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===Juin et juillet 1944===
===Juin et juillet 1944===


Dès le 6 juin, l'annonce du débarquement des alliés en Normandie a des effets immédiats à Rennes. Les [[bombardements des 9 et 12 juin 1944]] déclenchent un affolement qui s'avérera prématuré de près de deux mois, chez les Allemands : des troupes commencent à quitter Rennes. Les soldats prennent partout les bicyclettes. Des officiers partent en auto, en camions, emportant leurs valises. Les "souris grises" ont été embarquées en camions . "Ils partent ! Personne n'en croit ses yeux." Les routes sont barrées par les Allemands, ce qui a empêché l'arrivée du ravitaillement. La ville est sans lait."<ref> ''Les Heureuses douloureuses de Rennes'', par V. Ladam. Imp. Les Nouvelles </ref> et il y eut le [[18 juin 1944 : un dimanche ensoleillé et des bombes]].
''Dès le 6 juin, l'annonce du débarquement des alliés en Normandie a des effets immédiats à Rennes. Les [[bombardements des 9 et 12 juin 1944]] déclenchent un affolement qui s'avérera prématuré de près de deux mois, chez les Allemands : des troupes commencent à quitter Rennes. Les soldats prennent partout les bicyclettes. Des officiers partent en auto, en camions, emportant leurs valises. Les "souris grises" ont été embarquées en camions . "Ils partent ! Personne n'en croit ses yeux." Les routes sont barrées par les Allemands, ce qui a empêché l'arrivée du ravitaillement. La ville est sans lait."<ref> ''Les Heureuses douloureuses de Rennes'', par V. Ladam. Imp. Les Nouvelles </ref> et il y eut le [[18 juin 1944 : un dimanche ensoleillé et des bombes]].


