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« Un tueur en série à Rennes en 1824 » : différence entre les versions

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Ces restes provenaient des victimes d’un assassin célèbre connu à Rennes sous le nom de Poulain de Beauregard. Ils avaient été cherchés sans succès, en 1824, après la disparition d’un marchand de toile de Quintin (Côtes-d'Armor) et de plusieurs filles publiques de Rennes.
Ces restes provenaient des victimes d’un assassin célèbre connu à Rennes sous le nom de Poulain de Beauregard. Ils avaient été cherchés sans succès, en 1824, après la disparition d’un marchand de toile de Quintin (Côtes-d'Armor) et de plusieurs filles publiques de Rennes.


===Dans la maison de Lorette, un cadavre enterré===
===Dans la maison de Lorette, un cadavre sous dalles===
Poulain de Beauregard était arrivé à Rennes au commencement de 1824 et avait loué, route de Châtillon<ref>[[rue de Châtillon]]</ref>, non loin de l’auberge du ''Pot d’Etain'', une maison avec jardin qui portait le nom de propriété de ''Lorette'', assez belle maison isolée, à peu de distance de la ville.
Poulain de Beauregard était arrivé à Rennes au commencement de 1824 et avait loué, route de Châtillon<ref>[[rue de Châtillon]]</ref>, non loin de l’auberge du ''Pot d’Etain'', une maison avec jardin qui portait le nom de propriété de ''Lorette'', assez belle maison isolée, à peu de distance de la ville.


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L’absence prolongée de ce monsieur et la disparition d'autres personnes qu’on avait vu entrer chez Poulain de Beauregard, attirèrent l’attention de la justice. Une perquisition fut faite à la propriété de Lorette, qu’on trouva abandonnée, le locataire ayant  pris la clef des champs.
L’absence prolongée de ce monsieur et la disparition d'autres personnes qu’on avait vu entrer chez Poulain de Beauregard, attirèrent l’attention de la justice. Une perquisition fut faite à la propriété de Lorette, qu’on trouva abandonnée, le locataire ayant  pris la clef des champs.


Adolphe Orain donna une version très glauque et inexacte de la découverte de la victime :  des gendarmes auraient gardé la maison pendant quelques jours, afin de s’emparer de Poulain de Beauregard, dans le cas où il reviendrait. Installés dans la cuisine, et tout en fumant leurs pipes autour du foyer, ils auraient senti une odeur nauséabonde venant du parquet. L’un d’eux, avec son sabre, soulevant une brique du fond de l’âtre, aurait fait apparaître  des débris de chair humaine, le cadavre de Turmel, coupé par morceaux et "salé comme du lard dans un charnier".  <ref>''Au Pays de Rennes'', Adolphe Orain. éd. Hyacinthe Caillière - 1892.</ref>. En fait, les minutes du procès de Caen exposent que le fils de M. Turmel, inquiet de la disparition de son père, se rendit avec le commissaire de police à ''Lorette'' et que voyant le sol travaillé, il souleva une dalle et exhuma une main de M. Turmel père, puis les restes du cadavre ; une armoire contenait beaucoup d'objets de son père et l'on trouva une redingote lui appartenant. L'homme avait été tué d'un coup de pistolet. L’émotion fut vive à Rennes.
Adolphe Orain donna une version très glauque et inexacte de la découverte de la victime, retenant sans doute une version colportée, née d'imaginations rennaises de l'époque :  des gendarmes auraient gardé la maison pendant quelques jours, afin de s’emparer de Poulain de Beauregard, dans le cas où il reviendrait. Installés dans la cuisine, et tout en fumant leurs pipes autour du foyer, ils auraient senti une odeur nauséabonde venant du parquet. L’un d’eux, avec son sabre, soulevant une brique du fond de l’âtre, aurait fait apparaître  des débris de chair humaine, le cadavre de Turmel, coupé par morceaux et "salé comme du lard dans un charnier".  <ref>''Au Pays de Rennes'', Adolphe Orain. éd. Hyacinthe Caillière - 1892.</ref>. En fait, les minutes du procès de Caen exposent que le fils de M. Turmel, inquiet de la disparition de son père, se rendit avec le commissaire de police à ''Lorette'' et que voyant le sol travaillé, il souleva une dalle et exhuma une main de M. Turmel père, puis les restes du cadavre ; une armoire contenait beaucoup d'objets de son père et l'on trouva une redingote lui appartenant. L'homme avait été tué d'un coup de pistolet. L’émotion fut vive à Rennes.


