 février 1946, 4 responsables du quotidien ''La Bretagne'' qui naquit début 1941.Jacques Guillemot, président du conseil d'administration de la société d'éditions bretonnes, fut condamné à deux ans de prison, à la dégradation nationale et à la confiscation de ses biens, et Yann Fouéré, enfui en Irlande, jugé par contumace, fut condamné aux travaux forcés à perpétuité et à la dégradation nationale (et fut déclaré non coupable, plus de neuf ans plus tard, par le tribunal permanent des forces armées de Paris en mai 1956). Quant au préfet régional Robert Martin il fut condamné aux travaux forcés à perpétuité par la Cour de justice de Rennes le 22 octobre 1945 et l'intendant du maintien de l'ordre, Jean Tosello-Bancal, à 5 ans de prison.
Le dernier numéro de l'''Ouest-Eclair'' avait paru le 1er août, trois jours avant la [[libération de Rennes ]] par les Américains. Son directeur Pierre Artur et son rédacteur en chef Henry Jan <ref>[[Censure]]</ref> furent arrêtés le 28 septembre 1944. En février 1946 Henry Jan bénéficia d'un non-lieu de la cour de justice de Rennes. Pierre Artur,{{w| Jean des Cognets}}, directeur politique, et André Cochinal, auteur de nombreux articles collaborationnistes sous le pseudonyme de Jacques Favières, furent jugés par la cour de justice de Rennes, sous le chef d'inculpation de participation à « une entreprise de nature à favoriser les menées de l'ennemi et de sa propagande contre la France et ses alliés ». Pierre Artur fut acquitté du chef d'inculpation d'atteinte à la sûreté de l'État, mais condamné pour le reste à dix ans d'indignité nationale. Jean des Cognets et André Cochinal furent condamnés à deux ans de prison et à l'indignité nationale à vie. De même furent cités à comparaître devant la Cour de Justice, le 19 février 1946, 4 responsables du quotidien ''La Bretagne'' qui naquit début 1941. Jacques Guillemot, président du conseil d'administration de la société d'éditions bretonnes, fut condamné à deux ans de prison, à la dégradation nationale et à la confiscation de ses biens, et Yann Fouéré, enfui en Irlande, jugé par contumace, fut condamné aux travaux forcés à perpétuité et à la dégradation nationale (et fut déclaré non coupable, plus de neuf ans plus tard, par le tribunal permanent des forces armées de Paris en mai 1956). Quant au préfet régional Robert Martin il fut condamné aux travaux forcés à perpétuité par la cour de justice de Rennes le 22 octobre 1945 et l'intendant du maintien de l'ordre, Jean Tosello-Bancal, à 5 ans de prison.
 
 


Parfois pour les civils prévaudra la modération ; ainsi la chambre civique de Rennes estimera que la sexualité n’est pas un motif de poursuites, considérant que les relations sexuelles avec un membre des troupes d’occupation ne constituent pas une aide à l’Allemagne. En Ille-et-Vilaine la comparution de femmes devant la cour de justice ne représenta que 18 % des comparutions alors qu’elles furent beaucoup plus nombreuses à comparaître dans les autres départements.
Parfois pour les civils prévaudra la modération ; ainsi la chambre civique de Rennes, composée de la même manière que la Cour de Justice estimera que la sexualité n’est pas un motif de poursuites, considérant que les relations sexuelles avec un membre des troupes d’occupation ne constituent pas une aide à l’Allemagne. En Ille-et-Vilaine la comparution de femmes devant la cour de justice ne représenta que 18 % des comparutions alors qu’elles furent beaucoup plus nombreuses à comparaître dans les autres départements.





Version actuelle datée du 23 septembre 2024 à 08:13



Chasse aux "collabos" et exécutions

Appel du commissaire régional Le Gorgeu à "l'ordre républicain"[1]
Après plus de 4 ans d'occupation, la chasse aux "collabos"
"Soudain à Rennes ce matin-là, j'entendis une agitation : une jeune femme était emmenée violemment au poste de police tandis que des personnes présentes la conspuaient et crachaient sur elle" - John G. Morris
Femme tondue, exténuée, récupérée avec sa bicyclette par des GI
Place de la Mairie, deux F.F.I. amènent un "collabo" - photo U.S.I.S ( United States Information Service)

Passés les premiers jours après la libération, jours de liesse mais aussi de vindicte contre les « collabos » dont certains sont malmenés, des femmes tondues ou marquées de goudron, la prise en main par le Comité départemental de libération va avoir pour résultat de mettre de l’ordre dans la rue et à l’abri les citoyens accusés à raison, parfois à tort, de collaboration avec l’occupant, allant de la collaboration économique, « horizontale » pour des femmes, [2] à la dénonciation de résistants ou à la collaboration armée aux côtés de la police ou de l’armée allemande, mais pour ce dernier type de collaboration, les principaux responsables ont fui dans les fourgons de leurs maîtres. Le comité de libération instruit des cas en liaison avec le préfet et agit comme un groupe de pression, limitant ses ambitions à l'épuration.[3]