Dans la matinée du 7 juillet, l'armée allemande s'était livrée à des tirs d'artillerie à diverse entrées de Rennes : notamment au nord de Saint-Grégoire vers Montgermont (route de Saint-Malo), de la route de Fougères en direction de Liffré, vers Thorigné, au sud du Rheu et au nord-ouest de Pacé (route de Saint-Brieuc), de Chantepie à Cesson (route de Paris). La population avait été avertie la veille que l'accès à ces terrains serait interdit et qu'il y avait danger de mort à y pénétrer<ref> L'Ouest-Eclair du 6 juillet 1944</ref>.
Dans la matinée du 7 juillet, l'armée allemande s'était livrée à des tirs d'artillerie à diverse entrées de Rennes : notamment au nord de Saint-Grégoire vers Montgermont (route de Saint-Malo), de la route de Fougères en direction de Liffré, vers Thorigné, au sud du Rheu et au nord-ouest de Pacé (route de Saint-Brieuc), de Chantepie à Cesson (route de Paris). La population avait été avertie la veille que l'accès à ces terrains serait interdit et qu'il y avait danger de mort à y pénétrer<ref> L'Ouest-Eclair du 6 juillet 1944</ref>.
Les troupes allemandes avaient commencé à quitter la ville dans les derniers jours de juillet: "''au cours de la nuit du 30 au 31, les officiers de la Feldkommandantur sont partis précipitamment, emportant leurs bagages. Des convois traversent la ville mais, dans les voitures, il n'y a plus que des colis, ni armes, ni munitions''"<ref> ''Les Heures douloureuses de Rennes'', par V. Ladam. imp. Les Nouvelles</ref>. Les Allemands accentuent leur replis le Ier et le 2 août.<ref>[[Notes d'un vieux rennais pendant les jours précédant la libération de Rennes]]</ref> Cependant le colonel Eugen Koenig y commande deux bataillons de recrues amenés du Mans dans la nuit du 1 au 2, s'ajoutant aux restes de la 91e division aéroportée amenés par le général Fahrmbacher "''pour défendre Rennes, une ville commerciale de 80000 h. [...] considérée par certains comme la ville la plus laide du pays''" (!). Cette appréciation américaine a sa source dans un guide britannique de 1895 et fut reprise ensuite dans divers guides de langue anglaise : dans son ''North-Western France''  Augustus J.-C. Hare qualifiait Rennes de "ville la plus morne de même qu'elle est presque la plus laide du pays"<ref> ''Rennes dans les guides de voyage du XIXe siècle'', par Étienne Maignen. Bulletin et mémoires de la Sté archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine. t. CXII -2008 </ref>
Les troupes allemandes avaient commencé à quitter la ville dans les derniers jours de juillet: "''au cours de la nuit du 30 au 31, les officiers de la Feldkommandantur sont partis précipitamment, emportant leurs bagages. Des convois traversent la ville mais, dans les voitures, il n'y a plus que des colis, ni armes, ni munitions''"<ref> ''Les Heures douloureuses de Rennes'', par V. Ladam. imp. Les Nouvelles</ref>. Les Allemands accentuent leur replis le Ier et le 2 août.<ref>[[Notes d'un vieux rennais pendant les jours précédant la libération de Rennes]]</ref> Cependant le colonel Eugen Koenig y commande deux bataillons de recrues amenés du Mans dans la nuit du 1 au 2, s'ajoutant aux restes de la 91e division aéroportée amenés par le général Fahrmbacher "''pour défendre Rennes, une ville commerciale de 80000 h. [...] considérée par certains comme la ville la plus laide du pays''" (!). Cette appréciation américaine a sa source dans un guide britannique de 1895 et fut reprise ensuite dans divers guides de langue anglaise : dans son ''North-Western France''  Augustus J.-C. Hare qualifiait Rennes de "ville la plus morne de même qu'elle est presque la plus laide du pays"<ref> ''Rennes dans les guides de voyage du XIXe siècle'', par Étienne Maignen. Bulletin et mémoires de la Sté archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine. t. CXII -2008 </ref>''
[[File:John_Shirley_Wood.jpg|150px|right|thumb|Major General John Shirley Wood, commandant de la 4th Armored Division; (''de Wikimedia Commons'')]]
[[File:John_Shirley_Wood.jpg|150px|right|thumb|Major General John Shirley Wood, commandant de la 4th Armored Division; (''de Wikimedia Commons'')]]
===1er août, coup sévère à Maison-Blanche===
===1er août, coup sévère à Maison-Blanche===
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==== Les Allemands font mouche : de lourdes pertes====
==== Les Allemands font mouche : de lourdes pertes====
[[File:FranceNormandieRanvilleMuséeHalfTrackM3A1.jpg|FranceNormandieRanvilleMuséeHalfTrackM3A1|250px|left|thumb|Autochenille de 1944]]
[[File:FranceNormandieRanvilleMuséeHalfTrackM3A1.jpg|FranceNormandieRanvilleMuséeHalfTrackM3A1|250px|left|thumb|Autochenille de 1944]]
A 15 heures le secteur est atteint par des tirs de la batterie de Flak de Chantepie, les chars avancent et sont en butte aux tirs allemands. Le commandant du bataillon, le lieutenant-colonel Kirkpatrick et l’officier commandant le bataillon de chars 37, le capitaine Tiegs, sont atteints en terrain dégagé pendant le tir de barrage et un obus éclata au-dessus de leurs têtes, blessant sérieusement les deux officiers. Le major Arthur L. West, qui se tenait près de Kirkpatrick lorsqu’il fut touché par l’obus, prit le commandement du 10e bataillon d’infanterie blindée et le Ier lieutenant Leach reçut le commandement du 37e bataillon. La division blindée perdit 11 chars sur 25 et 3 autochenilles touchées par la batterie de DCA œuvrant à tir tendu.<ref> [[Herbert R. Bachant, un libérateur mort devant Rennes]]</ref>. Les troupes américaines se retirent de plusieurs kilomètres sous couvert d'un rideau de fumée et des P.47 Thunderbolts (le chiffre de 30 est cité) pilonneront les positions de DCA allemande.
A 15 heures le secteur est atteint par des tirs de la batterie de Flak de Chantepie, les chars avancent et sont en butte aux tirs allemands. Le commandant du bataillon, le lieutenant-colonel Kirkpatrick et l’officier commandant le bataillon de chars 37, le capitaine Tiegs, sont atteints en terrain dégagé pendant le tir de barrage et un obus éclata au-dessus de leurs têtes, blessant sérieusement les deux officiers. Le major Arthur L. West, qui se tenait près de Kirkpatrick lorsqu’il fut touché par l’obus, prit le commandement du 10e bataillon d’infanterie blindée et le Ier lieutenant Leach reçut le commandement de la compagnie du 37e bataillon de chars.
 
