R. J. Doublet, marchand rennais

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Bien que pièce à l'appui d'un dépôt de bilan, le livre de marque de M. Doublet, marchand à Rennes, fournit un éclairage sur le commerce en gros à Rennes autour de 1780 : "Journal à l'usage de moi, R. J. Doublet, pour y porter jour par jour toutes ventes et envoyes et achapts, ainsi que les remises et payement qui me seront faits." Il n'en subsiste que les folio 22 à 86, commence le 2 novembre 1777, les dix premiers feuillets ayant été ôtés, et finit le 4 novembre 1779. Parfaitement tenu, chaque page a pour première ligne : "Laus Deo Rennes" suivi de la date.

Analyse

Le commerce du fil comptant grosso modo à lui seul pour une moitié, l'activité commerciale ne paraît pas importante, la centaine de pages étant remplie pour moitié de notes de versement d'argent aux fournisseurs. Le fil, le beurre, dans une moindre mesure le textile, sont les seules marchandises négociées régulièrement, le reste consistant en quelques réceptions de café et de poivre venant de Lorient (rares mais conséquents envois cependant avec notamment une fois un poids de 693 livres de poivre) ; encore, faut-il s'étonner que le beurre, toujours envoyé à des épiciers de Paris, n'apparaît que dans la seconde moitié du livre : une quarantaine de grelles sont expédiées, le plus souvent une par une, chacune pesant entre 55 et 95 livres, plus souvent autour de 60 livres. Comme il n'y a aucune mention de réception de cette denrée, elle doit provenir entièrement des marchés locaux, comme peut le confirmer l'indication systématique d'un coût d'accommodage (terme employé) au même titre que les frais de messagerie ou d'emballage, la grelle (récipient de bois) valant environ une livre. Par exemple au 20 mars 1779, on peut lire à peu près ceci : "Doit Mr. Sallé, md. epicier à Paris 74 livres 2 sols pour envoy d'une grelle boeur par la messagerie. 76 livres 3/4 coute avec commission 62 # 18 s ; une verge et demie toille à 30 s : 2 livres 5 ; grele 14 s. ; accommodage 9 s. ; port à la messagerie 7 livres 16 s". Exceptionnellement, on note un envoi de deux "panniers de beurre".

Comme celui du beurre, le commerce du fil se prête à une analyse simplifiée, au contraire de celui des textiles. Comme le premier est vendu en grelles, le second l'est en moches qui pèsent à peu près cinq kilos, si on omet quelques insignifiants achats-ventes de fil de couleur avec quelque teinturier rennais. De plus, exceptées 17 moches à l'origine inconnue, ce fil ne provient que de Paimpont et en fait est presque toujours fourni par Pierre Levesque puisque seules 40 des 220 moches sont expédiées par d'autres marchands, au nombre de trois. Ledit Pierre Levesque, mari de Marie Jano, est contraint lui-même à un dépôt de bilan, conservé dans le même fonds du Consulat de Rennes (tribunal de commerce). Enfin, si les destinataires sont plus variés, la balle de fil leur est envoyée le plus souvent soit le jour même soit le surlendemain, après un simple renforcement de l'emballage (coûtant entre 3 et 10 livres), plus rarement le lendemain. Le détail des catégories de fil, selon sa valeur, détail de même forme à la réception et au renvoi, permet d'être assuré de l'identité de chaque balle et d'observer la commission que prend le Rennais, par exemple 4 livres pour le fil qu'il facture 40 livres (la moche). Les fils fournis sont de diverses valeurs : 22 à 27, 31, 32, 35, 36, 38, 39, 40, 45, 54, 55, 60, 63, 70. Au-dessus de 30 livres la moche, le fil paraît une ou deux fois qualifié de "très fin" ; et de "superfin" le fil de 42 livres et plus.

Six des vingt envois de fil ont pour destination quatre marchands ou négociants de Saint-Germain-en-Laye, en fait une marchand, des marchands fabricants de bas et un bonnetier ; Toulouse apparaît ensuite avec cinq envois à deux sociétés de marchandes et un négociant ; les neuf restants voguant vers Dijon, Montauban (Quercy), Nantes, Nîmes, Paris ("marchands gaziers") et Tours. Pour chaque envoi vers Toulouse, et une fois vers Montauban, le livre fait état d'un transit en barque vers Bordeaux via Redon.

Au contraire, le commerce textile présente une grande variété à divers points de vue, par là difficile à synthétiser. Côté fournisseurs, Dinan et M. Le Coq apparaissent avec quelques envois de toile de coton (de 70 à 90 aunes chaque) accompagnés de peaux de chèvre (18), le sort de revente de ces denrées n'étant pas manifeste (par exception : "Doit Mr. Duval, Me tailleur à Rennes, 2 livres 3 s pour une aulne toille de cotton, le 29 octobre 1779"). Nantes intervient au même rang, voire devant, en fournissant plusieurs fois du bazin et autres tissus revendus sur Rennes et très accessoirement sur Lorient (où part aussi une balle de paires de bas de fil pouvant provenir de 22 douzaines de bas de fil fournies par un marchand de Vitré pour 743 livres). Le tableau est complété par les mouchoirs (mouchoirs de col ou châles) revendus localement et une fois à Vitré comme "mouchoirs des Indes", Nantes fournissant 45 douzaines de mouchoirs de Chollet pour 723 livres. Enfin, la lointaine ville de Troyes se remarque par la fourniture de six toiles de coton blanches pour 554 livres !

Pour finir par une note aromatisée, se remarque aussi la livraison d'une valeur de 857 livres de café, à 15 sols la livre (donc du "café des Isles" puisque le "café de Bourbon" vaut 19 sols), à Mll Bourbet, marchande épicière à la porte Saint-Michel, livraison faisant encore contraste avec celle de 34 sols de café à un marchand de Saint-Aubin-du-Cormier.

Notes et Références

  • Document conservé aux Archives départementales d'Ille-et-Vilaine sous la cote 10 B 112.