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Un camarade de mon père d’une famille polonaise, monsieur Sevinsky, a mis à notre disposition une camionnette qui devra nous mener à Rennes. Elle sera chargée de quelques valises et embarquera la famille Gilmet, soit un adulte et quatre enfants mais aussi madame Sevinsky, son fil Alexis adolescent et un très jeune garçon. | Un camarade de mon père d’une famille polonaise, monsieur Sevinsky, a mis à notre disposition une camionnette qui devra nous mener à Rennes. Elle sera chargée de quelques valises et embarquera la famille Gilmet, soit un adulte et quatre enfants mais aussi madame Sevinsky, son fil Alexis adolescent et un très jeune garçon. | ||
Madame Sevinsky est présente dans le Nord pour une simple visite de famille. Elle rejoint, en notre compagnie, son mari demeuré à Rennes. Au moment du grand départ, nous sommes en avril 1946, il sera nécessaire d’aller récupérer notre amie avec ses deux enfants, dans un coron où elle séjourne du | Madame Sevinsky est présente dans le Nord pour une simple visite de famille. Elle rejoint, en notre compagnie, son mari demeuré à Rennes. Au moment du grand départ, nous sommes en avril 1946, il sera nécessaire d’aller récupérer notre amie avec ses deux enfants, dans un coron où elle séjourne du côté de Lens. Ce ne sera pas un grand détour. | ||
Nous roulons maintenant vers Rouen lieu de notre première étape pour la nuit. Nous occupons, dans un hôtel bon marché, une seule chambre pour nous tous, laquelle est tout à fait rudimentaire et ressemble plus à un grenier. Elle nous offre toutefois le confort d’un lavabo qui nous permet d’effectuer, le matin, une toilette de chat. Après un rapide petit déjeuner pique-nique, nous reprenons la route en direction de Caen. | Nous roulons maintenant vers Rouen, lieu de notre première étape pour la nuit. Nous occupons, dans un hôtel bon marché, une seule chambre pour nous tous, laquelle est tout à fait rudimentaire et ressemble plus à un grenier. Elle nous offre toutefois le confort d’un lavabo qui nous permet d’effectuer, le matin, une toilette de chat. Après un rapide petit déjeuner pique-nique, nous reprenons la route en direction de Caen. | ||
C’est après Caen que nous découvrons des épaves de chars, canons et engins de guerre lourds alliés et allemands. Ils jalonneront notre itinéraire jusqu’à Avranches. Nous avons décidé de les compter mais nous cessons vite, c’est une gageure, tant ils sont nombreux. Ils ont été poussés vers les fossés ou les talus pour permettre un libre passage sur la route. Les épaves des véhicules légers sont regroupées dans des champs comme sur d’immenses parkings. Les regroupements de véhicules entreposés non loin de la route principale se succèdent nombreux, tout au long de notre traversée du Bocage normand. Pour tuer le temps, nous les enfants, inventons un nouveau jeu. Les règles sont simples, nous décidons que les chars marqués d’une croix et bariolés de peinture, qu’on nomme ''camouflage'', ceux des allemands bien sûr, seraient les méchants. Les autres peints d’une belle couleur kaki et marqués d’une belle étoile blanche seraient les gentils. Nous sommes satisfaits de constater que, globalement, les méchants, canons bas et chenilles en déroute, sont les plus nombreux. On pourra deviner, dans notre jeu, un parti pris bien légitime compte tenu de l’époque. | C’est après Caen que nous découvrons des épaves de chars, canons et engins de guerre lourds alliés et allemands. Ils jalonneront notre itinéraire jusqu’à Avranches. Nous avons décidé de les compter mais nous cessons vite, c’est une gageure, tant ils sont nombreux. Ils ont été poussés vers les fossés ou les talus pour permettre un libre passage sur la route. Les épaves des véhicules légers sont regroupées dans des champs comme sur d’immenses parkings. Les regroupements de véhicules entreposés non loin de la route principale se succèdent nombreux, tout au long de notre traversée du Bocage normand. Pour tuer le temps, nous les enfants, inventons un nouveau jeu. Les règles sont simples, nous décidons que les chars marqués d’une croix et bariolés de peinture, qu’on nomme ''camouflage'', ceux des allemands bien sûr, seraient les méchants. Les autres peints d’une belle couleur kaki et marqués d’une belle étoile blanche seraient les gentils. Nous sommes satisfaits de constater que, globalement, les méchants, canons bas et chenilles en déroute, sont les plus nombreux. On pourra deviner, dans notre jeu, un parti pris bien légitime compte tenu de l’époque. | ||
