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Hélène Jégado, l'empoisonneuse en série, aux Assises de Rennes
D'abord dans le Morbihan
Née à Plouhinec (Morbihan) le 17 juin 1803, Hélène, enfant élevée dans une petite ferme d'une famille de cultivateurs pauvres, nourrie des légendes de la Basse-Bretagne, est traumatisée par le personnage de l'Ankou, qu'elle va incarner pour calmer ses angoisses. En 1810, elle aurait empoisonné sa mère avec des graines de belladone versées dans sa soupe et, sa mère morte, elle est envoyée chez une tante domestique au presbytère de Bubry et devient elle-même domestique. Puis, dans différentes villes : Séglien, Auray, Hennebont, Locminé, Lorient, Pontivy et en 1849, Rennes. Cuisinière, c'est l'emploi idéal pour traiter à l'arsenic les plats de ses victimes : clients d'un bordel militaire de Port-Louis, où elle se prostitue, maîtresses de maison, curés, bonnes sœurs, jusqu'à des enfants. S'échelonnent ainsi sur son passage plusieurs dizaines de morts suspectes.
Puis à Rennes, chez un avocat
Sa carrière de cuisinière s'achève à Rennes, au domicile de l'avocat, professeur de droit et expert en affaires criminelles Théophile Bidard de la Noë [1], après les décès successifs d'une domestique environ deux semaines après son arrivée, l'autre servante étant sa dernière victime. Le 21 juin 1851. Rosalie Sarrazin, la lingère, vient d'expirer après avoir mangé une côtelette et des petits pois destinés au propriétaire des lieux. Une écume verdâtre sillonne les plis de sa bouche alors qu'elle repose sur son lit de mort. La succession de drames a éveillé la suspicion du maître de maison et des médecins qui se sont succédé au chevet des malades. Me Bidart a eu la bonne idée de conserver les vomissements de la dernière victime dans un bocal qu'il remet aux autorités. Hélène est aussitôt emmenée et le bocal est examiné. Le résultat est sans appel : arsenic !
Le 7 août, le juge fait procéder en présence d'Hélène Jegado aux exhumations des corps de Rose Texier et de Perote Masset et les autopsies sont pratiquées révélant enfin un empoisonnement à l'arsenic. Il est ainsi mit fin à une carrière criminelle de dix-huit ans, facilitée par les faits que la région à cette époque était touchée par des épidémies de choléra aux symptômes voisins de ceux de l'empoisonnement à l'arsenic, qu'elle ne vole pas ses victimes et que les familles refusent les autopsies. Le nombre de ses victimes est impossible à déterminer avec précision, une soixantaine, car 21 forfaits et 5 tentatives commis étaient légalement prescrits, ceux notamment sur la petite Marie Bréger au château de Soye (Plœmeur) en mai 1841, dix ans et un mois avant son arrestation, ainsi que sur deux tantes et son père. Cette grande tueuse en série du 19 e siècle gardait sur elle, attachés à une cordelette, des fétiches de chacun d'entre eux.
Procès et guillotine
L'acte d'accusation ne porte que sur cinq empoisonnements et cinq tentatives. Le procès s'ouvre devant la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine le 6 décembre 1851, et se termine par la condamnation à mort, le 14 décembre, après une heure quinze de délibération. Me Magloire Dorange, avocat de 24 ans chargé de la défense plaide la folie, et c'est aussi un plaidoyer contre la peine de mort: Faites au moins quelque différence entre le sort que vous lui préparez, et celui que vous feriez à un criminel raisonnable, doué de toutes ses facultés. Vous le savez d’ailleurs : votre verdict pur et simple aurait d’épouvantables conséquences. Et moi je vous dis : Hésiterez-vous entre le cachot qui se referme pour défendre à jamais la société d’un criminel, et le bourreau qui tue en public pour enseigner au peuple qu’il ne faut pas tuer ! Je vous dis : Choisissez entre le juge selon la barbarie et le juge suivant l’Évangile. Femme pieuse, Hélène avoue ses meurtres lors d'une confession en prison, la veille de son exécution, révélations qu'elle autorise à rendre publiques après son décès mais peu fiables car elle exclut certains crimes et en ajoute d'autres.' L'avocat demande les circonstances atténuantes.
C'est l'époque du coup d’État de Louis Napoléon, le 2 décembre, aussi l'affaire ne fit pas la une des journaux nationaux. Son dernier dîner sera, selon son souhait de condamnée, des œufs à la moutarde. Hélène Jégado est guillotinée sur le Champ de Mars le 26 février 1852, à 7 h 00 du matin, en présence d'une foule immense qui garda un silence respectueux. L'acte de décès ne donne pas les conditions de la mort. Sa dépouille et notamment son cerveau sont autopsiés par le premier chimiste de la faculté des sciences de Rennes, Faustino Malaguti.[2]
« La Jégado » est le sujet d'une feuille en français (Complainte d'Épinal) et d'une complainte de 57 quatrains en langue bretonne de Jafferedo, imprimée à Hennebont en 1900.
À Rennes, au 21e siècle, on peut déguster, chez Durand, chocolatier, quai Chateaubriand, le gâteau d'Hélène Jégado, composition de la cuisinière empoisonneuse, mais garanti sans arsenic ou mort-aux-rats.
références
- ↑ Brièvement maire de Rennes entre octobre 1870 et janvier 1871
- ↑ rue Malaguti