La division blindée perdit 11 chars sur 25 et 3 semi-chenillés touchés par la batterie de DCA œuvrant à tir tendu.<ref> [[Herbert R. Bachant, un libérateur mort devant Rennes]]</ref>. Les troupes américaines se retirent de plusieurs kilomètres sous couvert d'un rideau de fumée et des P.47 Thunderbolts (le chiffre de 30 est cité) pilonneront les positions de DCA allemande.
[[Fichier:Char_a_maison_blanche.jpg|200px|tight|thumb|Au milieu des pommiers, un char frappé par un tir de canon allemand de 88 mm]]
[[Fichier:Char_a_maison_blanche.jpg|200px|tight|thumb|Au milieu des pommiers, un char frappé par un tir de canon allemand de 88 mm]]
====''Un témoignage sur le combat de Maison Blanche''====
==== Le combat de Maison Blanche : un "fiasco''====


« ... Puis, à Ducey, je fus rattaché au 10 e bataillon d’infanterie blindé, ils étaient bien équipés et on poussa sur Rennes. Ils me mirent un chalumeau au cul pour me bouger et ceux du 53e il fallait aussi leur bouger le cul. En arrivant sur Rennes, il y avait deux buttes  par ici sur le côté (NDRL : ''la présence de buttes n'est pas avérée'') et des baraquements au pied de ces buttes. On appelle ça « exploitation et poursuite » : vous foncez dans l’ennemi à l’occasion mais vous n’êtes pas censé engager le combat avec l’ennemi latéral, on tire dessus mais on continue de rouler. Donc on passait à côté et je tire sur ces soldats qui sortaient des baraques et courraient vers ces buttes. Eh bien, ces buttes étaient des emplacements de canons de 88 mm antiaériens, des vrais, tous les deux.  Alors je leur tire dessus et je fonce parce qu’on était en tête et qu’on devait foncer et j’étais chef de section, Tiegs capitaine,  et nous voilà dans les haies de Rennes, notre colonne en arrière sur la route et voilà ces canons de 88 mm qui tirent sur la colonne le long de la route : pchi, pchi [...] Je me souviens de ce chef de section de mortiers du 10 e qui grimpa sur un arbre pour diriger les tirs de mortier et alors qu’il était en haut sur l’arbre les Allemands  descendirent l’arbre sous lui et il tomba par terre. On s’est foutu de lui pendant longtemps. Finalement la 35 e blindée l’emporta et les neutralisa."      Jimmie Leach'' <ref> James Herbert "Jimmie" Leach, lieutenant d'infanterie blindée, de ''Breakout'' (traduction Étienne Maignen)</ref>. Ce témoignage semble un peu simpliste et "arrangé" quant à sa chute au vu du déroulement du combat.
La preuve du fiasco est dans des entretiens du 20 octobre 1944 où s'exprimèrent des commandants d'unités. Les capitaines Vincent J. Boller, commandant la Cie B du 35e bataillon de chars et le capitaine Boller et  Crosby P. Miller, qui commandait la Cie C, en présence des  capitaines Kenneth E. Brice, alors chef de la 1re section de la Cie C, Joseph F. Bra dy, alors commandant de la Cie D,  et Joseph S. Ridley commandant la Cie de commandement, furent amenés à s’expliquer sur l’action en général.  Ils le firent « avec la jovialité d’hommes qui ont ressenti qu’ils avaient échappé à des destins écrits par cette putain de dame la chance. Dans un sens le temps écoulé avait libéré leur expression puisque les conséquences immédiates du fiasco avaient été déterminées. Cependant il y avait encore la crainte de « monter sur les pieds de quelqu’un » et le capitaine  Boller en particulier éluda en partie des questions qui auraient pu prouver une responsabilité dans la défaite… » <ref> Collection d'entretiens d'officiers de la 4e division blindée américaine, déclassés par la National Archives and Records Administration (NARA) en novembre 1987 </ref>


On comparera avec le récit donné par le lieutenant Jimmie Leach, erroné et "arrangé" quant à sa chute, un exemple parmi les nombreuses relations américaines du combat, toutes irréelles.