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Nous franchissons le pont de Pontaubault, moins de deux ans après le passage de la 8th Inf Div du [[Avenue Général George S. Patton|général Patton]], celle qui délivra Rennes. | Nous franchissons le pont de Pontaubault, moins de deux ans après le passage de la 8th Inf Div du [[Avenue Général George S. Patton|général Patton]], celle qui délivra Rennes. | ||
A notre arrivée à Rennes nous passons notre première nuit dans l’appartement de la famille Sevinsky [[rue André Desilles]], une rue perpendiculaire à l’école de filles de Villeneuve, quartier du | A notre arrivée à Rennes nous passons notre première nuit dans l’appartement de la famille Sevinsky [[rue André Desilles]], une rue perpendiculaire à l’école de filles de Villeneuve, quartier du Sacré-Cœur. C’est un immeuble moderne, blanc à plusieurs étages. J’ai imaginé, durant un court instant, que nous allions y habiter mais non, je me trompais. Dommage, l’endroit me plaisait. | ||
Jusqu’à cet instant précis tout va bien car, mis à part mon père, personne de notre famille ne sait encore où nous allons nous fixer. Le lendemain nous avons la réponse. C’est au [[camp Victor Rault]] que nous établirons nos pénates. | Jusqu’à cet instant précis tout va bien car, mis à part mon père, personne de notre famille ne sait encore où nous allons nous fixer. Le lendemain nous avons la réponse. C’est au [[camp Victor Rault]] que nous établirons nos pénates. | ||
En cette période d’après guerre il y a grande pénurie de logements. Le choix du camp Victor Rault tient compte principalement d’une disponibilité de logement mais aussi de sa proximité avec le lieu de travail de mon père, Centre des transmissions, caserne Margueritte, [[rue du Garigliano]]. Il a probablement fallu qu’il obtienne un passe droit pour être aussi rapidement servi. Quantité de familles sont en attente de relogement et chacune espère être la prochaine bénéficiaire d’un espace pour vivre. | En cette période d’après guerre il y a grande pénurie de logements. Le choix du camp Victor Rault tient compte principalement d’une disponibilité de logement mais aussi de sa proximité avec le lieu de travail de mon père, Centre des transmissions, caserne Margueritte, [[rue du Garigliano]]. Il a probablement fallu qu’il obtienne un passe-droit pour être aussi rapidement servi. Quantité de familles sont en attente de relogement et chacune espère être la prochaine bénéficiaire d’un espace pour vivre. | ||
[[Fichier:Plan camp Victor Rault RR.jpg|300px|right|thumb|Croquis du Campt Victor Rault, exécuté de mémoire]] | [[Fichier:Plan camp Victor Rault RR.jpg|300px|right|thumb|Croquis du Campt Victor Rault, exécuté de mémoire]] | ||
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Nous poursuivons avec notre père cette première visite des lieux. Son discours reste le même, rassurant et optimiste comme s’il voulait se persuader, lui-même, devant la dure réalité. Il nous emmène vers les lieux d’aisance situés à une cinquantaine de mètres de notre logement. | Nous poursuivons avec notre père cette première visite des lieux. Son discours reste le même, rassurant et optimiste comme s’il voulait se persuader, lui-même, devant la dure réalité. Il nous emmène vers les lieux d’aisance situés à une cinquantaine de mètres de notre logement. | ||
'''Les lieux d’aisance''' sont un alignement de deux rangées de wc à la | '''Les lieux d’aisance''' sont un alignement de deux rangées de wc à la turque, construits dos à dos. Il en existe en tout, environ, une trentaine (peut-être plus). La plupart de ces wc sont verrouillés et accaparés par les anciens qui sont ainsi certains de maintenir pour eux un lieu propre. Pour les autres, les nouveaux venus, il faudra qu’ils se contentent de quatre ou cinq wc restés libres et qu’ils s’assurent d’avoir le coeur bien accroché pour les utiliser. Ces lieux sont repoussants de saleté et d’odeurs nauséabondes. Le papier hygiénique, s’il en existe déjà, est de l’argent jeté par les fenêtres, le carré de papier journal est beaucoup plus en usage et demeure à la portée de toutes les bourses. Les enfants oubliant souvent de s’en munir, décorent volontiers les murs de petites virgules couleur chocolat. La fréquentation des lieux, par les enfants, est si fréquente que l’espace manque souvent pour y laisser sa trace personnelle. Les adultes se contentent d’y vider leurs pots de chambre sans état d’âme et sans entretenir les lieux souillés. | ||
Dernière étape de notre visite guidée, les lavoirs. Cet espace couvert est implanté non loin du local des ordures ménagères qui lui est construit en bordure de la [[rue Victor Rault]]. | Dernière étape de notre visite guidée, les lavoirs. Cet espace couvert est implanté non loin du local des ordures ménagères qui lui est construit en bordure de la [[rue Victor Rault]]. |
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