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"Vendredi 4 août 1944 – 23 heures
"Vendredi 4 août 1944 – 23 heures


Nuit de repos, d’agitation, d’angoisse… Hôtes charmants. Un peu de conversation. Une cigarette anglaise… Encore un peu de puces. Des bruits de bottes mystérieux. Des ordres rauques. Des coups de canon et de mitrailleuses. Des bruits de chars. À 4 ou 5 heures, de puissantes exposions qui ont tout ébranlé et qui devaient être les ponts. On le saura plus tard. Puis des bruits de bottes et plus rien. Quelqu’un descend à l’abri, y fait un peu de jour et annonce « M. Milon est maire de Rennes. <ref>[[Yves Milon]]</ref> Le Gorgeu est préfet régional… <ref>[[Victor Le Gorgeu]]</ref> »
Nuit de repos, d’agitation, d’angoisse… Hôtes charmants. Un peu de conversation. Une cigarette anglaise… Encore un peu de puces. Des bruits de bottes mystérieux. Des ordres rauques. Des coups de canon et de mitrailleuses. Des bruits de chars. À 4 ou 5 heures, de puissantes exposions qui ont tout ébranlé et qui devaient être les ponts. On le saura plus tard. Puis des bruits de bottes et plus rien. Quelqu’un descend à l’abri, y fait un peu de jour et annonce « M. Milon est maire de Rennes". <ref>[[Yves Milon]]</ref> Le Gorgeu est préfet régional… <ref>[[Victor Le Gorgeu]]</ref> »


Je me lève, j’emporte mon grabat et je monte au 1er où m’attend du café, des tartines, du cognac ! Je remercie chaleureusement mes charmants hôtes. […]  Des gens, dont Mlle Nicolet, arborent les trois couleurs et les couleurs américaines et anglaises… Les rues cependant sont encore assez calmes. Voyant mon casque, le général Rouvillois, m’interpellant, me demande ce qui s’est passé à Jeanne-d’Arc.
Je me lève, j’emporte mon grabat et je monte au 1er où m’attend du café, des tartines, du cognac ! Je remercie chaleureusement mes charmants hôtes. […]  Des gens, dont Mlle Nicolet, arborent les trois couleurs et les couleurs américaines et anglaises… Les rues cependant sont encore assez calmes. Voyant mon casque, le général Rouvillois, m’interpellant, me demande ce qui s’est passé à Jeanne-d’Arc.
Avant d’aller chez moi, je vais au poste de secours voir le matériel. Il est au complet. Je rencontre M. Martin. Il y a un mort dans le secteur, tué à minuit par une rafale de mitrailleuse allemande. Il a été relevé mais personne pour faire sa toilette. Mme Descure, prévenue accourt. On prend du matériel. On va à la maison. Le bonhomme est raide. On le déshabille péniblement. Ses membres raides et dans des positions incommodes rendent impossible le déshabillage complet. Je coupe la chemise ensanglantée et je la brûle. J’aide à ôter le pantalon. Une femme lave les pieds en pleurant. Mme Lescure lave les plaies et comme les boyaux sont trop sortis pour qu’on tente de les rentrer on fait un gros pansement, puis on drape le cadavre du linceul. C’est un père de sept enfants, victime de sa curiosité.
Avant d’aller chez moi, je vais au poste de secours voir le matériel. Il est au complet. Je rencontre M. Martin. Il y a un mort dans le secteur, tué à minuit par une rafale de mitrailleuse allemande. Il a été relevé mais personne pour faire sa toilette. Mme Descure, prévenue accourt. On prend du matériel. On va à la maison. Le bonhomme est raide. On le déshabille péniblement. Ses membres raides et dans des positions incommodes rendent impossible le déshabillage complet. Je coupe la chemise ensanglantée et je la brûle. J’aide à ôter le pantalon. Une femme lave les pieds en pleurant. Mme Lescure lave les plaies et comme les boyaux sont trop sortis pour qu’on tente de les rentrer, on fait un gros pansement, puis on drape le cadavre du linceul. C’est un père de sept enfants, victime de sa curiosité.
Deschamps survient et dit que le général Nicolet a été tué accidentellement par un obus.
Deschamps survient et dit que le général Nicolet a été tué accidentellement par un obus.
[[Fichier:Pierre_de_La_haye418.jpg|450px|right|thumb|L'auteur du journal, au 1er rang, 4e en partant de la droite. "au siège de la Résistance, à la Maison du prisonnier.  * <ref> * Cette maison était à l'angle ouest du boulevard de la Liberté et de la rue Tronjolly </ref>  "''Nous touchons un brassard blanc à croix de Lorraine dans un V et un fusil. Cinq minutes ou dix minutes de maniement d’armes…''"]]
[[Fichier:Pierre_de_La_haye418.jpg|450px|right|thumb|L'auteur du journal, au 1er rang, 4e en partant de la droite. "au siège de la Résistance, à la Maison du prisonnier.  * <ref> * Cette maison était à l'angle ouest du boulevard de la Liberté et de la rue Tronjolly </ref>  "''Nous touchons un brassard blanc à croix de Lorraine dans un V et un fusil. Cinq minutes ou dix minutes de maniement d’armes…''"]]
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Un Américain, journaliste, me parle : « Les Français font des discours trop longs et trop de discours… » C’est un peu vrai. Cochet a exécuté assez sèchement M. Artur et ''L’Ouest-Éclair''. M. Aubrée a tout de même rendu hommage à M. Artur. Béguier, Batisse, un troisième et moi allons prendre deux demis. On se sépare. Je rentre à la maison.
Un Américain, journaliste, me parle : « Les Français font des discours trop longs et trop de discours… » C’est un peu vrai. Cochet a exécuté assez sèchement M. Artur et ''L’Ouest-Éclair''. M. Aubrée a tout de même rendu hommage à M. Artur. Béguier, Batisse, un troisième et moi allons prendre deux demis. On se sépare. Je rentre à la maison.


La rue a un aspect un peu révolutionnaire. Beaucoup de débraillés. J'avais d'ailleurs déjà noté cela dans les rangs de nos camarades de "l'Armée" où l'o, s'engueulait un peu. L'étudiant reprochait au maquisard de ne pas savoir tenir un fusil. Le maquisard reprochait à l'étudiant de ne pas savoir s'en servir. Harassé de fatigue, je me suis couché sans faire grand-chose. J’ai seulement vu M. Martin au moment de me mettre au lit. – au lit, et non plus sur le « canapé » de la cave."  <ref> ''Journal.  6 juin - 18 août 1944'' -  Pierre et Armande  de La Haye. Document remis à Étienne Maignen  avec autorisation de reproduction </ref>
La rue a un aspect un peu révolutionnaire. Beaucoup de débraillés. J'avais d'ailleurs déjà noté cela dans les rangs de nos camarades de "l'Armée" où l'on s'engueulait un peu. L'étudiant reprochait au maquisard de ne pas savoir tenir un fusil. Le maquisard reprochait à l'étudiant de ne pas savoir s'en servir. Harassé de fatigue, je me suis couché sans faire grand-chose. J’ai seulement vu M. Martin au moment de me mettre au lit. – au lit, et non plus sur le « canapé » de la cave."  <ref> ''Journal.  6 juin - 18 août 1944'' -  Pierre et Armande  de La Haye. Document remis à Étienne Maignen  avec autorisation de reproduction </ref>


''Pierre de La Haye''
''Pierre de La Haye''
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