Poulain de Beauregard était retourné en Normandie, où il fut arrêté à Saint-Lô, le 14 septembre 1824, "au moment où il se disposait à joindre le crime de bigamie à ceux qui pesaient déjà sur sa tête", car il était déjà marié et était père d'un garçon  - bonne couverture pour ses escroqueries  et ses assassinats de marchands. L'été de 1824, une psychose sévissait sur la ville de Caen à la suite de la découverte du corps d'une demoiselle Thouroude, fripière, et de nouveaux cadavres. Au mois d'avril 1815, celui  dont l'identité était en fait Pierre Lemaire de Clermont, 44 ans, né près de Bayeux, fut arrêté et écrivit ses mémoires en prison.  
Poulain de Beauregard était retourné en Normandie, où il fut arrêté à Saint-Lô, le 14 septembre 1824, "au moment où il se disposait à joindre le crime de bigamie à ceux qui pesaient déjà sur sa tête", car il était déjà marié et était père d'un garçon  - bonne couverture pour ses escroqueries  et ses assassinats de marchands. L'été de 1824, une psychose sévissait sur la ville de Caen à la suite de la découverte du corps d'une demoiselle Thouroude, fripière, et de nouveaux cadavres. Au mois d'avril 1815, celui  dont l'identité était en fait Pierre Lemaire de Clermont, 44 ans, né près de Bayeux, fut arrêté et écrivit ses mémoires en prison.  
===Jolie ''Lorette'' et jolie Rennaise ===
Dans ses mémoires il écrit : "''De retour à Rennes, je me présentai à la mairie où je me fis délivrer l'acte de naissance de Jean Poulain de Beauregard, né à Saint-Germain de Rennes, le 10 septembre 1785. [...] C'est sous ce nom que j'étais connu à Rennes. Je pris une chambre garnie rue St-Georges; je pus voir D... que je connaissais depuis longtemps et avec lequel j'étais toujours en relation; je pus aussi voir plusiers autres connaissances de bagne; mais je ne pus me promener dans la ville  avec ces derniers, à cause de leur mauvaise moralité. [...] J'eus connaissance que Lorette était à louer; j'en parlai à D... qui trouvait que cela nous convenait le mieux, étant isolée, à peu de distance de la ville, proche la place du Champ-de-Mars où se tiennent les foires. cette maison a toujours été destinée à loger des personnes du second rang et riches. Un pareil logement me mettait hors de soupçon [...] je crus prudent de conclure promptement avec la dame qui en est propriétaire: la première fois que je fus chez elle, elle me reçut avec toute la politesse et toute l'honnêteté possibles; elle m'engagea à retourner encore voir cette propriété qui est la plus jolie et la plus agréable de Rennes par sa situation et ses promenades : elle envoya une demoiselle qui la sert en qualité de cuisinière : j'étais parti un peu avant elle; je me promenai au Champ-de-Mars en l'attendant; elle y arriva peu d'instans après; en m'abordant elle me dit d'un air riant et gai: c'est sans doute moi que vous attendez, monsieur ? Oui, mademoiselle, lui dis-je. Nous fûmes ensemble à Lorette, elle me fit voir tous les appartemens de cette maison, le parterre, jardin et verger y attenant avec toutes les promenades et agrémens. La franchise et la bonté du cœur de cette personne, ainsi que son caractère, attirèrent mes regards et surent captiver mon cœur..''."


