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Cette canaille seroint ensuitte allée au haut de la Fillandrie à un autre bureau du Domainne où ilz auroint encor faict plusieurs désordres; lors de quoy un nommé Jan Bernier, tourneur et vandeur d'oranges, fut tué d'un coup de fuzil, dans ladicte rue, le valet de la petitte Harpe aussy tué, et cinq autres blessez à mort, depuis décedez et plusieurs autres encor blessez.
Cette canaille seroint ensuitte allée au haut de la Fillandrie à un autre bureau du Domainne où ilz auroint encor faict plusieurs désordres; lors de quoy un nommé Jan Bernier, tourneur et vandeur d'oranges, fut tué d'un coup de fuzil, dans ladicte rue, le valet de la petitte Harpe aussy tué, et cinq autres blessez à mort, depuis décedez et plusieurs autres encor blessez.


''<< De plus, cette populasse aveugle estant allée dans la rue aux Foulons, à dessein de piller le grand bureau des Debvoirs, ilz y furent tellement repoussez qu'il y en a esté tué; et seroint aussy allez au Palais, au bureau du Timbré, et auroint rompu touttes les presses et pillé tout le papier et parchemin timbré.'''' <ref> Journal d'un bourgeois de Rennes au VIIe siècle </ref>
''<< De plus, cette populasse aveugle estant allée dans la rue aux Foulons, à dessein de piller le grand bureau des Debvoirs, ilz y furent tellement repoussez qu'il y en a esté tué; et seroint aussy allez au Palais, au bureau du Timbré, et auroint rompu touttes les presses et pillé tout le papier et parchemin timbré.'''' <ref> Journal du sieur Duchemin, bourgeois de Rennes au XVIIe siècle </ref>


Le 25, le temple protestant de Cleunay est incendié sous prétexte que des commis des tabacs et du papier timbré sont de la religion. Les compagnies de milice bourgeoises, les "cinquantaines", se mobilisent. Les injures fusent, le [[duc de Chaulnes]] est traité de "gros cochon"et est assiégé en son Hôtel caillassé par une "colique pierreuse" selon Mme de Sévigné, et, dans toute la Basse Bretagne, de très nombreux manoirs sont mis à sac et brûlés. Rue Haute, la duchesse est arrêtée par la foule qui la prie d'être la marraine d'un nouveau-né qu'on lui tend mais elle reçoit sur ses genoux la charogne d'un chat crevé.
Le 25, le temple protestant de Cleunay est incendié sous prétexte que des commis des tabacs et du papier timbré sont de la religion. Les compagnies de milice bourgeoises, les "cinquantaines", se mobilisent. Les injures fusent, le [[duc de Chaulnes]] est traité de "gros cochon"et est assiégé en son Hôtel caillassé par une "colique pierreuse" selon Mme de Sévigné, et, dans toute la Basse Bretagne, de très nombreux manoirs sont mis à sac et brûlés. Rue Haute, la duchesse est arrêtée par la foule qui la prie d'être la marraine d'un nouveau-né qu'on lui tend mais elle reçoit sur ses genoux la charogne d'un chat crevé.
[[Fichier:Revolte_du_papier_timbre.JPG|300px|left|thumb|Tableau allégorique de la révolte du papier timbré, par Jean-Bernard Chalette - 1676. A gauche, la ville de Rennes est dans les flammes de l'enfer. L'impôt est représenté par un char conduit par un diable, sur lequel se trouve le duc de Chaulnes (musée de Bretagne) - de Wikimedia Commons)]]
[[Fichier:Revolte_du_papier_timbre.JPG|300px|left|thumb|Tableau allégorique de la révolte du papier timbré, par Jean-Bernard Chalette - 1676. A gauche, la ville de Rennes est dans les flammes de l'enfer. L'impôt est représenté par un char conduit par un diable, sur lequel se trouve le duc de Chaulnes (musée de Bretagne) - de Wikimedia Commons)]]
La colère explose à nouveau en juin [[1675]] à Rennes. Le gouverneur, le duc a fait entrer en ville trois compagnies de 150 hommes du régiment de la Couronne.  Se dirigeant vers l’hôtel de ville pour y prendre leur quartier,à une centaine de mètres du palais épiscopal où le duc de Chaulnes résidait, mais ces  compagnies  se heurtent à la compagnie milicienne de garde qui refuse de céder la place et de leur remettre la garde et la défense de la ville. Les Rennais voient là une mesure insultante. La foule s’assemble, des enfants jettent des pierres sur la troupe insultée. Le duc intervient et cède. Le 20 juin, le duc aurait obtenu des capitaines le retour au calme en échange de la promesse de surseoir aux taxes jusqu’à la prochaine tenue des états provinciaux. <ref> ''La prise d’armes rennaise de juin 1675 : une révolte civique ?'' Annales de Bretagne et des Pays de l'Ouest. Gaithier Aubert - 2011 </ref>  
La colère explose à nouveau en juin [[1675]] à Rennes. Le gouverneur, le duc a fait entrer en ville trois compagnies de 150 hommes du régiment de la Couronne.  Se dirigeant vers l’hôtel de ville pour y prendre leur quartier,à une centaine de mètres du palais épiscopal où le duc de Chaulnes résidait, mais ces  compagnies  se heurtent à la compagnie milicienne de garde qui refuse de céder la place et de leur remettre la garde et la défense de la ville. Les Rennais voient là une mesure insultante. La foule s’assemble, des enfants jettent des pierres sur la troupe insultée. Le duc intervient et cède. Le 20 juin, le duc aurait obtenu des capitaines le retour au calme en échange de la promesse de surseoir aux taxes jusqu’à la prochaine tenue des états provinciaux. <ref> ''La prise d’armes rennaise de juin 1675 : une révolte civique ?'' Annales de Bretagne et des Pays de l'Ouest. Gauthier Aubert - 2011 </ref>  


