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===Chasse aux "collabos" et exécutions===
===Chasse aux "collabos" et exécutions===

Version du 23 décembre 2012 à 11:48


Photo par un reporter américain USIS (United States Information Service) prise " à l'instant où les balles d'un peloton d'exécution français atteignent un Français qui a collaboré avec les Allemands - Hines"

Chasse aux "collabos" et exécutions

Passés les premiers jours après la libération, jours de liesse mais aussi de vindicte contre les « collabos » dont certains sont malmenés, des femmes tondues ou marquées de goudron, la prise en main par le Comité départemental de libération va avoir pour résultat de mettre de l’ordre dans la rue et à l’abri les citoyens accusés à raison, parfois à tort, de collaboration avec l’occupant, allant de la collaboration économique, « horizontale » pour des femmes, à la dénonciation de résistants ou à la collaboration armée aux côtés de la police ou de l’armée allemande, mais pour ce dernier type de collaboration, les principaux responsables ont fui dans les fourgons de leurs maîtres. Le comité de libération instruit des cas en liaison avec le préfet et agit comme un groupe de pression, limitant ses ambitions à l'épuration.[1]

Une douzaine d’exécutions auront lieu, telle celle d’un collaborateur, par une peloton de gendarmes, photographiée à Rennes par un reporter, Himes, du service d’information des Etats-Unis ( U.S.I.S), le 21 novembre 1944, neuf jours avant la mise en place de la Cour de justice à Rennes. Le lendemain Edouard Germonprez, condamné à mort pour trahison, informateur du SD, est exécuté.

Décembre 1944 : Cour de justice et chambre civique

pour les complices armés de l'occupant

L’Ouest-France de ce même 21 novembre donne la liste des 20 jurés de la section d'Ille-et-Vilaine de la Cour de justice de Rennes, choisis par un magistrat et deux délégués du Comité départemental de Libération, appelés à siéger pendant le mois de décembre à la Cour de justice, 13 sont rennais, dont une femme, comme pour les 20 jurés de la chambre civique, et la date de la première audience de la Cour de justice est fixée au vendredi Ier décembre, salle de la Cour d’assises avec un magistrat qui préside et 4 jurés tirés au sort. Il s’avérera que la ville de Rennes totalisa 52% des 1520 personnes domiciliées dans le département qui furent traduites devant la Cour de justice ou la chambre civique.[2]

Au total, sur 86 condamnations à mort prononcées par la cour de justice de Rennes, 19 ont été exécutées, sanctionnant parfois dans les premiers temps des hommes dont les chefs s'étaient mis à l’abri. En fait, sur les 19 condamnés à mort par la section départementale d'Ille-et-Vilaine de la Cour de justice de Rennes et effectivement exécutés, 7 étaient membres du GAJS (groupe d'action pour la justice sociale) spécialistes de la lutte contre le maquis, et 2 des miliciens de la Selbstschutspolizei arrivés à Rennes en mai 1944. Seront ainsi exécutés des collaborateurs, des membres du groupe d’action du PPF, Guy Vissault de Coëtlogon, le 24 avril 1945, assistant armé du SD allemand, Claude Garavel (P.P.F.), le milicien Roger Le Neuf, bourreaux de maquisards de Broualan, le sinistre milicien Emile Schwaller, Léon Jasson de la Bezen Perrot en juillet 1946. [3]

