« La chaîne des forçats passe à Rennes ! » : différence entre les versions

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[[File:Sortie du Bagne.jpg|right| 400px|thumb|Sortie des forçats du bagne de Brest le matin pour aller au travail. (''de Wikimedia Commons'')]]
[[File:Sortie du Bagne.jpg|right| 400px|thumb|Sortie des forçats du bagne de Brest le matin pour aller au travail. (''de Wikimedia Commons'')]]
Enfin, vers 15 heures, l’attente de tous ces Rennais et Rennaises des classes bourgeoises et populaires prend fin car ils entendent des chants qui approchent. Ce sont ceux de deux cents hommes qui, ferrés au cou à la prison de Bicêtre à Paris, lieu de départ des chaînes vers Toulon, Rochefort et Brest, poursuivent leur long trajet. Ils sont passés par Dreux, Alençon, Laval, Vitré, Châteaubourg et sont en route depuis une douzaine de jours, avec des ajouts de forçats au passage des principales villes pour rejoindre à Brest 3500 bagnards. Attachés par un collier de fer et liés deux par deux, groupés en cordons de 24 ou 26 hommes, ils ont fait le trajet à pied, certains en charrette, accompagnés d’un officier de santé et escortés par une vingtaine de gardes, les « argousins » ou garde-chiourmes, recrutés par un entrepreneur privé chargé par l’administration du ministère de toute l’organisation, de la logistique et de la surveillance des prisonniers. Quelques gendarmes accompagnent. L'entrepreneur est passible d'une amende ou retenue de 3 000 francs pour chaque homme de la chaîne qui parviendrait à s'évader, somme énorme qui représente cinq salaires annuels d'ouvrier payé de l'ordre de 50 francs par mois. C'est ce qui explique les précautions sévères auxquelles on a recours pour entraver les mouvements des forçats dans leur trajet au bagne. Les évasions sont donc rares<ref> Gazette des Tribunaux, 27 mai 1831</ref>. Le voyage du convoi a été longuement organisé par des échanges entre l’administration du ministère de l’Intérieur, les services préfectoraux et les mairies. C'est, avec les charrettes transportant des vivres, fournies sur recrutement local, une vraie caravane. Six ans plus tôt, le poète Hippolyte Raynal interrogeait : "Ne se demanderait-on pas pourquoi la cupidité fait chaque jour perfectionner, inventer des voitures de toutes les formes, de toutes les dimensions, pour transport de marchandises, et pourquoi l'humanité n'inspire rien de semblable quand il s'agit d hommes accablés sous le double fardeau du fer et des souffrances?"<ref> Gazette des tribunaux, 16 octobre 1830</ref>.
Enfin, vers 15 heures, l’attente de tous ces Rennais et Rennaises des classes bourgeoises et populaires prend fin car ils entendent des chants qui approchent. Ce sont ceux de deux cents hommes qui, ferrés au cou à la prison de Bicêtre à Paris, lieu de départ des chaînes vers Toulon, Rochefort et Brest, poursuivent leur long trajet. Ils sont passés par Dreux, Alençon, Laval, Vitré, Châteaubourg et sont en route depuis une douzaine de jours, avec des ajouts de forçats au passage des principales villes pour rejoindre à Brest 3500 bagnards. Attachés par un collier de fer et liés deux par deux, groupés en cordons de 24 ou 26 hommes, ils ont fait le trajet à pied, certains, invalides, sur cinq charrettes, accompagnés d’un officier de santé et escortés par une vingtaine de gardes, les « argousins » ou garde-chiourmes, recrutés par un entrepreneur privé chargé par l’administration du ministère de toute l’organisation, de la logistique et de la surveillance des prisonniers. Quelques gendarmes accompagnent. L'entrepreneur est passible d'une amende ou retenue de 3 000 francs pour chaque homme de la chaîne qui parviendrait à s'évader, somme énorme qui représente cinq salaires annuels d'ouvrier payé de l'ordre de 50 francs par mois. C'est ce qui explique les précautions sévères auxquelles on a recours pour entraver les mouvements des forçats dans leur trajet au bagne. Les évasions sont donc rares<ref> Gazette des Tribunaux, 27 mai 1831</ref>. Le voyage du convoi a été longuement organisé par des échanges entre l’administration du ministère de l’Intérieur, les services préfectoraux et les mairies. C'est, avec les charrettes transportant des vivres, fournies sur recrutement local, une vraie caravane. Six ans plus tôt, le poète Hippolyte Raynal interrogeait : "Ne se demanderait-on pas pourquoi la cupidité fait chaque jour perfectionner, inventer des voitures de toutes les formes, de toutes les dimensions, pour transport de marchandises, et pourquoi l'humanité n'inspire rien de semblable quand il s'agit d hommes accablés sous le double fardeau du fer et des souffrances?"<ref> Gazette des tribunaux, 16 octobre 1830</ref>.


Voici que passent les forçats, dégueunillés, la barbe longue, et on leur trouve en général des figures sinistres. De plus, le comportement étrange de ces misérables "déchets sociaux" avec leurs chants de colère et d’espoir, souvent ironiques, est perçu comme traduisant une insensibilité qui explique leurs penchants aux méfaits et aux crimes, et démontrant un mépris scandaleux envers les honnêtes citoyens qui respectent les lois et dont les regards réprobateurs se repaissent de ces rebuts de la société. "Ce qui froisse le cœur dans ce douloureux spectacle, ce n'est point la misère des condamnés, c'est leur indifférence, leur apathie, leur gaîté même, au milieu des fers dont ils sont accablés, dans l'état de dégradation où ils se trouvent plongés." <ref>Gazette des Tribunaux, 27 mai 1831</ref>
Voici que passent les forçats, dégueunillés, la barbe longue, et on leur trouve en général des figures sinistres. De plus, le comportement étrange de ces misérables "déchets sociaux" avec leurs chants de colère et d’espoir, souvent ironiques, est perçu comme traduisant une insensibilité qui explique leurs penchants aux méfaits et aux crimes, et démontrant un mépris scandaleux envers les honnêtes citoyens qui respectent les lois et dont les regards réprobateurs se repaissent de ces rebuts de la société. "Ce qui froisse le cœur dans ce douloureux spectacle, ce n'est point la misère des condamnés, c'est leur indifférence, leur apathie, leur gaîté même, au milieu des fers dont ils sont accablés, dans l'état de dégradation où ils se trouvent plongés." <ref>Gazette des Tribunaux, 27 mai 1831</ref>
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