Le 17 juillet, en fin de matinée, le bureau du papier timbré est à nouveau dévasté et des bourgeois de la milice tuèrent un des séditieux.. Apeurée, [[Madame de Sévigné]] écrit encore à sa fille, le 24 juillet [[1675]] - ''"Nous ne voulons pas aller nous jeter dans la fureur qui agite notre province, elle augmente tous les jours ... Mme de Chaulnes est à demi morte des menaces qu'on lui fait tous les jours"''  
Le 17 juillet, en fin de matinée, le bureau du papier timbré est à nouveau dévasté et des bourgeois de la milice tuèrent un des séditieux.. Apeurée, [[Madame de Sévigné]] écrit encore à sa fille, le 24 juillet [[1675]] - ''"Nous ne voulons pas aller nous jeter dans la fureur qui agite notre province, elle augmente tous les jours ... Mme de Chaulnes est à demi morte des menaces qu'on lui fait tous les jours"''  
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=== L'exil du Parlement ===
=== L'exil du Parlement ===


Le 16 octobre, par ordre du roi, le Parlement est exilé à Vannes, un exil qui va durer quinze ans.Une centaine de conseillers avec, à leur tête, le premier président François d’Argouges, père du futur évêque de Vannes, quitte sa résidence de Rennes. Suivent les gens du roi et autres auxiliaires de justice (procureurs, avocats, greffiers, huissiers, sergents, chirurgiens et autres experts), sans oublier les domestiques. Certains artisans et commerçants rennais rejoignent leur clientèle à Vannes. C’est la raison pour laquelle une marée  humaine envahit la cité vannetaise. S'en vont les présidents et conseillers de la cour avec leurs familles et leur domestiques, mais aussi les avocats, procureurs, clercs, huissiers, greffiers, sergents et leurs familles. Dès 1676 le nombre des baptêmes diminue brusquement, passant de 1800 à 1450. <ref> ''L'évolution de la population de Rennes au XVIIe siècle'', par François Lebrun. Persée</ref>  Rennes a perdu en quelques semaines plusieurs milliers d'habitants et va connaître une sinistre occupation militaire, la destruction de ses faubourgs.  ║À partir du 16, les habitants sont tenus de remettre leurs armes à leurs capitaines à l'exception de cinquante par compagnie de la haute ville et vingt-cinq en basse ville et ces armes sont envoyées à Belle-Ïle menacée par les Hollandais. Le 17 au soir des procureurs de la Cour et du présidial sont arrêtés ainsi que des vagabonds et seront libérés.
Le 16 octobre, par ordre du roi, le Parlement est exilé à Vannes, un exil qui va durer quinze ans.  
 