Le tribunal militaire provisoire, installé le 19 août, juge, dès le 23 , Claude Geslin, 23 ans, accusé d'intelligence avec l'ennemi et d'actes de torture et de barbarie sur des patriotes, au vu d'archives de la Gestapo trouvées dans les caves du Sipo-SD, avenue Jules Ferry où figure son immatriculation sous le numéro SR 923. [4] Le 5 novembre, jugés et leur recours en grâce rejeté, trois collaborateurs, Baudrou, Ben Arab et Prochaska, sont fusillés à l'aube dans l'"Enfer" du jardin du Thabor. La justice varie et est moins sévère à mesure du temps qui passe. Ainsi le tribunal militaire permanent de la XIe région, installé le 28 août, condamna à mort, le 19 octobre 1944, Mlle Haudouin pour quatre dénonciations à la police allemande et à la milice, alors que le 11 février 1945 la cour de Justice de Rennes condamna Léonardos Koster, défendu par le même avocat, à vingt ans d'emprisonnement pour avoir pillé, tué, et dénoncé dix personnes qui seront déportées. [5]

Photo par un reporter américain USIS (United States Information Service) prise dans l'Enfer du Thabor " à l'instant où les balles d'un peloton d'exécution français atteignent un Français qui a collaboré avec les Allemands - Hines"

Une douzaine d’exécutions auront lieu, telle celle d’un collaborateur, Edouard Germonprez, 22 ans, illettré, charpentier, condamné à mort, le 4 octobre 1944, pour intelligence avec l'ennemi : il avait été informateur du RNP, dénonçant les auditeurs de la radio anglaise et les patriotes qu'il écoutait dans les cafés, et condamné à un an de prison pour vol à main armée, il s'engagea aux côté des Allemands comme pompier au camp d'aviation de Saint-Jacques, botté, casqué et portant sans honte l'uniforme gris-vert. [6] Il fut exécuté par un peloton de gendarmes, photographié à Rennes, dans "l'enfer" du parc du Thabor, par un reporter, Hines, du service d’information des Etats-Unis (U.S.I.S), le 21 novembre 1944, neuf jours avant la mise en place de la Cour de justice à Renne, car à Rennes, l'installation de la Cour de justice aura été tardive: plus d'un mois en moyenne après les installations des mêmes cours. Aussi le commissaire de la République exhorte-t-il les organisations de Résistance à empêcher les excès.


Décembre 1944 : Cour de justice et chambre civique

pour les complices armés de l'occupant

L’Ouest-France de ce même 21 novembre donne la liste des 20 jurés de la section d'Ille-et-Vilaine de la Cour de justice de Rennes, choisis par un magistrat et deux délégués du Comité départemental de Libération, appelés à siéger pendant le mois de décembre à la cour de justice, 13 sont rennais, dont une femme, comme pour les 20 jurés de la chambre civique, et la date de la première audience de la cour de justice est fixée au vendredi 1er décembre, salle de la cour d’assises avec un magistrat qui préside et 4 jurés tirés au sort. Il s’avérera que la ville de Rennes totalisa 52% des 1520 personnes domiciliées dans le département qui furent traduites devant la Cour de justice ou la chambre civique.[7]

Au total, sur 86 condamnations à mort prononcées par la cour de justice de Rennes, 19 ont été exécutées, sanctionnant parfois dans les premiers temps des hommes dont les chefs s'étaient mis à l’abri. En fait, sur les 19 condamnés à mort par la section départementale d'Ille-et-Vilaine de la cour de justice de Rennes et effectivement exécutés, 7 étaient membres du GAJS (groupe d'action pour la justice sociale) spécialistes de la lutte contre le maquis, et 2 des miliciens de la Selbstschutspolizei arrivés à Rennes en mai 1944. Seront ainsi exécutés des collaborateurs, des membres du groupe d’action du PPF, Guy Vissault de Coëtlogon jugé par la cour de justice de la Seine, fusillé le 24 avril 1945, assistant armé du SD allemand,[8] Claude Garavel (P.P.F.), le milicien Roger Le Neuf, bourreaux de maquisards de Broualan, Léon Jasson et André Geffroy de la Bezen Perrot en juillet 1946. [9]