Les Allemands avaient bien tenté de paralyser l'effort américain par des frappes aériennes mais ne réussirent qu'à perdre trois appareils irremplaçables.<ref> ''Operation Cobra''. CSI Fort Leavenworth, Kansas</ref> Wood attend des renforts en hommes, vivres, carburant et munitions.  Le général Wood amorce, le 3, avec une partie de ses troupes des groupes de combat A et B, parties de Saint-Aubin d'Aubigné, un large débordement de Rennes par l'ouest, par Melesse, Montfort, Talensac, Lohéac, Maure, et Bain-de-Bretagne sera atteint le 3 août en début d'après-midi.<ref> ''Premier août 1944, coup de frein à la Libération de Rennes, une incroyable rencontre''
« ... Puis, à Ducey, je fus rattaché au 10 e bataillon d’infanterie blindé, ils étaient bien équipés et on poussa sur Rennes.  Ils me mirent un chalumeau au cul pour me bouger et ceux du 53e il fallait aussi leur bouger le cul. En arrivant sur Rennes, il y avait deux buttes  par ici sur le côté (NDRL : ''la présence de buttes n'est pas avérée'') et des baraquements au pied de ces buttes. On appelle ça « exploitation et poursuite » :  vous foncez dans l’ennemi à l’occasion mais vous n’êtes pas censé engager le combat avec l’ennemi latéral, on tire dessus mais on continue de rouler. Donc on passait à côté et je tire sur ces soldats qui sortaient des baraques et courraient vers ces buttes. Eh bien, ces buttes étaient des emplacements de canons de 88 mm antiaériens, des vrais,  tous les deux.  Alors je leur tire dessus et je fonce parce qu’on était en tête et qu’on devait foncer et j’étais chef de section, Tiegs capitaine,  et nous voilà dans les haies de Rennes, notre colonne en arrière sur la route et voilà ces canons de 88 mm qui tirent sur la colonne le long de la route : pchi, pchi [...] Je me souviens de ce chef de section de mortiers du 10 e qui grimpa sur un arbre pour diriger les tirs de mortier et alors qu’il était en haut sur l’arbre les Allemands  descendirent l’arbre sous lui et il tomba par terre. On s’est foutu de lui pendant longtemps. Finalement la 35 e blindée l’emporta et les neutralisa."      Jimmie Leach'' <ref> James Herbert "Jimmie" Leach, lieutenant d'infanterie blindée, de ''Breakout'' (traduction Étienne Maignen)</ref>.
, Etienne Maignen. Bulletin et Mémoires de la Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine (SAHIV), p. 287 à 312 - 2016</ref>
Les Allemands avaient bien tenté ensuite de paralyser l'effort américain par des frappes aériennes mais ne réussirent qu'à perdre trois appareils irremplaçables.<ref> ''Operation Cobra''. CSI Fort Leavenworth, Kansas</ref> Wood attend des renforts en hommes, vivres, carburant et munitions.  Le général Wood amorça, le 3, avec une partie de ses troupes des groupes de combat A et B, parties de Saint-Aubin d'Aubigné, un large débordement de Rennes par l'ouest, par Melesse, Montfort, Talensac, Lohéac, Maure, et Bain-de-Bretagne sera atteint le 3 août en début d'après-midi.<ref> ''Premier août 1944, coup de frein à la Libération de Rennes, une incroyable rencontre'', Etienne Maignen. Bulletin et Mémoires de la Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine (SAHIV), p. 287 à 312 - 2016</ref>  
La ville de Rennes reçoit pendant trois jours par intermittence des obus, probablement pour tenter de convaincre l'ennemi de la quitter.<ref> [[notes d'un vieux rennais pendant les jours précédant la libération de Rennes]]</ref> La [[libération de Rennes]] se sera effective que le 4 août. Questionné par [[Yves Milon]] en octobre 1945, sur ces tirs d'obus, le général Patton aurait répondu avec son humour : "Avant d'entrer chez quelqu'un, on frappe toujours." '''*'''
La ville de Rennes reçoit pendant trois jours par intermittence des obus, probablement pour tenter de convaincre l'ennemi de la quitter.<ref> [[notes d'un vieux rennais pendant les jours précédant la libération de Rennes]]</ref> La [[libération de Rennes]] se sera effective que le 4 août. Questionné par [[Yves Milon]] en octobre 1945, sur ces tirs d'obus, le général Patton aurait répondu avec son humour : "Avant d'entrer chez quelqu'un, on frappe toujours." '''*'''


Les jours suivants, les Rennais iront nombreux à Saint-Laurent et Maison-Blanche voir les vestiges des combats.
Les jours suivants, les Rennais iront nombreux à Saint-Laurent et Maison-Blanche voir les vestiges des combats.<ref> ''1er-4 août 1944, l'étrange libération de Rennes'', 'Etienne Maignen. Editions  Yellow Concept. -2017</ref>


===Références===
===Références===
<references/>
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