«''Le samedy 12e octobre 1675, Monseigneur le Duc de Chaulnes est arrivé en cette ville, environ les trois heures de l'apres midy, accompagné de plusieurs gentilhommes, de 300 Mousquetaires blancqs et noirs, de 1000 des Mareschaussée, 500 Dragons vestus de jaune, à cheval, 3 compagnies des Gardes françoises et 3 des Gardes Suisses, deux compagnies du régiment de Picardye, 300 hommes du régiment de la Marine, 6 compagnies du régiment de la Couronne, 4 compagnies du régiment de Navailles; et se sont saisiz de tous les postes et faisoint garde jour et nuict. Madame la Duchesse est venue en cette ville, a dessein de se satisfaire de la veüe.
 
«''Le 16 octobre 1675, Monseigneur le Duc a entré au Pallais et y fist inserer une Déclaration du Roy portant que le Parlement seroit transferé à Vennes, et a esté fermé le mesme jour. Le parlement de Bourdeaux est aussy transferé à Gien, 30 lieues dudict Bourdeaux''''.  Journal du sieur Duchemin, bourgeois de Rennes au XVIIe siècle
 
Une centaine de conseillers avec, à leur tête, le premier président François d’Argouges, père du futur évêque de Vannes, quittent la résidence de Rennes. Suivent les gens du roi et autres auxiliaires de justice (procureurs, avocats, greffiers, huissiers, sergents, chirurgiens et autres experts), sans oublier les domestiques. Certains artisans et commerçants rennais rejoignent leur clientèle à Vannes. C’est la raison pour laquelle une marée  humaine envahit la cité vannetaise. S'en vont les présidents et conseillers de la cour avec leurs familles et leur domestiques, mais aussi les avocats, procureurs, clercs, huissiers, greffiers, sergents et leurs familles. Dès 1676 le nombre des baptêmes diminue brusquement, passant de 1800 à 1450. <ref> ''L'évolution de la population de Rennes au XVIIe siècle'', par François Lebrun. Persée</ref>  Rennes a perdu en quelques semaines plusieurs milliers d'habitants et va connaître une sinistre occupation militaire, la destruction de ses faubourgs.  ║À partir du 16, les habitants sont tenus de remettre leurs armes à leurs capitaines à l'exception de cinquante par compagnie de la haute ville et vingt-cinq en basse ville et ces armes sont envoyées à Belle-Ïle menacée par les Hollandais. Le 17 au soir des procureurs de la Cour et du présidial sont arrêtés ainsi que des vagabonds et seront libérés.