=== Au bord de la bigamie, à Rennes===
=== Au bord de la bigamie, à Rennes===
Dans ses mémoires, Poulain de Beauregard  narre qu'il était tombé amoureux, à Rennes, de la cuisinière de la propriétaire. "Pendant ce temps, plusieurs de mes associés et moi nous fîmes périr un marchand de toile : nous l'enterrâmes proche le chemin de Saint-Hellier, dans un pré, après lui avoir pris son argent et ses marchandises.[...] le 7 août nous exécutâmes, mes camarades et moi, le complot que nous avions formé de faire mourir M. Turmel."  Puis il va voir sa future, Anne Lemettayer, et "le 15 août 1824 nos bancs de mariage furent affichés à la mairie de Rennes et publiés à l'[[église Saint-Germain]], du même lieu ledit jour, pour première et dernière publication. J'avais obtenu une dispense pour les deux autres." Mais la découverte du cadavre  de Turmel contraint Poulain de Beauregard à fuir.
Poulain de Beauregard  narre qu'il était tombé amoureux, à Rennes, de la cuisinière de la propriétaire. "Pendant ce temps, plusieurs de mes associés et moi nous fîmes périr un marchand de toile : nous l'enterrâmes proche le chemin de Saint-Hellier, dans un pré, après lui avoir pris son argent et ses marchandises.[...] le 7 août nous exécutâmes, mes camarades et moi, le complot que nous avions formé de faire mourir M. Turmel."  Puis il va voir sa future, Anne Lemettayer, et "le 15 août 1824 nos bancs de mariage furent affichés à la mairie de Rennes et publiés à l'[[église Saint-Germain]], du même lieu ledit jour, pour première et dernière publication. J'avais obtenu une dispense pour les deux autres." Mais la découverte du cadavre  de Turmel contraint Poulain de Beauregard à fuir.
 
===Un tueur en série===
===Un tueur en série===
Libertin et escroc, il s'avéra qu'il avait été condamné en 1806 à 8 ans de travaux forcés et "à la marque" pour une affaire de faux, avait été mis à la chaîne à Bicêtre, le bagne parisien, et  avait été conduit au bagne de Brest, ce qui ne l'empêcha pas, une fois libéré, de devenir voleur professionnel dans une étonnante série de crimes crapuleux. Lors du procès, une femme témoigna que Lemaire, se disant au service d'un marquis de Beauregard, était venu chez elle en compagnie de  M. Turmel en vue d'acheter du bois et que celui-ci s'étant probablement rendu chez le marquis, n'avait pas reparu; on constata que Lemaire avait fait acheter une ''parroire'' (sorte de bêche) par l'homme qu'il employait comme jardinier; une aubergiste vit Beauregard avec une montre en or, celui-ci indiquant qu'il venait de gagner un procès et 6500 F ;  un employé du sieur Legendre, horloger à Rennes, déposa qu'un individu en redingote verte, disant se nommer Poulain de Beauregard, apporta une montre en or à réparer, montre qui est reconnue comme ayant appartenu à M. Turmel et M. Turmel fils reconnaîtra aussi une serviette marquée L.C, ayant enveloppé une redingote à réparer, qui avait été prise dans la maison de son père et appartenait à sa femme, née Lecamus.<ref>Procès de Lemaire de Clermont et de ses complices. Cour d'Assises de Caen. Imp. Poisson Caen - 1825.</ref>.
Libertin et escroc, il s'avéra qu'il avait été condamné en 1806 à 8 ans de travaux forcés et "à la marque" pour une affaire de faux, avait été mis à la chaîne à Bicêtre, la maison de force parisienne, et  avait été conduit au bagne de Brest, ce qui ne l'empêcha pas, une fois libéré, de devenir voleur professionnel dans une étonnante série de crimes crapuleux. Lors du procès, une femme témoigna que Lemaire, se disant au service d'un marquis de Beauregard, était venu chez elle en compagnie de  M. Turmel en vue d'acheter du bois et que celui-ci s'étant probablement rendu chez le marquis, n'avait pas reparu; on constata que Lemaire avait fait acheter une ''parroire'' (sorte de bêche) par l'homme qu'il employait comme jardinier; une aubergiste vit Beauregard avec une montre en or, celui-ci indiquant qu'il venait de gagner un procès et 6500 F ;  un employé du sieur Legendre, horloger à Rennes, déposa qu'un individu en redingote verte, disant se nommer Poulain de Beauregard, apporta une montre en or à réparer, montre qui est reconnue comme ayant appartenu à M. Turmel et M. Turmel fils reconnaîtra aussi une serviette marquée L.C, ayant enveloppé une redingote à réparer, qui avait été prise dans la maison de son père et appartenait à sa femme, née Lecamus.<ref>Procès de Lemaire de Clermont et de ses complices. Cour d'Assises de Caen. Imp. Poisson Caen - 1825.</ref>.


