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En ville ou au collège jusqu’en 1942, un jeune homme de 17 ans souffrait des difficultés croissantes de l’alimentation. Ceux qui habitaient la campagne n’ont eu qu’une faible idée des privations endurées par les citadins pris d’une considération toute nouvelle pour les paysans mais l’inconnu ou l’étranger à la famille se faisait rabrouer et on lui disait qu’il n’y avait rien à vendre ou à espérer même s’il savait parfois que le paysan venait de vendre aux soldats allemands qui payaient largement. En juin 1941, les quatre facultés rennaises comptaient 2 787 étudiants inscrits. <ref>Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 1346W3, rapport mensuel sur l’activité de l’académie de Rennes (juin 1941) </ref> Il n’était pas rare de sortir du restaurant universitaire avec encore la sensation de faim, malgré l’apport calorique supplémentaire de la carte J. 3. L’étudiant en médecine passe un diplôme de biologie animale – dont il n’avait pas besoin – car il avait ainsi l’occasion de  ramener chez lui et cuire les grenouilles et tanches disséquées. Des gardes bénévoles à l’hôpital, où le travail augmentait en raison des bombardements et mitraillages sur les routes, procuraient une nourriture plus substantielle qu’à l’ordinaire. Dans les aliments rutabagas, navets et panais revenaient souvent. Le pain noir, gluant et non levé, gardait l’empreinte du pouce dès que l’on appuyait un peu. Le café d’orge ou de jus de gland, la freinette ou le coco réalisés avec des faines ou des plantes n’étaient pas des boissons fameuses.<ref>''Les restrictions pendant l’Occupation'', par Jean Fenard, mars 1997. Groupe mémoire du Vécu. Université du Temps libre du pays de Rennes. Mémoire UTLA de Bretagne vol. 17 - 2006</ref>.
En ville ou au collège jusqu’en 1942, un jeune homme de 17 ans souffrait des difficultés croissantes de l’alimentation. Ceux qui habitaient la campagne n’ont eu qu’une faible idée des privations endurées par les citadins pris d’une considération toute nouvelle pour les paysans mais l’inconnu ou l’étranger à la famille se faisait rabrouer et on lui disait qu’il n’y avait rien à vendre ou à espérer même s’il savait parfois que le paysan venait de vendre aux soldats allemands qui payaient largement. En juin 1941, les quatre facultés rennaises comptaient 2 787 étudiants inscrits. <ref>Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 1346W3, rapport mensuel sur l’activité de l’académie de Rennes (juin 1941) </ref> Il n’était pas rare de sortir du restaurant universitaire avec encore la sensation de faim, malgré l’apport calorique supplémentaire de la carte J. 3. L’étudiant en médecine passe un diplôme de biologie animale – dont il n’avait pas besoin – car il avait ainsi l’occasion de  ramener chez lui et cuire les grenouilles et tanches disséquées. Des gardes bénévoles à l’hôpital, où le travail augmentait en raison des bombardements et mitraillages sur les routes, procuraient une nourriture plus substantielle qu’à l’ordinaire. Dans les aliments rutabagas, navets et panais revenaient souvent. Le pain noir, gluant et non levé, gardait l’empreinte du pouce dès que l’on appuyait un peu. Le café d’orge ou de jus de gland, la freinette ou le coco réalisés avec des faines ou des plantes n’étaient pas des boissons fameuses.<ref>''Les restrictions pendant l’Occupation'', par Jean Fenard, mars 1997. Groupe mémoire du Vécu. Université du Temps libre du pays de Rennes. Mémoire UTLA de Bretagne vol. 17 - 2006</ref>.
===Bœuf aux carottes,  rillettes===
La quête de nourriture incombait à maman, faire la queue pour tout, avec tickets en main, était son lot quotidien assorti de sujets fréquents de conversation. Papa commentait les résultats à table et compatissait au rapport des difficultés, voire des échecs qu’elle rencontrait.
Il lui arrivait parfois de s’en mêler et de ramener quelque complément obtenu mystérieusement. Il en fut ainsi d’une boîte de bœuf aux carottes et d’un pot de rillettes.
La grosse boîte était ornée d’une belle étiquette de couleurs vives  et de jolies lettres formaient une alléchante mention : « Bœuf aux carottes ». Papa, fier de son achat dont il tût les circonstances, procéda, devant la famille assemblée, à l’ouverture de la boîte,  une casserole disposée pour en recevoir le contenu. Venu à bout des difficultés, tout en annonçant «  Pareille conserve, ça n’a pas de prix ! », il déversa  le contenu qu’il touilla un peu avec une cuiller avant de déclarer en secouant la tête : « Ah, les voleurs ! Ce n’est pas du bœuf aux carottes mais des carottes au bœuf … ». Trois ou quatre minces morceaux agrémentaient de gros tronçons de carottes.
Une autre fois, il nous appela à la salle à manger pour contempler, sur le buffet, une boîte évasée en carton blanc. Il  y avait à côté une assiette garnie de tranches de pain et il annonça : « nous allons manger des rillettes ! »  Délicatement, il ôta au couteau une abondante matière blanchâtre qu’il disposa sur le bord de l’assiette, expliquant : « C’est le saindoux.  Avec des pommes de terre, miam. » Maman opina et, dans un silence total, il entreprit d’étaler la rillette sur les tartines. Quand il eut enfin fini, il les distribua et recommanda d’une voix forte : «  À manger re-li-gieu-se-ment ! Il faut savourer ! » Ce que nous fîmes au rythme qu’il donna. Un régal… C’est bath, les rillettes, pensai-je.
''Étienne Maignen'' (7 ans en 1942)




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