Madame de Sévigné écrit au comte de Bussy Rabutin et à mademoiselle de Bussy,  le 20 octobre, avec quelque détachement : ''Cette province est dans une grande désolation. M. de Chaulnes a ôté le parlement de Rennes pour punir la ville ; ces Messieurs sont allés à Vannes, qui est une petite ville où ils seront fort pressés. Les mutins de Rennes se sont sauvés il y a longtemps : ainsi les bons pâtiront pour les méchants ; mais je trouve tout fort bon, pourvu que les quatre mille hommes de guerre qui sont à Rennes, sous MM. de Fourbin et de Vins, ne m’empêchent point de me promener dans mes bois, qui sont d’une hauteur et d’une beauté merveilleuses.''  Le 27 octobre elle écrit à sa fille :"On a ôté le Parlement : c'est le dernier coup car sans cela Rennes ne vaut pas Vitré."
Madame de Sévigné écrit au comte de Bussy Rabutin et à mademoiselle de Bussy,  le 20 octobre, avec quelque détachement : ''Cette province est dans une grande désolation. M. de Chaulnes a ôté le parlement de Rennes pour punir la ville ; ces Messieurs sont allés à Vannes, qui est une petite ville où ils seront fort pressés. Les mutins de Rennes se sont sauvés il y a longtemps : ainsi les bons pâtiront pour les méchants ; mais je trouve tout fort bon, pourvu que les quatre mille hommes de guerre qui sont à Rennes, sous MM. de Fourbin et de Vins, ne m’empêchent point de me promener dans mes bois, qui sont d’une hauteur et d’une beauté merveilleuses.''  Le 27 octobre elle écrit à sa fille :"On a ôté le Parlement : c'est le dernier coup car sans cela Rennes ne vaut pas Vitré."
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A partir du 9 décembre, six mille hommes de guerre sont à Rennes et y sont logés tout l'hiver, jusqu'au début de mars, chez les habitants tenus en outre de leur fournir "l'ustensile" : "le pot et le plat, feu pour cuire et manger leur viande, sel et vinaigre pour les assaisonner, place au feu et à la chandelle". Le régiment Dauphin aurait débauché 300 à 400 servantes. Femmes et filles de bonne famille se
A partir du 9 décembre, six mille hommes de guerre sont à Rennes et y sont logés tout l'hiver, jusqu'au début de mars, chez les habitants tenus en outre de leur fournir "l'ustensile" : "le pot et le plat, feu pour cuire et manger leur viande, sel et vinaigre pour les assaisonner, place au feu et à la chandelle". Le régiment Dauphin aurait débauché 300 à 400 servantes. Femmes et filles de bonne famille se
réfugièrent en grand nombre chez les Augustines de Saint-Yves <ref>[[hôpital Saint-Yves]]</ref> pour échapper à la soldatesque des
réfugièrent en grand nombre chez les Augustines de Saint-Yves <ref>[[hôpital Saint-Yves]]</ref> pour échapper à la soldatesque des
8 000 hommes de troupe imposés par le roi. <ref> ''Histoire des hôpitaux de Rennes'', professeur J-C. Sournia. BIU Santé </ref> Certains se comportèrent à Rennes comme en pays ennemi : René Duchemin, notaire royal à Rennes, écrit '' :"Le 13e décembre, plusieurs habitants de cette ville et forsbourgs ont esté battuz par des soldats qui estoient logez chez eux, et tous les soldats ont tellement vexé les habitants qu'ils ont jetté de leurs hostes et hostesses par les fenêtres, battuz et excédez, viollés des femmes ès présence de leur mariz, lié des enfens tous nuds sur des broches pour eux voulloir faire rostir, rompu et bruslé les meubles..."''<ref> '' Journal d'un bourgeois de Rennes. L'ancien comté de Rennes ou pays de Rennes'' par Michel de Mauny, éditions Roudil - 1974</ref> . La férocité de la répression, finit par toucher [[Madame de Sévigné]] elle-même, qui se défait de sa distance d'aristocrate et de son mépris des bas Bretons, pour écrire à son cousin Rabutin, le 20 octobre [[1675]] - ''"Cette province est dans une grande désolation. M. de Chaulnes a ôté le Parlement de Rennes pour punir la ville (...).
8 000 hommes de troupe imposés par le roi. <ref> ''Histoire des hôpitaux de Rennes'', professeur J-C. Sournia. BIU Santé </ref> Certains se comportèrent à Rennes comme en pays ennemi : René Duchemin, notaire royal à Rennes, écrit '' :"Le 13e décembre, plusieurs habitants de cette ville et forsbourgs ont esté battuz par des soldats qui estoient logez chez eux, et tous les soldats ont tellement vexé les habitants qu'ils ont jetté de leurs hostes et hostesses par les fenêtres, battuz et excédez, viollés des femmes ès présence de leur mariz, lié des enfens tous nuds sur des broches pour eux voulloir faire rostir, rompu et bruslé les meubles..."''<ref> '' Journal d'un bourgeois de Rennes au XVIIe siècle. L'ancien comté de Rennes ou pays de Rennes'' par Michel de Mauny, éditions Roudil - 1974</ref> . La férocité de la répression, finit par toucher [[Madame de Sévigné]] elle-même, qui se défait de sa distance d'aristocrate et de son mépris des bas Bretons, pour écrire à son cousin Rabutin, le 20 octobre [[1675]] - ''"Cette province est dans une grande désolation. M. de Chaulnes a ôté le Parlement de Rennes pour punir la ville (...).
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