Le lundi 2 mai 1825, on lui signifie le rejet de son pourvoi en cassation et, le même jour, il est guillotiné sur la place de Caen, après une jeune fille condamnée  pour infanticide, devant une foule immense et excitée. <ref>''Histoire très monstrueuse de Lemaire de Clermont'', Claude Quetel, chargé de recherches au CNRS. IHMC, Caen. Annales de Normandie, Vol. 34, Numéro 4, pp. 421-430 - 1984.</ref>.
Le lundi 2 mai 1825, on lui signifie le rejet de son pourvoi en cassation et, le même jour, il est guillotiné sur la place de Caen, après une jeune fille condamnée  pour infanticide, devant une foule immense et excitée. <ref>''Histoire très monstrueuse de Lemaire de Clermont'', Claude Quetel, chargé de recherches au CNRS. IHMC, Caen. Annales de Normandie, Vol. 34, Numéro 4, pp. 421-430 - 1984.</ref>.


On chercha vainement à Rennes les restes des autres victimes du misérable, et ce ne fut que 28 ans plus tard, lorsque des travaux en vue de la construction de la gare remuèrent les terres du quartier, qu’on les découvrit. À la suite de cette tragédie plus personne ne voulut louer cette maison, rachetée par l'État qui en fit d'abord un magasin à poudre et l'inclut dans l'emprise de la gare de Rennes en voie d'aménagement.
On chercha vainement à Rennes les restes des autres victimes du misérable, et ce ne fut que 28 ans plus tard, lorsque lors de travaux en vue de la construction de la gare, on remua les terres du quartier, qu’on les découvrit. À la suite de cette tragédie plus personne ne voulut louer cette maison, rachetée par l'État qui en fit d'abord un magasin à poudre puis l'inclut dans l'emprise de la gare de Rennes en voie d'aménagement.


===références===
===références===
<references/>
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Version du 21 août 2017 à 13:31


Vers 1852, lorsqu’on effectua les travaux de terrassement en vue de l'arrivée du chemin de fer à Rennes, on découvrit plusieurs squelettes dans un champ situé au sud-est de la gare actuelle, dans la direction de l’entrée de la gare aux marchandises (boulevard Solférino).

Ces restes provenaient des victimes d’un assassin célèbre connu à Rennes sous le nom de Poulain de Beauregard. Ils avaient été cherchés sans succès, en 1824, après la disparition d’un marchand de toile de Quintin (Côtes-d'Armor) et de plusieurs filles publiques de Rennes.

Dans la maison de Lorette, un cadavre sous dalles

Poulain de Beauregard était arrivé à Rennes au commencement de 1824 et avait loué, route de Châtillon[1], non loin de l’auberge du Pot d’Etain, une maison avec jardin qui portait le nom de propriété de Lorette, assez belle maison isolée, à peu de distance de la ville.