Un G.M.R Bretagne, groupe mobile de réserve, installé à Rennes, à l'école nationale d'instituteurs, route de Saint-Malo, en avril 1943 par le gouvernement de Vichy, joua un rôle contrasté. Des unités furent employées contre des maquis et même envoyées aux côtés de la Milice contre le maquis du plateau des Glières en février 1944. Mais à Rennes, la moitié de leur armement fut transféré fin mai à la Milice, avec l’approbation du Kommandeur du SD et le préfet utilisa les GMR à des missions d’aide à la population, telles que des travaux de déblaiement après les bombardements de Fougères et de Montfort. A la Libération, à laquelle certains des GMR trouvèrent opportun de participer, 65% des membres furent maintenus en poste, mais 35 sur 188 furent révoqués ou radiés et 10 suspendus ou internés, soit un quart de l’effectif, le pourcentage le plus important après ceux des GMR d’Orléans et de Montpellier, et le Comité de libération fut résolu à procéder lui-même à l’épuration de cette unité qui deviendra la Compagnie de réserve de Bretagne avec une unité basée à Rennes, la CRS 111. Le commandant du GMR Bretagne, devant la Cour de justice le 31 août 1945, fut acquitté compte tenu de son attitude pendant les derniers mois du régime et même félicité alors qu’il était accusé d’avoir participé à des opérations d’envergure avec arrestations de maquisards, et d’avoir incité ses hommes contre les maquisards des Glières dont 60 furent arrêtés. [4]

pour les responsables, notamment de la presse sous l'Occupation

Le dernier numéro de l'Ouest-Eclair avait paru le Ier août, trois jours avant la libération de Rennes par les Américains. Son directeur Pierre Artur et son rédacteur en chef Henry Jan furent arrêtés le 28 septembre 1944. En février 1946 Henry Jan bénéficia d'un non-lieu de la Cour de justice de Rennes.. Pierre Artur, Jean des Cognets, directeur politique, et André Cochinal, auteur de nombreux articles collaborationnistes sous le pseudonyme de Jacques Favières, furent jugés par la Cour de justice de Rennes, sous le chef d'inculpation de participation à « une entreprise de nature à favoriser les menées de l'ennemi et de sa propagande contre la France et ses alliés ». Pierre Artur fut acquitté du chef d'inculpation d'atteinte à la sûreté de l'État, mais condamné pour le reste à dix ans d'indignité nationale. Jean des Cognets et André Cochinal furent condamnés à deux ans de prison et à l'indignité nationale à vie. De même furent cités à comparaître devant la Cour de justice, le 19 février 1946, 4 responsables du quotidien La Bretagne qui naquit début 1941.Jacques Guillemot, président du conseil d'administration de la société d'éditions bretonnes, fut condamné à deux ans de prison, à la dégradation nationale et à la confiscation de ses biens, et Yann Fouéré, enfui en Irlande, jugé par contumace, fut condamné aux travaux forcés à perpétuité et à la dégradation nationale (et fut déclaré non coupable, plus de neuf ans plus tard, par le tribunal permanent des forces armées de Paris en mai 1956). Quant au préfet régional Robert Martin il fut condamné aux travaux forcés à perpétuité par la Cour de justice de Rennes le 22 octobre 1945 et l'intendant du maintien de l'ordre, Jean Tosello-Bancal, à 5 ans de prison.


Parfois pour les civils prévaudra la modération ; ainsi la chambre civique de Rennes estimera que la sexualité n’est pas un motif de poursuites, considérant que les relations sexuelles avec un membre des troupes d’occupation ne constituent pas une aide à l’Allemagne. En Ille-et-Vilaine la comparution de femmes devant la cour de justice ne représenta que 18 % des comparutions alors qu’elles furent beaucoup plus nombreuses à comparaître dans les autres départements.


Quant aux anciens occupants, les prévenus sont jugés par un tribunal militaire, tels ces six soldats allemands présentés aux actualités cinématographiques du 20 juillet 1945, jugés à Rennes et dont cinq sont condamnés à mort pour assassinats de paysans non armés.

références

  1. L'Ille-et-Vilaine dans Buton P. et Guillon J-M, par M.-H. Butler et J. Sainclivier
  2. Les Bretons au lendemain de l'Occupation, Imaginaire et comportement d'une sortie de guerre 1944-1945, par Luc Capdevila; PUR -1999
  3. La Bezen Perrot quitte Rennes
  4. Une police de Vichy, les groupes mobiles de réserve (1941-1944), par Alain Pinel, éd. L'Harmattan - 2004