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Portrait d'habitant : Marie-Élise, un vrai boute-en-train
Un quartier en ébullition
Marie-Élise est arrivée dans le secteur du Thabor à l’âge de 10 ans pour ne plus jamais le quitter. Ses parents tiennent alors une épicerie rue Richard-Lenoir dans laquelle elle passera toute sa jeunesse. Elle se souvient de la multitude de petits commerces existants dans le secteur : la rue de Paris avec ses épiceries, ses boucheries, ses boulangeries, ses bars, sa poissonnerie, sa crèmerie, sa droguerie, ses merceries ; la rue de Châteaudun : 5 épiceries, 2 boucheries, une pâtisserie, bars, un électro-ménager, un photographe; la rue Armand Barbès avec une boucherie, une épicerie, une entreprise de charpente, un marchand de vin, etc... et « l'imprimerie Oberthür qui a marqué notre secteur avec ses nombreux ouvriers ».
Un air de folklore
Tout ce petit monde était le cœur qui faisait vivre le quartier. Entre les chevaux qui permettaient de ravitailler les commerçants, le tramway qui traversait les rues, les gens attendant devant le four du pâtissier, tous les étés, pour faire rôtir leur volaille, les discussions autour de la fontaine rue Richard-Lenoir où on venait chercher son eau… Tant de moments et de lieux pour se rencontrer. « Il y avait le jour du beurre, le samedi. C’est-à-dire qu’on amenait le beurre en grosses mottes et puis l’épicière préparait le beurre. Chacun amenait ses petits raviers et puis maman, je me rappelle, elle travaillait le beurre : il fallait battre le beurre et elle le mettait dans les petits raviers, puis elle faisait des petits dessins dessus. (…) C’était assez amusant ! ».
Toujours en mouvement, le quartier vivait au rythme lent des transports. Par exemple, pour le cidre, les fournisseurs bloquaient la rue car ils descendaient chaque barrique par les trappes chez les commerçants, les aiguiseurs de couteaux, les marchands de peaux de lapins qui passaient dans la rue en criant comme sur la place du marché… Que d’animation !
Le quartier comme terrain de jeux
Mais tandis que petite, Marie-Élise allait se balader avec ses parents dans les nombreux parcs du quartier, adolescente, il lui fallut trouver d’autres occupations ! Les dimanches, pendant que les parents se réunissaient les uns chez les autres pour de longues parties de belote, elle partait à vélo avec ses amis au bord du canal à proximité (partie qui fut recouverte plus tard).
Le parc du Thabor était aussi le lieu de réunion des jeunes, assis sur les bancs, car à l’époque les chaises payantes étaient dûment surveillées par les chaisières, ou encore la grotte, leur offrant un endroit à l’abri du regard des adultes. Puis l’ère des premiers flirts au Cabinet Vert, lieu de baignade situé non loin de la Promenade des Bonnets Rouges et les sorties au bal du dimanche au Cercle Paul Bert. Le quartier était perçu comme un immense terrain de jeux par les enfants et adolescents qu’ils s’amusaient à explorer durant les longues vacances d’été.
Un quartier uni
Mais ce fut lors d’événements tragiques que les habitants montrèrent leur force. Durant l'inondation de Rennes en octobre 1966 et 1974, un système d’entraide fut rapidement mis en place, ou encore durant la guerre, on pouvait compter les uns sur les autres. À ce propos, une petite anecdote : « Dès qu'une alerte de bombardement était signalée par une sirène, nous allions nous réfugier dans les tranchées creusées dans les jardins des gens, bien souvent dans la nuit. Et nous, les enfants, nous ne mesurions pas le danger et trouvions cela « rigolo » de retrouver, en pyjama, les copines et copains en pleine nuit ».
Une évolution mitigée
Marie-Élise se marie en 1959 et décide de rester dans le quartier car il dispose de tout le « kit » nécessaire pour bien vivre sans avoir à en sortir : commerces, écoles, transports, parcs, la ville proche sans en avoir les inconvénients…
Mais cela était sans compter les années 70 et l’apparition des hypermarchés qui marqua le début du déclin des petits commerces qui fermèrent les uns après les autres. De plus en plus de nouveaux habitants arrivèrent également, dont la plupart travaillaient à l’extérieur. Puis, l’arrivée massive des étudiants marqua un tournant. Beaucoup de maisons dans lesquelles vivaient des familles furent transformées en petits logements pour les étudiants, des logements sociaux sous forme de petits immeubles virent le jour aussi. De nombreuses mutations vues d’un œil mitigé par Marie-Élise car ce fut toute la physionomie du quartier qui fut modifiée : « Les gens ne sont plus les mêmes, ça ne fait plus ouvrier comme avant ».
Marie-Élise, une femme pleine de ressources
Heureusement, Marie-Élise est une amoureuse du quartier et elle n’est pas du genre à se laisser faire et à attendre sans bouger !
Aujourd’hui à la retraite, elle ne s’arrête jamais, un petit bout de femme plein d’énergie ! Membre de l’association Pari-Rennes, elle organise des braderies, des repas champêtres… En bref, toutes les occasions sont bonnes pour amener les habitants à se croiser : « C’est génial car il y a plein de jeunes, d’enfants », s’exclame-t-elle.
Les associations sont nées dans le quartier pour lui donner un dynamisme et recréer ce lien qui s’est amenuisé avec le temps, et surtout pour éviter l’isolement des personnes âgées. Des événements, tels que Les Tombées de la nuit au Parc Thabor ou la Caravane des quartiers, contribuent à cette volonté de faire renaître ce caractère unique et uni qui en fait la spécificité. Même les logements sociaux construits représentent pour Marie-Élise une aubaine car même s’ils contrastent avec le style des maisons en pierres : « Finalement, faire des logements sociaux dans des secteurs plus bourgeois est une bonne chose » car tout le monde, tous types de personnes, classes sociales confondues apprennent à se connaître et à vivre ensemble, ce qui permet d’éviter les effets de regroupement.
Alors, grâce à des personnes comme Marie-Élise, le quartier n’a pas dit son dernier mot !
Référence
Portrait réalisé par Georgia Walter, écrivaine public dans le cadre de la Caravane de quartier Thabor – Saint-Hélier – Alphonse-Guérin en Mars 2013.
Zoom sur
Le Thabor
A l'origine jardin potager des moines de Saint-Melaine, le parc du Thabor devient tout au long du XIXe siècle un lieu en vogue pour certains Rennais. Jardin emblématique de la ville, il est aujourd'hui un lieu culturel pour le quartier et accessible à tous.
Les commerces
Alors que les petits commerces évoqués par Mme Meffray ont tendance à disparaître au Nord de la Vilaine, la rue Saint-Hélier, au Sud, reste fidèle à sa réputation de rue très commerçante et vivante.