Il fit la connaissance d’un M. Turmel, de Saint-Malo, qui venait souvent à Rennes. Il l’emmena à sa demeure de Lorette le 4 août 1824, et à partir de ce jour M. Turmel ne reparut plus.

L’absence prolongée de ce monsieur et la disparition d'autres personnes qu’on avait vu entrer chez Poulain de Beauregard, attirèrent l’attention de la justice. Une perquisition fut faite à la propriété de Lorette, qu’on trouva abandonnée, le locataire ayant pris la clef des champs.

Adolphe Orain donna une version très glauque et inexacte de la découverte de la victime, retenant sans doute une version colportée, née d'imaginations rennaises de l'époque : des gendarmes auraient gardé la maison pendant quelques jours, afin de s’emparer de Poulain de Beauregard, dans le cas où il reviendrait. Installés dans la cuisine, et tout en fumant leurs pipes autour du foyer, ils auraient senti une odeur nauséabonde venant du parquet. L’un d’eux, avec son sabre, soulevant une brique du fond de l’âtre, aurait fait apparaître des débris de chair humaine, le cadavre de Turmel, coupé par morceaux et "salé comme du lard dans un charnier". [2]. En fait, les minutes du procès de Caen exposent que le fils de M. Turmel, inquiet de la disparition de son père, se rendit avec le commissaire de police à Lorette et que voyant le sol travaillé, il souleva une dalle et exhuma une main de M. Turmel père, puis les restes du cadavre ; une armoire contenait beaucoup d'objets de son père et l'on trouva une redingote lui appartenant. L'homme avait été tué d'un coup de pistolet. L’émotion fut vive à Rennes.

Poulain de Beauregard était retourné en Normandie, où il fut arrêté à Saint-Lô, le 14 septembre 1824, "au moment où il se disposait à joindre le crime de bigamie à ceux qui pesaient déjà sur sa tête", car il était déjà marié et était père d'un garçon - bonne couverture pour ses escroqueries et ses assassinats de marchands. L'été de 1824, une psychose sévissait sur la ville de Caen à la suite de la découverte du corps d'une demoiselle Thouroude, fripière, et de nouveaux cadavres. Au mois d'avril 1815, celui dont l'identité était en fait Pierre Lemaire de Clermont, 44 ans, né près de Bayeux, fut arrêté et écrivit ses mémoires en prison.

Jolie Lorette et jolie Rennaise

Dans ses mémoires il écrit : "De retour à Rennes, je me présentai à la mairie où je me fis délivrer l'acte de naissance de Jean Poulain de Beauregard, né à Saint-Germain de Rennes, le 10 septembre 1785. [...] C'est sous ce nom que j'étais connu à Rennes. Je pris une chambre garnie rue St-Georges; je pus voir D... que je connaissais depuis longtemps et avec lequel j'étais toujours en relation; je pus aussi voir plusiers autres connaissances de bagne; mais je ne pus me promener dans la ville avec ces derniers, à cause de leur mauvaise moralité. [...] J'eus connaissance que Lorette était à louer; j'en parlai à D... qui trouvait que cela nous convenait le mieux, étant isolée, à peu de distance de la ville, proche la place du Champ-de-Mars où se tiennent les foires. cette maison a toujours été destinée à loger des personnes du second rang et riches. Un pareil logement me mettait hors de soupçon [...] je crus prudent de conclure promptement avec la dame qui en est propriétaire: la première fois que je fus chez elle, elle me reçut avec toute la politesse et toute l'honnêteté possibles; elle m'engagea à retourner encore voir cette propriété qui est la plus jolie et la plus agréable de Rennes par sa situation et ses promenades : elle envoya une demoiselle qui la sert en qualité de cuisinière : j'étais parti un peu avant elle; je me promenai au Champ-de-Mars en l'attendant; elle y arriva peu d'instans après; en m'abordant elle me dit d'un air riant et gai: c'est sans doute moi que vous attendez, monsieur ? Oui, mademoiselle, lui dis-je. Nous fûmes ensemble à Lorette, elle me fit voir tous les appartemens de cette maison, le parterre, jardin et verger y attenant avec toutes les promenades et agrémens. La franchise et la bonté du cœur de cette personne, ainsi que son caractère, attirèrent mes regards et surent captiver mon cœur..."

