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J’ai appris que le professeur qui enseigne la musique à notre école communale « Victor Rault » est violoniste de son état, au théâtre de Rennes. J’ai pu l’apercevoir dans la fosse d’orchestre, quand nous sommes allés assister en famille, à la représentation d’une opérette | J’ai appris que le professeur qui enseigne la musique à notre école communale « Victor Rault » est violoniste de son état, au [[Opéra|théâtre de Rennes]]. J’ai pu l’apercevoir dans la fosse d’orchestre, quand nous sommes allés assister en famille, à la représentation d’une opérette d’{{w|André Messager}} "Monsieur Beaucaire". | ||
Nous sommes en 1947 ou 1948, je ne peux préciser exactement l’année, j’ai entre dix et onze ans. | Nous sommes en 1947 ou 1948, je ne peux préciser exactement l’année, j’ai entre dix et onze ans. | ||
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'''''Le décès de Guy Busnel''''' | '''''Le décès de Guy Busnel''''' | ||
Devant notre baraque la n°5, il y a la n°3, où habite la famille Busnel avec trois garçons. L’aîné, un bel adolescent de 16 ans, à l’avenir prometteur, consacre une partie de ses loisirs au maquettisme. Il partage cette activité avec un camarade, étudiant comme lui. Ils s’appliquent à faire voler des avions miniatures fabriqués avec du balsa et propulsés à l’aide d’un élastique. Ils s’exercent entre les baraques du camp, mais l’espace de cet endroit est insuffisant. Il leur en faut beaucoup plus pour faire évoluer leurs engins dans les airs. Ils choisissent le terrain d’aviation de Saint-Jacques-de-la-Lande. Au cours d’un des vols d’essai, ils sont imprudents, ils manipulent un engin de guerre abandonné qui, en explosant, les blesse grièvement tous les deux. Guy décède à l’hôpital de | Devant notre baraque la n°5, il y a la n°3, où habite la famille Busnel avec trois garçons. L’aîné, un bel adolescent de 16 ans, à l’avenir prometteur, consacre une partie de ses loisirs au maquettisme. Il partage cette activité avec un camarade, étudiant comme lui. Ils s’appliquent à faire voler des avions miniatures fabriqués avec du balsa et propulsés à l’aide d’un élastique. Ils s’exercent entre les baraques du camp, mais l’espace de cet endroit est insuffisant. Il leur en faut beaucoup plus pour faire évoluer leurs engins dans les airs. Ils choisissent le terrain d’aviation de Saint-Jacques-de-la-Lande. Au cours d’un des vols d’essai, ils sont imprudents, ils manipulent un engin de guerre abandonné qui, en explosant, les blesse grièvement tous les deux. Guy décède à l’hôpital de l’[[hôtel-Dieu]] de Rennes le 25 octobre 1947. Son cercueil demeure chez lui, quelques jours, dans une pièce de la baraque 3 dont un drap noir de deuil recouvre la façade. En haut, au centre du drap noir, un écusson porte les initiales GB. Je suis allé lui rendre une dernière visite. Une brave dame, dévouée, connue en bien dans le camp, le veille. Elle me dit très doucement de m’approcher. Elle m’invite à baiser le front du défunt. J’hésite, mais la brave dame insiste très gentiment ''« Tu dois le faire pour lui dire adieu ».'' La tête de Guy est toute entourée de bandelettes blanches, je me penche, il n’est pas aisé de trouver un endroit non recouvert pour y déposer mon baiser. | ||
'''''Une hiérarchie des trois camps autoproclamée par les enfants.''''' | '''''Une hiérarchie des trois camps autoproclamée par les enfants.''''' | ||
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Des instituteurs surveillent les enfants pendant les repas, ils déjeunent à une table légèrement en retrait. Cette table que j’ai tant vue, souvent observée, que j’interprétais alors, comme le siège du savoir et de l’autorité, réservée à une élite, m’accueille un jour pour un repas. C’est à l’occasion d’une permission quand j’étais militaire. Les instituteurs présents sont les mêmes, les dames de service aussi. L’accueil est presque familial dans cette cantine où j’ai déjeuné pendant huit années. Le brouhaha provoqué par les discussions des enfants et par les couverts qui s’entrechoquent est important. Je suis tout surpris de me retrouver là. Quand les décibels augmentent inconsidérément dans la grande salle, c’est en général monsieur Lebreuil qui se lève pour rétablir le calme. Rien n’a changé. Jadis, je faisais partie de ceux qu’il fallait rappeler à l’ordre. La table des maîtres est maintenant démystifiée! | Des instituteurs surveillent les enfants pendant les repas, ils déjeunent à une table légèrement en retrait. Cette table que j’ai tant vue, souvent observée, que j’interprétais alors, comme le siège du savoir et de l’autorité, réservée à une élite, m’accueille un jour pour un repas. C’est à l’occasion d’une permission quand j’étais militaire. Les instituteurs présents sont les mêmes, les dames de service aussi. L’accueil est presque familial dans cette cantine où j’ai déjeuné pendant huit années. Le brouhaha provoqué par les discussions des enfants et par les couverts qui s’entrechoquent est important. Je suis tout surpris de me retrouver là. Quand les décibels augmentent inconsidérément dans la grande salle, c’est en général monsieur Lebreuil qui se lève pour rétablir le calme. Rien n’a changé. Jadis, je faisais partie de ceux qu’il fallait rappeler à l’ordre. La table des maîtres est maintenant démystifiée! | ||
Avec monsieur Rébillon, et monsieur Lebreuil il y a Messieurs Pain <ref> nom, dont l'orthographe n'est pas certaine </ref> et Masson du cercle Paul Bert. Monsieur Masson est un sportif averti et bon footballeur. Il assure dans beaucoup d’écoles primaires le remplacement des maîtres absents ou le jour de congé des directeurs. | Avec monsieur Rébillon, et monsieur Lebreuil il y a Messieurs Pain <ref> nom, dont l'orthographe n'est pas certaine </ref> et Masson du [[cercle Paul Bert]]. Monsieur Masson est un sportif averti et bon footballeur. Il assure dans beaucoup d’écoles primaires le remplacement des maîtres absents ou le jour de congé des directeurs. | ||
Les dames de services sont des dames éminemment gentilles. Elles savent que notre table, en particulier, est entourée d’estomacs insatiables, elles nous surnomment la table des Morfales. Elles ne manquent pas de nous servir du rab, surtout en dessert et encore plus quand il s’agit de riz au lait. Pour le poisson du vendredi, je n’en redemande pas. J’ai retenu le nom de l’une d’entre elles, madame Pottier, parfois un peu bourrue car elle ne s’en laisse pas conter par la bande de galopins que nous sommes. | Les dames de services sont des dames éminemment gentilles. Elles savent que notre table, en particulier, est entourée d’estomacs insatiables, elles nous surnomment la table des Morfales. Elles ne manquent pas de nous servir du rab, surtout en dessert et encore plus quand il s’agit de riz au lait. Pour le poisson du vendredi, je n’en redemande pas. J’ai retenu le nom de l’une d’entre elles, madame Pottier, parfois un peu bourrue car elle ne s’en laisse pas conter par la bande de galopins que nous sommes. | ||
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