Un G.M.R Bretagne, groupe mobile de réserve, installé à Rennes, à l'école nationale d'instituteurs, route de Saint-Malo, en avril 1943 par le gouvernement de Vichy, joua un rôle contrasté. Des unités furent employées contre des maquis et même envoyées aux côtés de la Milice contre le maquis du plateau des Glières en février 1944. Mais à Rennes, la moitié de leur armement fut transféré fin mai à la Milice, avec l’approbation du Kommandeur du SD et le préfet utilisa les GMR à des missions d’aide à la population, telles que des travaux de déblaiement après les bombardements de Fougères et de Montfort. A la Libération, à laquelle certains des GMR trouvèrent opportun de participer, 65% des membres furent maintenus en poste, mais 35 sur 188 furent révoqués ou radiés et 10 suspendus ou internés, soit un quart de l’effectif, le pourcentage le plus important après ceux des GMR d’Orléans et de Montpellier, et le Comité de libération fut résolu à procéder lui-même à l’épuration de cette unité qui deviendra la compagnie de réserve de Bretagne avec une unité basée à Rennes, la CRS 111. Le commandant du GMR "Bretagne", Pezeau, devant la cour de justice le 31 août 1945, fut acquitté compte tenu de son attitude pendant les derniers mois du régime et même félicité alors qu’il était accusé d’avoir participé à des opérations d’envergure avec arrestations de maquisards, et d’avoir incité ses hommes contre les maquisards des Glières dont 60 furent arrêtés. [10] Le sinistre milicien Émile Schwaller, coupable de pillage, tortures, arrestations et actes de guerre contre les maquis de Broualan et de Vieux-Vy-sur-Couesnon fut jugé et condamné à mort en juillet 1946.

pour les responsables, notamment de la presse sous l'Occupation

Le dernier numéro de l'Ouest-Eclair avait paru le 1er août, trois jours avant la libération de Rennes par les Américains. Son directeur Pierre Artur et son rédacteur en chef Henry Jan [11] furent arrêtés le 28 septembre 1944. En février 1946 Henry Jan bénéficia d'un non-lieu de la cour de justice de Rennes. Pierre Artur,Jean des Cognets Wikipedia-logo-v2.svg, directeur politique, et André Cochinal, auteur de nombreux articles collaborationnistes sous le pseudonyme de Jacques Favières, furent jugés par la cour de justice de Rennes, sous le chef d'inculpation de participation à « une entreprise de nature à favoriser les menées de l'ennemi et de sa propagande contre la France et ses alliés ». Pierre Artur fut acquitté du chef d'inculpation d'atteinte à la sûreté de l'État, mais condamné pour le reste à dix ans d'indignité nationale. Jean des Cognets et André Cochinal furent condamnés à deux ans de prison et à l'indignité nationale à vie. De même furent cités à comparaître devant la Cour de Justice, le 19 février 1946, 4 responsables du quotidien La Bretagne qui naquit début 1941. Jacques Guillemot, président du conseil d'administration de la société d'éditions bretonnes, fut condamné à deux ans de prison, à la dégradation nationale et à la confiscation de ses biens, et Yann Fouéré, enfui en Irlande, jugé par contumace, fut condamné aux travaux forcés à perpétuité et à la dégradation nationale (et fut déclaré non coupable, plus de neuf ans plus tard, par le tribunal permanent des forces armées de Paris en mai 1956). Quant au préfet régional Robert Martin il fut condamné aux travaux forcés à perpétuité par la cour de justice de Rennes le 22 octobre 1945 et l'intendant du maintien de l'ordre, Jean Tosello-Bancal, à 5 ans de prison.

Parfois pour les civils prévaudra la modération ; ainsi la chambre civique de Rennes, composée de la même manière que la Cour de Justice estimera que la sexualité n’est pas un motif de poursuites, considérant que les relations sexuelles avec un membre des troupes d’occupation ne constituent pas une aide à l’Allemagne. En Ille-et-Vilaine la comparution de femmes devant la cour de justice ne représenta que 18 % des comparutions alors qu’elles furent beaucoup plus nombreuses à comparaître dans les autres départements.


Quant aux anciens occupants, les prévenus sont jugés par un tribunal militaire, tels ces six soldats allemands présentés aux actualités cinématographiques du 20 juillet 1945, jugés à Rennes et dont cinq sont condamnés à mort pour assassinats de paysans non armés.

références

  1. Défense de la France du 13 août 1944
  2. Après la libération, les internées administratives au camp Margueritte
  3. L'Ille-et-Vilaine dans Buton P. et Guillon J-M, par M.-H. Butler et J. Sainclivier
  4. Claude Geslin, pour l'exemple, une condamnation précoce
  5. Le Barreau rennais dans la tourmente par François-Xavier Gosselin. Revue juridique de l'ouest, vol. 1, n° 4 - 1988
  6. Ouest-France, 5 octobre 1944
  7. Les Bretons au lendemain de l'Occupation, Imaginaire et comportement d'une sortie de guerre 1944-1945, par Luc Capdevila; PUR -1999
  8. Un Rennais, agent actif de la Gestapo, Guy Vissault
  9. La Bezen Perrot quitte Rennes
  10. Une police de Vichy, les groupes mobiles de réserve (1941-1944), par Alain Pinel, éd. L'Harmattan - 2004
  11. Censure