Au bord de la bigamie, à Rennes

Poulain de Beauregard narre qu'il était tombé amoureux, à Rennes, de la cuisinière de la propriétaire. "Pendant ce temps, plusieurs de mes associés et moi nous fîmes périr un marchand de toile : nous l'enterrâmes proche le chemin de Saint-Hellier, dans un pré, après lui avoir pris son argent et ses marchandises.[...] le 7 août nous exécutâmes, mes camarades et moi, le complot que nous avions formé de faire mourir M. Turmel." Puis il va voir sa future, Anne Lemettayer, et "le 15 août 1824 nos bancs de mariage furent affichés à la mairie de Rennes et publiés à l'église Saint-Germain, du même lieu ledit jour, pour première et dernière publication. J'avais obtenu une dispense pour les deux autres." Mais la découverte du cadavre de Turmel contraint Poulain de Beauregard à fuir.

Un tueur en série

Libertin et escroc, il s'avéra qu'il avait été condamné en 1806 à 8 ans de travaux forcés et "à la marque" pour une affaire de faux, avait été mis à la chaîne à Bicêtre, la maison de force parisienne, et avait été conduit au bagne de Brest, ce qui ne l'empêcha pas, une fois libéré, de devenir voleur professionnel dans une étonnante série de crimes crapuleux. Lors du procès, une femme témoigna que Lemaire, se disant au service d'un marquis de Beauregard, était venu chez elle en compagnie de M. Turmel en vue d'acheter du bois et que celui-ci s'étant probablement rendu chez le marquis, n'avait pas reparu; on constata que Lemaire avait fait acheter une parroire (sorte de bêche) par l'homme qu'il employait comme jardinier; une aubergiste vit Beauregard avec une montre en or, celui-ci indiquant qu'il venait de gagner un procès et 6500 F ; un employé du sieur Legendre, horloger à Rennes, déposa qu'un individu en redingote verte, disant se nommer Poulain de Beauregard, apporta une montre en or à réparer, montre qui est reconnue comme ayant appartenu à M. Turmel et M. Turmel fils reconnaîtra aussi une serviette marquée L.C, ayant enveloppé une redingote à réparer, qui avait été prise dans la maison de son père et appartenait à sa femme, née Lecamus.[3].

Le lundi 2 mai 1825, on lui signifie le rejet de son pourvoi en cassation et, le même jour, il est guillotiné sur la place de Caen, après une jeune fille condamnée pour infanticide, devant une foule immense et excitée. [4].

On chercha vainement à Rennes les restes des autres victimes du misérable, et ce ne fut que 28 ans plus tard, lorsque lors de travaux en vue de la construction de la gare, on remua les terres du quartier, qu’on les découvrit. À la suite de cette tragédie plus personne ne voulut louer cette maison, rachetée par l'État qui en fit d'abord un magasin à poudre puis l'inclut dans l'emprise de la gare de Rennes en voie d'aménagement.

références

  1. rue de Châtillon
  2. Au Pays de Rennes, Adolphe Orain. éd. Hyacinthe Caillière - 1892.
  3. Procès de Lemaire de Clermont et de ses complices. Cour d'Assises de Caen. Imp. Poisson Caen - 1825.
  4. Histoire très monstrueuse de Lemaire de Clermont, Claude Quetel, chargé de recherches au CNRS. IHMC, Caen. Annales de Normandie, Vol. 34, Numéro 4, pp. 421-430 - 1984.